"Les nuits blanches du facteur" d’Andrei Konchalovsky

Par Journal Cinéphile Lyonnais @journalcinephil

Les nuits blanches du facteur
De Andrei Konchalovsky 
Avec Aleksey Tryapitsyn, Irina Ermolova, Timur Bondarenko
Russie, 2014, 1h41

date de sortie : 15 juillet 2015

Lion d’Argent, Festival de Venise 2014.

Synopsis

Coupés du monde, les habitants des villages autour du lac Kenozero ont un mode de vie proche de celui de leurs ancêtres : c’est une petite communauté, chacun se connait et toute leur activité est tournée vers la recherche de moyens de subsistance. Le facteur Aleksey Tryaptisyn et son bateau sont leur seul lien avec le monde extérieur et la civilisation. Mais quand il se fait voler son moteur et que la femme qu’il aime part pour la ville, le facteur décide de tenter une nouvelle aventure et de changer de vie.

A propos du film

Nous sommes au bord du lac Kenozero, dans le grand nord russe, à quelques encablures de la Mer Blanche.  Une région splendide faites de lacs et de forêts immenses que ne semble pas avoir atteint l’industrialisation.  Cependant, le cosmodrome n’est pas très loin, une fusée de temps en temps apparaît dans le ciel..

Andreï Kontchalovski filme  la vie quotidienne du facteur Alexeï Triapitsyne, dit Lyokha qui est le seul lien entre es habitants autour du lac et le monde extérieur.  C’est un quinquagénaire avec un sourire enfantin, qui sillonne le lac Kenozero pour porter aux habitants de maisons en bois leur pension de retraite, leurs avis administratifs, les lettres qui à même dans ce coin reculé sont de plus en plus rare.  Pendant sa tournée, il fait le boulanger, épicier ambulant, ou porteur de médicament pour des gens de plus en plus âgés

Le film suit la vie quotidienne d’Aleksey, ses réveils, sa toilette, sa tournée, ses rencontres avec les habitants . Il les connaît tous : Youri, un vieux type mince  qui s’étonne que son âme le fasse tant souffrir ;  Brioche qui chancelle ivre mort sur les chemins, Le Marin qui évoque sans cesse les petites femmes du Vietnam. Il y a aussi Irina, une amie d’enfance dont il est amoureux malgré la différence d’âge. Très attaché au  fils de cette dernière, Aleksey  l’emmène sur son bateau en lui évoquant des légendes plus ou moins effrayantes se rapportant au lac, ou il lui montre une école en ruines qui rappelle la Russie d’avant.

Quand on vole le moteur du bateau d’Aleksey, quand il comprend que l’administration ne pourra pas le remplacer avant plusieurs mois, quand il apprend que son amour transi a décidé de partir à la ville, Aleksey hésite : fera-t-il lui aussi le grand saut vers la ville, comme beaucoup, pour chercher un nouvel avenir, une nouvelle vie ?

Avec des plans larges sur le lac et le paysage qui l’entour, Kontchalovski filme magnifiquement la splendeur de cette vie en pleine nature, mais il montre aussi la tristesse et le désarroi de la plupart des gens qui vivent dans cet endroit de plus en plus isolé. Ce qui n’empêche pas le film d’être souvent drôle, ou onirique : Aleksey, dans ses nuits de solitude, croit voir un petit chat gris fantôme qui le scrute obstinément…

A noter que la plupart des acteurs ne sont pas professionnels et jouent leur propre rôle (seuls l’amie d’enfance du facteur et son fils sont des comédiens). Le film, à la limite entre le documentaire et la fiction, dresse un beau portrait de gens simples. Le cinéaste capte leur vie intérieure, ce qui donne une dimension universelle au film.

A travers les yeux d’un facteur, Kontchalovsky nous offre une belle fable poétique, onirique qui transcende la simple description d’un monde rural qui se meurt.

Andrei Konchalovsky

Issu d’une famille d’artistes et de parents écrivains, Andrei Konchalovsky, frère de Nikita Mikhalkov se destine d’abord à la musique avant d’intégrer la célèbre école cinématographique VGIK.  Il y rencontre Andreï Tarkovski, dont il est scénariste (Le rouleau compresseur et le violon, 1961, Andrei Roublev, 1966) et même l’acteur (L’Enfance d’Ivan, 1962).

Il se lance dans la réalisation avec le court Le garçon et le pigeon (1961), puis le long Le premier maître (1965), plongée dans la Russie post révolutionnaire de 1917, suivi du Bonheur d’Assia (1966), portrait d’une paysanne, censuré pendant vingt ans pour son réalisme sans fard. Il adapte Tourgueniev pour Le nid de gentilshommes (1969), chronique aristocratique des années 1840, et Tchekhov pour Oncle Vania (1970), et continue de séduire avec La Romance Des Amoureux (1974), et Sibériade (1979), fresque sur deux familles antagonistes dans un village de Sibérie qui obtient le Prix spécial du Jury à Cannes en 1979 et assure une réputation internationale à son réalisateur.

Surveillé par les autorités russes, et courtisé par les producteurs étrangers, il se tourne vers les États-Unis, où il signe le court métrage Split Cherry Tree (1982), et s’essaye à des genres variés, passant du drame Maria’s Lovers (1984) à la série B Tango &Cash (1989), en passant par le film d’action Runaway train (1985). Il revient dans son pays natal à la fin de la guerre froide avec des films sur la Russie contemporaine mais financés grâce à des coproductions Le Cercle des intimes (1991), Riaba ma poule (1994), La Maison de fous (2002).

Biographie issue du dossier de presse du distributeur ASC Distribution