Sorti en 2009 et distribué par Luc Besson, témoigne de la mission que s'est donné Richard O'Barry, ancien dresseur du dauphin Flipper. Dégoûté du business des dauphins et devenu un fervent défenseur des cétacés, O'Barry se rend à Taiji, au Japon, pour alerter l'opinion sur le massacre annuel de quelques 23 000 dauphins. Une hécatombe qui a lieu à l'abri des regards indiscrets, dans les profondeurs de la baie du village, elle est d'ailleurs rattachée à un Parc National. Allez savoir pourquoi... Les plus beaux spécimens sont épargnés et peuvent être vendus jusqu'à 150 000$ à des parcs d'attractions, zoos ou delphinariums. Les dauphins abattus, eux, rapporteront jusqu'à 600$ pour leur viande. Pour prendre les pêcheurs la main dans le sac, O'Barry s'entoure d'amis et collègues issus du cinéma. Ensemble, ils montent une opération quasi-militaire pour cacher des caméras nocturnes dans la montagne adjacente. Tout ça, pour capturer quelques minutes sanglantes, et dont l'impact n'est plus à prouver puisque a été récompensé par l'Oscar du Meilleur Documentaire en 2010. En marge du massacre, O'Barry révèle également un véritable scandale sanitaire. Les dauphins, dont la viande abreuve les étals des marchés et les plateaux des cantines scolaires de la région, présentent un taux incroyablement dangereux de mercure, allant jusqu'à 3 500 fois le seuil autorisé à la consommation. Une réalité dont le conseil régional est bien conscient... Les dauphins capturés et gardés en vie seront quant à eux exploités dans les parcs pour le plus grand plaisir de nos yeux ébahis. C'est dur dur d'être un dauphin au Japon...
Cinq ans plus tard, la situation n'a pas vraiment changée. Le documentaire aux faux-airs de super-production hollywoodienne n'aura rien changé à l'affaire, malheureusement, si ce n'est alerté l'opinion publique sur les proportions de la situation. Le visionnage laisse un goût d'amertume et d'impuissance. Il témoigne d'un non-sens de plus, à ajouter à la longue liste des activités humaines.
Le Projet Nim
Continuons un moment de plus dans la maltraitance animale avec Nim, le chimpanzé qu'on voulait élever comme un homme. Le réalisateur James Marsh n'est pas à son premier coup d'essai cinématographique. On lui doit le récent biopic sur Stephen Hawking, Une merveilleuse histoire du temps, le très bon Shadow Dancer ou encore le captivant documentaire sur la performance du funambule Philippe Petit, réalisé entre les deux tours du World Trade Center. Cette fois, il revient sur une expérience qui a débutée en novembre 1973 par la naissance d'un chimpanzé en captivité : Nim Chimpsky. Son patronyme est un clin d'œil à Noam Chomsky dont les thèses en linguistiques l'amènent à la conclusion que le langage est l'apanage de l'homme. Le projet de Herbert Terrace est de réfuter cette thèse en confiant le nouveau-né à une famille humaine. Une fois adopté, Nim sera élevé tel un enfant humain à qui l'on apprendra à communiquer par la langue des signes. Sur le papier tout semble facile et ludique, mais Nim n'a rien à voir avec un bébé ! Sur le plan théorique, l'expérience est réussie puisque le chimpanzé parvient à s'exprimer et se faire comprendre. Sur le plan pratique, Nim est un animal dont le bien-être est mis à mal et dont la volonté déçoit les scientifiques. Ballotté en familles en tuteurs après des accès de violence, lassé des nombreux tests auxquels on le soumet, abandonné aux desiderata de ses tuteurs -si l'une s'intéresse à son comportement sexuel, l'autre lui fait partager son affection pour la marijuana-, Nim devient hors de contrôle. D'un foyer humain à un centre d'étude sur la vaccination puis un refuge spécialisé dans le sauvetage des équidés, l'animal passera de mains en mains sans que personne ne sache réellement quoi faire de cet être encombrant. Amusant de voir comment l'homme traite son plus proche cousin.
C'est un documentaire tragique et poignant que livre James Marsh en retraçant la biographie du chimpanzé le plus humain qui ait été. Il pose bien évidement la question des limites en matière de recherches scientifiques mais nous interroge sur les bénéfices de cette expérience. Les souffrances de Nim, nous ont-elles apportées quelques profits ou étaient-elles bien dispensables ? A l'issu du documentaire, véritable procès rétroactif, force est de constater que la vie de ce chimpanzé se sera soldée dans un paradoxe insoluble. On a retiré à Nim le droit d'être un animal pour lui faire miroiter la possibilité d'être un homme avant de l'abandonner. Édifiant.
Merchants of Doubt
Encore assez confidentiel, le documentaire de Robert Kenner tourne depuis novembre 2014 dans les festivals américains. Il est depuis disponible en DVD et en VOD, dans sa version américaine -amis anglophones, ça vaut le coup de dérouiller notre anglais-. Après s'être penché sur le secteur de l'agroalimentaire dans , Kenner s'intéresse cette fois à ces experts autoproclamés qui emplissent les rangs des lobbys, jouent le jeu des entreprises et soutiennent les politiques. Le réalisateur aime à exposer les rouages de la machine et gratter le vernis lisse des médias pour faire éclater la réalité nue, en s'appuyant sur des exemples confondants de simplicité. Ainsi, c'est le magicien Jamy Ian Swiss qui ouvre ce documentaire par quelques tours de magie avant de s'indigner de ceux qui utilisent ses techniques pour altérer la vision de l'opinion publique sur le monde qui l'entoure. Au programme de l'autre. Le documentariste s'applique à démonter la belle façade des communicants pour montrer comment, en interne, ils construisent une défense implacable, bien conscients des dangers de leurs produits et de l'absurdité de leurs théories. Leurs motivations ? Vendre ! Et même vous vendre n'importe quoi. Kenner explore le phénomène des experts en exposant leur imposture et on se demande comment on a pu finir par leur donner autant de crédit. Peut-être parce qu'ils imitent le langage des autorités compétentes, qu'ils déguisent leurs intentions derrière une apparente bonne volonté et qu'ils y ajoutent une dose de drame et d'émotion ? Ces types ont bien digéré les codes du jeu. Oui vous savez, ces types qui Merchants of Doubt, l'analyse de quelques mythiques débats de société : la cigarette et les retardateurs d'incendies sont-ils mortels ? le changement climatique est-il une réalité ? Bienvenue dans le monde merveilleux des affaires, comme dirait squattent les fauteuils d'émissions comme C dans l'air. Toujours les mêmes, chaque semaine. Ils ont un avis sur tout, à tel point qu'on les soupçonne d'être experts de rien.
La leçon à retenir de Merchants of Doubt c'est la suivante : éteignez vos télévisions, roulez en boule vos journaux et commencez à chercher de l'information indépendante. Plus facile à dire qu'à faire dans un monde où l'information est devenue à la fois une puissance économique et politique en même temps qu'un vulgaire produit de consommation. Welcolme in the twilight zone ...