Richard Kern : Hardcore Extended (Expériences et provocations d'un héritier d'Andy Wahhol)

richard kern hardcore extended

Genre: expérimental, trash, inclassable (interdit aux - 16 ans)
Année: 2008
Durée: 3h10

L'histoire : Cette compilation contient toute l'oeuvre cinématographique de Richard Kern avant qu'il ne se dirige vers la photographie. Tournés dans les années 1980 et 1990, ces courts-métrages chocs où sang et sexe sont intimement liés, retracent le parcours trash de Richard Kern. Le réalisateur opte pour une provocation sans tabou pour réveiller les consciences d'une Amérique profondément scélorosée. 

La critique :

Avant de devenir un photographe mondialement connu, Richard Kern commence dans sa jeunesse par éditer des fanzines trash dans le New York de la fin des années 1970. Il rencontre alors Nick Zedd avec qui il va révolutionner le nouveau cinéma transgressif américain. Kern et Zedd se lancent dans la réalisation de films underground fortement inspirés de leurs expériences personnelles au hasard des rencontres, entre les sex shop crades et les cinéma miteux de la 42e rue.
S'il ne renie pas totalement l'influence de John Waters ou d'Andy Warhol, Richard Kern fait évoluer l'univers de ses premiers longs-métrages plus du côté de l'esthétisme inhérent aux films de Beth et Scott B. En gros, toujours plus de sexe, toujours plus de sang et des atrocités visuelles réinventées pour un public très averti. Aux Etats-Unis, Richard Kern devient le chantre de la transgression sexuelle et sociale.

Il fait la rencontre de Lydia Lunch qui restera longtemps son égérie et va aussi révéler celle qui deviendra bientôt l'icône du Hate Punk, Lung Leg. Les premières oeuvres de Kern tournent principalement autour du pouvoir sexuel au travers de saynettes mêlant intimement le plaisir charnel et la mort. A cela, le réalisateur ajoute un humour irrationnel et des réponses extrémistes aux ravages de la passion. L'oeuvre cinématographique de Richard Kern regroupe 19 courts-métrages concentrés sur la période 1983 - 1994. Cette compilation se nomme Hardcore Extended.
Attention, SPOILERS ! La première partie de l'oeuvre nommée "Hardcore" comprend 13 films aux titres pour le moins évocateurs. Citons notamment : Death Valley 69, You kill me first, My nightmare, The Bitches... La plupart d'entre eux sont tournés en super 8 et le réalisateur passe souvent de la couleur au noir et blanc d'un métrage à un autre.

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Au menu : un univers sacrément transgressif où l'ultra violence est toujours intimement mêlée à des performances sexuelles explicites et débridées, le tout sur fond de heavy metal. Les courts-métrages ressemblent parfois à des clips cauchemardesques que traversent comme des ombres des filles dénudées et des hommes à la coiffure new wave. L'action se situe généralement dans les caves ou des pièces obscures, mais certains films sont réalisés en pleine nature, comme le très éprouvant Fingered.
Richard Kern transpose à l'écran ses peurs, ses questions et sa haine viscérale de cette Amérique puritaine (période Reagan), à qui il semble adresser un énorme doigt d'honneur. Dans The Rightside of my Brain, l'auteur semble régler ses comptes avec une enfance douloureuse. Dans The Bitches, Kern n'hésite pas à utiliser la pornographie en montrant un homme soumis aux lubricités de ses deux partenaires féminines ; et cela pour dénoncer l'exploitation forcenée que fait la société du corps de la femme.

Dans You kill me first, le réalisateur se livre à un démolissage en règle des fondements premiers de la société américaine, à savoir la famille et la religion. Les autres films n'ont pas de revendication précise, sinon de mettre en scène des acteurs qui se livrent à des exercices d'expression corporelle, avec toujours, en filigrane, des performances sexuelles à base de SM et de violence graphique impressionnante. La deuxième partie de cette compilation donnera son appelation au titre final : Hardcore Extended.
Six titres composent ce deuxième volet : Pierce, King of sex, Scooter and Jinx, Nazi, Catholic et Goodbye 42nd Street. Même si la violence est aussi omniprésente dans ces dernières oeuvres (piercing des mamelons et du clitoris dans Pierce), le propos est confus, et l'action devient plus chaotique, hors champ, impliquant directement le réalisateur.

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Sexe, mort et excès sont les ingrédients d'une oeuvre clairement réalisée sous substances illicites... Si Andy Warhol est mort, Richard Kern lui, est bien vivant et il se pose comme son digne héritier dans l'univers underground new yorkais. L'élève va même plus loin que le maître dans la provocation et l'agression visuelle. A ce propos, les deux exemples les plus représentatifs de ces débordements immoraux demeurent sans conteste Fingered et Submit to me now.
Fingered reste une oeuvre terriblement noire, au pouvoir destructeur et viscéral. Un mini road-movie à l'ambiance hyper glauque qui retrace la relation passionnelle entre deux junkies meurtriers et la fascination exercée sur ces personnages par le nihilisme extatique du crime. Submit to me now est par contre un métrage sans narration, où les protagonistes se laissent aller à des danses ataviques tout droit échappées d'un subconscient déchaîné et ponctuées d'un érotisme pour le moins explicite.

Il va s'en dire que les films de Richard Kern n'ont pas reçu un accueil délirant d'enthousiasme aux Etats-Unis. Choqué par les thèmes ouvertement négatifs du réalisateur, le public a tout d'abord rejeté en bloc cette oeuvre particulièrement provocatrice et désespérée. Et les rares cinémas qui prenaient le risque de projeter les films de Kern se virent attaquer (au sens propre) par des congrégations féministes et des citoyens d'extrême droite. Pourtant, aujourd'hui, l'oeuvre de Kern a gagné une certaine respectabilité grâce au travail des musées ou des galeries d'art, qui projettent encore.
A présent, Richard Kern a définitivement dit adieu au cinéma pour se consacrer entièrement à la photographie dont il est devenu une très grosse pointure mondiale. Cela ne l'a pas empêché de réaliser récemment un clip pour Marylin Manson, personnage lui aussi très conversé. Pour ceux qui voudraient tenter l'expérience d'une plongée au plus profond des abîmes de l'univers cinématographique de Kern, prière de laisser ses bonnes moeurs aux vestiaires.
Le sale gosse américain n'a que faire des conventions. Chez lui, tout est sale, dégénéré, dégoulinant. A la croisée de la punk attitude et du grunge qui allait bientôt apparaître, Richard Kern balance ses hurlements de révolte et d'insoumission à la face d'une Amérique toujours aussi déconnectée de ses propres réalités.

Note : ?

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