Six bonnes raisons de voir Six Femmes pour l’assassin

Six Femmes pour l'assassin, Mario Bava, 1964

Si il y a bien une chose dont les italiens savent parler, ce n'est pas d'amour mais de décadence.

Ah la décadence ! L'idée que rien n'a plus de sens et que tout se vide de sa substance à force d'être répéter cycliquement et peu à peu sans raison, ne laissant plus que la forme perdurer alors que le fond s'est fait la malle. Un thème, encrer dans l'histoire italienne depuis la chute de l'empire romain et qui ne cesse d'apparaître et de réapparaître sous toutes formes et en tous temps.

Personne n'est plus indiquer que Mario Bava, sacro saint patron du genre horrifique des années 60, expert en décadence, pour vous faire plonger dans ce monde où les objets inanimés règnent en maître pendant que les humains perdent la tête.

Nous vous proposons donc aujourd'hui six bonnes raisons de vous pencher sur Six femmes pour l'assassin, un giallo (terme qui initialement désigne les romans policiers en Italie, devenu un genre au cinéma mélangeant horreur et érotisme en observant les codes du film policier) comme on en fait plus.

Comme vous l'avez compris la décadence ne met en question que la forme afin de mieux souligner l'absence de fond. En grand démonstrateur du concept, Mario Bava pousse la chose à son extrême. N'étant préoccupé que par la forme, il sélectionne ses acteurs uniquement sur leur physique, ne recherchant aucunement à mettre en valeur leurs talents de comédien dont il n'a que faire. Ici les êtres humains doivent être et s'apparentent à des objets, c'est pourquoi on ne fera pas grand cas de leurs états d'âme ; maintenant vous le savez, ce n'est pas le genre de la maison. Pour mettre encore plus en perspective cette idée de superficialité le film a pour toile de fond une maison de haute couture.

Le scénario est soumis au même traitement que les acteurs : le réalisateur met en scène une histoire qui se tient (très bien) mais son intérêt n'est pas du tout dans le récit mais dans la manière de le raconter. Acteurs et scénario ne sont là que pour leur forme qui vient servir et matérialiser LA forme.

Si le film ne met pas l'accent sur l'histoire où sur les personnages c'est pour se concentrer sur les objets (comme dans presque tous les films de Bava). En effet, c'est eux qui incarnent le récit (c'est vous dire l'importance qu'à la psychologique humaine ici) et qui viennent une fois plus monter, de par leur condition de choses inanimés, le degré de décadence qui habite le film et plus généralement le monde. C'est grâce à des gros plans et à des effets de mise-en-scène que l'on comprend que le journal intime portant le sigle Courrèges, le sac à main, le petit carnet noir à fleur de lys ou encore le couteau ont plus d'importance que tous les personnages réunis. Si l'assassin décide de tuer ces six femmes c'est bien à cause de ces objets qui sont les vrais stars du film.

Tout ceci nous amène donc naturellement à la question de l'esthétisme. Vous avez certainement dû comprendre qu'il ne s'agit pas vraiment d'un film à dimension psychologique (ou alors d'un thug film psychologique existentiel) mais bien d'un film d'ambiance. En effet la question de la forme, du maniérisme et de la décadence dans sa globalité viennent servir une seule et même cause : l'esthétisme. D'abord dans son aspect du beau ; en choisissant l'univers de la mode, peuplé de belles femmes et d'hommes élégants vivant dans de vastes et riches demeures. Si Bava a choisi le cliché de ce monde pour mettre en avant l'idée que les gens s'attachent plus à la forme qu'au fond, il l'a aussi choisi pour son intérêt esthétique. Ainsi les vraies et belles mannequins se confondent avec les mannequins faits de bois et de plastique et le beauté humaine avec la beauté statique.

En dehors d'être beau, Six femmes pour l'assassin à une esthétique propre à lui même (qui inspirera beaucoup Pedro Almodovar). Le film s'apparente à une espèce de tableau géant et animé où rien n'est laissé au hasard et où tout à une signification : les jeux de lumières, les décors, les costumes, la musique, les couleurs, les objets et bien sûr les acteurs se confondant toujours autant avec cet aspect matériel. C'est cet esthétisme qui est l'essence même du film, le rendant beau, drôle, inquiétant, bizarre et kitschssimement génial.

Et oui mes chers amis. Bien qu'il s'agisse d'un objet d'art passionnant à analyser, Six femmes pour l'assassin reste un film inquiétant tout de même ! Vous ne hurlerez pas de peur, certes, vous ne ferez pas des cauchemars, d'accord, mais vous ne serez peut être pas aussi détendu que lorsque vous regardez Le Monde de Nemo. Toutes ces dames qui meurent dans des conditions horribles et rocambolesques ne vous laisseront pas de glace. Sans compter la musique, le bruitage et la lumière qui n'aident pas vraiment à la détente.

Poussé à son kitsch extrême (effet savamment calculé comme vous vous en doutez) l'aspect horrifique vous laissera du répit et deviendra vraiment drôle à certains moments. Un malade mentale en imper noir avec un chapeau et un collant sur la tête cherchant à assassiner tout le monde avec absolument tout ce qui lui tombe sous la main, c'est plutôt comique comme affaire. En plus de tuer ces pauvres dames en leur plantant des objets non répertoriés dans le visage ou en les brulant ou que sais-je encore, l'assassin collanté aime à cacher ses victimes dans des lieux incongrus pour faire des bonnes blagues aux copines vivantes. Ce délire meurtrier sans sens et sans fin vous inquiétera autant qu'il vous fera rire.

Nous conclurons avec la dernière raison que vous avez de voir (absolument) Six femmes pour l'assassin.

LA COOLITUDE !

Parce qu'après avoir énumérer ces cinq points, nous espérons que vous avez compris que dans ce film tout est bon, tout est bien, tout est beau, bref tout est cool.

Tout est dit (rien que dans le générique)!

Crédits images: arte.tv, lepasseurcritique.com