S’il existe un genre d’écriture stéréotypée, c’est bien la comédie romantique: ton archi ciblé, schémas d’écriture ultra normalisés, équations complexes pour déterminer avant même d’ouvrir Final Draft combien d’entrées réalisera le futur film, rien n’est laissé au hasard (= à la créativité galopante de l’auteur).
Pour répondre aux soi-disant attentes du public, le scénario de comédie romantique doit jongler entre archétypes et scènes-clés jusqu’au happy end et l’exemple le plus parlant est sans conteste la comédie dite de mariage…
Je crois l’avoir déjà avoué dans ces colonnes, à quelques très rares exceptions près, je déteste les comédies romantiques. J’ai beau être une fille, je ne me reconnais pas une demi-seconde dans les héroïnes mièvres et meringue-addicts que nous servent à l’envi la grande machine à rêves hollywoodienne (et ne parlons pas des incursions hexagonales, hem).
En général, la simple évocation de la comédie de mariage me file de l’urticaire. Je dois pourtant reconnaître que les rares comédies romantiques qui m’aient séduite, Only you par exemple, ou encore Four Weddings and a Funeral, appartiennent à cette catégorie. Et ils contiennent presque tous les clichés que la journaliste Willa Paskin avait recensés dans un article publié par le NY Mag.
Comme je l’ai trouvé intéressant, j’ai décidé de le traduire en substance pour mes lecteurs non anglophones. Voici donc les douze clichés que l’on retrouve à coup sûr dans les comédies de mariage:
1. L’héroïne rêve de se marier depuis qu’elle est toute petite. C’est bien simple, tout est prévu dans sa petite tête: style de robe, décoration de la salle, musique, fleurs, j’en passe et des meilleures. J’ajouterai qu’elle a dressé un portrait-robot du fiancé idéal, ce qui condamnerait n’importe quelle femme normalement constituée à l’échec, mais c’est sans compter la « magie » de la comédie romantique.
2. Elle est régulièrement obligée d’assister aux mariages de ses connaissances, si possible ses meilleures amies, ce qui constitue pour elle la pire des tortures. A noter que le protagoniste masculin en profite, en revanche, pour coucher avec tout ce qui bouge. Trop fort!
3. Tout ce qui incombe à l’organisation d’un mariage incombe forcément à la fiancée, car c’est bien connu, tout ce qui touche au mariage rend les femmes totalement hystériques, ce qui effraie les hommes au plus haut point, sic!
4. On trouvera obligatoirement une scène d’essayage de robe (mariée ou demoiselles d’honneur) et/ou de costume (marié ou garçon d’honneur). Bon ça en même temps, c’est assez vital…
5. Le fiancé est forcément falot puisqu’il n’est en aucun cas « le bon », l’élu », « l’âme sœur », ce dernier étant bien entendu déjà engagé ailleurs.
6. Le lancé de bouquet tourne à la foire d’empoigne car toutes les femmes, c’est bien connu, sont obsédées à l’idée de finir vieilles filles, sic! A noter que dans une comédie de mariage, tous les personnages, même secondaires, finissent par trouver l’âme sœur, à moins d’être d’infâmes salauds.
7. Il est tout simplement impossible pour un personnage de refuser d’être demoiselle/garçon d’honneur, même et surtout quand cette position est totalement malsaine ou inappropriée (la demoiselle d’honneur amoureuse du futur marié par exemple). C’est effectivement un ressort dramatique indispensable, si le personnage dit non, ben il n’y a plus de film.
8. Le discours du témoin/garçon d’honneur est forcément inoubliable, soit qu’il soit particulièrement émouvant ou comique, ou tout simplement parce qu’il est saboté par des évènements impromptus.
9. Les alliances se doivent d’être récalcitrantes au moment de les passer au doigt du conjoint, j’ajouterai qu’elles ont aussi le mauvais goût de disparaître (ou d’être égarées) avant la cérémonie.
10. Les invités du troisième âge sont attachants, drôles, clairvoyants et s’amusent comme des fous. Et tout ça sans coke.
11. Un ou des personnages projette(nt) de saboter le mariage. Et c’est tout à fait compréhensible: sans obstacles, pas de dramaturgie.
12. La cérémonie est forcément interrompue: un tiers déclare son amour pour l’un des fiancés, l’un des fiancés prend la fuite devant l’autel, c’est un grand classique.
Je trouve cette liste très intéressante parce qu’elle soulève le débat: on voit bien que certains de ces éléments sont indispensables au genre mais jusqu’à quel point faut-il jouer le jeu? Pourquoi dans certains cas la recette fonctionne t-elle même sur les réfractaires (dont bibi)? A mon sens, tout l’art du scénariste consiste à assimiler les règles du genre de fiction qu’il souhaite écrire avant de s’amuser avec, de les détourner, voire les dynamiter. C’est justement là que cela devient bon!
C’est ce qu’ont fait avec brio les scénaristes/comédiennes Kristen Wiig et Annie Mumolo en signant le généralissime Bridesmaids (Mes meilleures amies en VF; réalisation: Paul Feig). Si vous ne l’avez toujours pas vu, foncez chers lecteurs, mais à vos risques et périls… 😉
Références :
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