L'immoralita (Quand Eros devient scandale)

l'immoralita

genre: drame (interdit aux - 16 ans)
année: 1978
durée: 1h55

l'histoire : Federico, un pédophile criminel en cavale, trouve refuge chez une famille bourgeoise qui habite une villa isolée. Simona, l'adolescente de la famille, le recueille et prend soin de lui. Mais très vite, les relations entre le criminel et la jeune fille vont se transformer en une passion ravageuse et sans issue. Jusqu'à plonger cette famille, à prioiri au-dessus de tout soupçon, dans le chaos et la mort. 

La critique :

Lorsqu'ils ne sont pas scandaleux dans leur totalité, les films qui ont provoqué la polémique dans l'histoire du cinéma doivent généralement leur réputation sulfureuse à une scène choc qui a marqué les esprits. Quelques exemples : le viol de Monica Bellucci dans Irréversible, la douche au chocolat de Carole Laure dans Sweet Movie, ou encore la fellation de Maruschka Detmers dans Il Diavolo Al Corpo. L'Immoralita de Massimo Pirri a également provoqué un très gros scandale au moment de sa sortie en 1978.
Et cela pour une seule scène. Une scène troublante, malsaine et immorale, d'où le titre du film. Mais nous y reviendrons. L'Immoralita est ce que je n'hésiterai pas à qualifier de petit chef d'oeuvre. Voilà encore un film que l'on aurait beaucoup de mal à produire de nos jours... Tout simplement parce qu'il aborde l'un des sujets les plus tabous qui soit, à savoir l'amour entre un enfant et un adulte.

Pourtant, une quinzaine d'années auparavant, le grand Stanley Kubrick lui-même avait déjà osé adapter au cinéma une telle histoire dans le remarquable Lolita (J'omets volontairement le scandaleux et expérimental Emperor Tomato Ketchup de 1970, qui mettait en scène érotisme assez poussé entre des geishas et des jeunes enfants). Mais la comparaison s'arrête là. Car L'Immoralita va loin, beaucoup plus loin dans la perversité, le malaise et pour tout dire, le réalisme sexuel que le très beau film du génial Stanley.
Années 1970 obligent, Massimo Pirri lui, va aller au bout du bout de la provocation et du malaise. Le casting réunit Howard Ross, Lisa Gastoni, Karin Trentephol et Mel Ferrer. Attention, SPOILERS ! Après avoir violé, étranglé et enterré sa quatrième victime, Federico le pédophile, tente d'échapper à la police. Blessé, il s'enfonce dans la forêt et arrive aux abords d'une grande demeure isolée. Là, il est secouru par Simona, une adolescente d'une douzaine d'années.

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Loin d'être effrayée par cette rencontre, elle cache l'homme dans une dépendance de chasse et lui prodigue les premiers soins. Simona est la fille de Vera, une femme bourgeoise en pleine crise de la quarantaine, qui ne cesse d'être infidèle à un mari invalide, beaucoup plus vieux qu'elle, et dont la seule passion sont les armes à feu. Alors que l'étau de la police se resserre peu à peu autour de Federico, celui-ci entame une relation amoureuse avec Vera. Par provocation envers sa mère, la jeune Simona séduit à son tour le criminel et fait même l'amour avec lui.
De plus en plus proches, le couple improbable échafaude un plan afin de s'enfuir et ainsi vivre au grand jour leur passion interdite. Mais Vera est jalouse et elle tente à nouveau de reconquérir Federico. Mère et fille se disputent alors les faveurs du criminel comme le feraient deux rivales. Plus tard, l'inspecteur principal se rend une nouvelle fois à la villa pour procéder à l'arrestation du pédophile.

Mais, secrètement amoureux de Vera, il succombe à son charme sulfureux. Tandis qu'ils font l'amour, Simona surgit et les abat tous les deux avec le révolver de son père. On la voit alors s'en aller tranquillement et main dans la main avec Federico. Mais le happy-end n'aura pas lieu... Indéniablement, L'Immoralita se veut être une oeuvre malsaine destinée à créer un profond malaise vis-à-vis du spectateur. Et le film y parvient sans peine, mais avec un savoir faire remarquable.
Alors que le sujet casse gueule de la relation amoureuse entre un adulte et une enfant était propice à une dérive scabreuse, Massimo Pirri évite tous les pièges que cette histoire tordue aurait pu lui tendre, et livre un petit bijou de perversité sans que cela ne sombre dans le nauséabond. Mais alors, allez-vous me dire, cette fameuse scène scandale ? Elle présente la petite Simona en train de se laver dans sa baignoire. Soudain, Federico entre dans la salle de bains.

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La jeune adolescente se lève alors, nue, sans aucune gène. Elle se sèche, s'allonge sur le sol et demande à l'homme de lui faire l'amour. Celui-ci se déshabille et s'exécute. La scène est saisissante de réalisme, même si on ne voit pas le visage de l'actrice, on devine son corps sous celui de Howard Ross, qui interprète Federico. Le trouble provient du fait que la jeune Karyn Tretenphol a vraiment l'âge de son personnage et qu'elle joue avec une gravité et un amplomb confondants de naturel.
Mais résumer L'Immoralita à cette seule scène serait profondément injuste. Car le film de Pirri a vraiment de nombreuses qualités. Le réalisateur aborde plusieurs thèmes importants : l'usure du couple à travers le temps qui passe, les interrogations existentielles quand arrive la quarantaine, les relations mère-fille toujours difficiles ( même si ici elles sont portées à un niveau confllictuel paroxystique). Le réalisateur s'adonne également à une sévère critique de la bourgeoisie italienne de cette époque.

Ce milieu bourgeois où l'argent coule à flot, mais où tous les sentiments sont faussés, gangrénés par des haines, des rancoeurs, des jalousies refoulées, ne demandent qu'à exploser au grand jour. Le réalisateur a le mérite d'analyser en profondeur ses trois principaux personnages (le père invalide joué par Mel Ferrer reste néanmoins en retrait). Pirri met en relief la complexité de ces rapports familiaux ambigus dans un huis clos étouffant et sensuel, où tous les protagonistes paraissent tous plus antipathiques les uns que les autres. Et dans cette galerie de personnages pleutres et manipulateurs, la plus remarquablement intelligente n'est autre que la petite Simona.
Par une perversité habilement dissimulée et une détermination farouche à chrecher son propre bonheur, l'adolescente s'impose en véritable maîtresse de ce jeu d'échec macabre. Massimo Pirri tord ainsi le cou à la légende de l'enfant pur, incapable d'un quelconque acte de malveillance. Près de quarante ans après sa sortie, L'Immoralita choque toujours autant, peut-être même plus qu'à l'époque. Drame plus sombre que la mort, plus noir que le désespoir, cette oeuvre implacable et nihiliste bouscule aujourd'hui encore le spectateur dans sa bienséance et l'utopique confort de ses convictions.
Un sacré film que L'Immoralita ! Décidément, après Salo et les 120 Jours de Sodome et Maladolescenza, le cinéma italien des années 1970 nous prouve, une fois encore, que scandale et Septième Art ne sont pas incompatibles. A condition d'avoir le talent suffisant pour conjuguer les deux avec intelligence.

Note : 16.5/20

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