Triste nouvelle pour les fans de fantastique : Roddy Piper nous a quittés, à l’âge de 61 ans. Malgré une carrière courte et inégale en tant qu’acteur, le catcheur canadien aura néanmoins laissé derrière lui une oeuvre culte : Invasion Los Angeles (ou They Live pour les intimes) de John Carpenter. Pour lui rendre hommage, revenir sur ce film emblématique est donc apparu comme une évidence.
Suite au bide retentissant des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin, John Carpenter est de nouveau sur la brèche et décide de retourner vers ses premiers amours, c’est-à-dire la série B fauchée mais authentique et subversive. Il signe ainsi un contrat avec le studio indépendant Alive Films, tout en restant lié à Universal, en charge de distribuer ses deux prochains films, dotés de petits budgets. Le premier, Prince des ténèbres, sort sur les écrans en 1987 et connait un succès honorable au box office malgré des critiques mitigées. Le second, est une adaptation de la nouvelle Les Fascinateurs (Eight O’Clock in the morning) de Ray Nelson. Carpenter décide d’adapter très librement la nouvelle de Nelson, conservant les grandes lignes de l’histoire mais en la transposant dans l’Amérique reaganienne de la fin des années 1980. Le pitch est simple : John Nada, un vagabond, arrive à Los Angeles à la recherche d’un travail, où il va faire la rencontre de Franck Armitage, qui lui propose de venir vivre dans son bidonville. C’est ici qu’il va faire l’acquisition de lunettes de soleil, mais pas n’importe lesquelles, puisque ces dernières permettent de voir le monde tel qu’il est réellement, à savoir gouverné par d’horribles extraterrestres à l’apparence humaine exerçant une propagande subliminale sur la population. Ce qui pourrait sonner comme un simple concept de série B, n’a pas du tout la même résonance lorsque l’on connait le cinéaste enragé dissimulé derrière…
Le personnage de John Nada est en effet grandement inspiré du parcours de son interprète. Piper va apporter une touche de crédibilité nécessaire à son personnage et participera à l’élaboration d’une des séquences les plus incroyables de la filmographie de Carpenter : un combat de catch interminable d’environ 8 minutes dans une ruelle de Los Angeles entre John Nada et son ami Frank Armitage. Cette scène, aussi absurde et jouissive soit-elle, est en réalité d’une importance capitale, montrant à quel point il est difficile de faire sortir une personne de son ignorance, de remettre ainsi en question ce qu’elle pensait être la réalité. C’est à ce moment là que le personnage de Nada passe du statut d’antihéros à héros : il n’agit plus dans un intérêt personnel afin de connaître la vérité, mais décide d’aider la communauté à sortir de la réalité illusoire dans laquelle elle est enferrée. Il faudra attendre la fin du film pour que Nada soit enfin compris du reste de la population, se sacrifiant ainsi pour dévoiler au grand jour les créatures qui se cachent derrière les costards-cravates du quotidien. À l’instar de John Carpenter, c’est John Nada, lui qui croyait encore en des valeurs simples, qui se réveillera le premier, mais qui finira annihilé par le système, laissant derrière lui un doigt d’honneur d’anthologie.
« I have come here to chew bubblegum and kick ass… and I’m all out of bubblegum », une réplique devenue légendaire pour une grande partie des cinéphiles, qui nous rappelle à quel point les personnages badass et anticonformistes de la trempe de John Nada manquent au cinéma actuel. Farewell, Rowdy.