Genre: comédie dramatique, inclassable, trash (interdit aux - 16 ans)
Année: 1994
Durée: 1h25
L'histoire : Jordan et Amy, deux jeunes des quartiers malfamés de Los Angeles, passent leur temps à se droguer et à faire l'amour. Un soir, ils viennent en aide à Xavier qui se faisait agresser sur un parking. Ce jeune homme arrogant et énigmatique va les entraîner malgré eux dans des aventures loufoques, surréalistes et terriblement sanglantes.
La critique :
Bon là, les amis, gros film de malade en perspective. Voici que débarque l'un des films les plus barrés jamais chroniqués sur Cinéma Choc, j'ai nommé The Doom Generation, réalisé en 1994 par Gregg Araki. Décidément, avec Léon, Pulp Fiction, Tueurs Nés et pour couronner le tout, The Doom Generation, cette année 1994 fut plus que généreuse en films sérieusement testostéronés. Sorte de Bonnie and Clyde sous acides, le film d'Araki atteint des sommets de speed et de folie furieuse et cela, pour notre plus grand plaisir ! Dire que ce film a plus de vingt ans....
Pourtant, s'il sortait aujourd'hui, il serait plus actuel que jamais. Ceci étant dit, pour les plus jeunes, le nom de Gregg Araki évoque plus certainement des oeuvres comme Kaboom ou encore le très troublant Mysterious Skin, tous deux réalisés dans les années 2000. Deux oeuvres certes formidables, mais à des années lumière de la fureur qui caractérisait la première période du réalisateur, celle de tous les excès.
The Doom Generation est le deuxième volet d'un (bad) trip...tyque consacré à la jeunesse américaine, après Totally F**** Up et avant Nowhere. Une triogie sur la jeunesse américaine ? Nous sommes obligés de faire le rapprochement avec celle de Larry Clark (Kids, Bully, Ken Park). Evidemment, les deux réalisateurs abordent la même thématique, mais la façon dont ils la traitent est totalement opposée. Autant le style de Clark est sombre, glauque, souvent nauséabond, autant le cinéma d'Araki est branché sur du 100 000 volts. Bien sûr, le fond du propos n'est pas réjouissant pour autant car malgré leurs différences, Clark et Araki en arrivent au même constat : le désespoir ronge de l'intérieur cette jeunesse américaine qui n'a, pour oublier son malaise, que l'ultime recours aux paradis artificiels et aux débauches en tous genres. The Doom Generation retrace le parcours violent et désespéré de trois jeunes paumés complètement à côté de leurs pompes qui vivent à fond leur vie d'adolescents avec l'intime pressentiment que tout s'arrêtera bientôt.
Au casting, on retrouve James Duval qui deviendra l'acteur fétiche d'Araki, Rose McGowan dans l'un de ses tous premiers rôles au cinéma, et Jonathan Schaech. Attention, SPOILERS ! Jordan et Amy, deux post adolescents un peu junkies sur les bords, passent leurs nuits à errer dans les clubs de Los Angeles. Un soir, alors qu'ils flirtent dans leur voiture, ils sont témoins de l'agression d'un homme par plusieurs individus. L'homme parvient à pénétrer dans le véhicule et le couple s'enfuit avec ce nouveau compagnon d'infortune. Cet homme, prénommé Xavier, s'attire très vite l'antipathie d'Amy qui l'expulse aussitôt de la voiture. Peu de temps après, Jordan et Amy s'arrêtent pour manger un morceau dans un fast food.
Mais, n'ayant pas d'argent sur eux, ils se retrouvent mis en joue par le responsable du restaurant, un asiatique mal embouché. C'est alors que Xavier surgit et décapite l'homme d'un coup de fusil à pompe. Pour le trio, c'est le début d'une fuite effrénée, psychédélique et toujours plus sanglante dans les bas fonds de la ville.
D'entrée, le générique du film donne le ton : "The teen angst company present in association with desperate pictures a heterosexual movie by Gregg Araki". Névrose, désespoir, sexe : le décor est planté. The Doom Generation, c'est avant tout un road movie urbain furieusement déjanté qui ne fait pas dans la demi mesure. Tout y est excessif et exagéré. D'abord, les situations où les protagonistes survoltés s'en donnent à coeur joie dans les délires trash. Jordan, Amy et Xavier traversent cette nuit comme des survivants, cernés de toute part par des individus tous plus tarés les uns que les autres.
A chaque fois, notre trio s'en sortira au prix des meurtres où l'hémoglobine coulera abondamment. L'exagération dans les dialogues, ensuite. Quasiment chaque réplique est ponctuée de "fuck" et autres joyeusetés du genre, ce qui n'empêche pas certaines petites perles de s'immiscer dans les conversations : "Je me sens comme une merde dans le cul de Richard Gere !". La violence explicite est également mise en avant à un point qui peut en devenir comique.
Ainsi cette séquence hilarante où la tête fraîchement décapitée du restaurateur asiatique qui continue à réclamer son argent alors qu'elle gît dans les fruits et légumes ! Bref, The Doom Generation, c'est un film qui parle de sujets graves sans les traiter au sérieux. Araki s'amuse à balancer ses personnages dans des situations toujours plus ubuesques jusqu'au final ultra violent où là, le ton humoristique a définitivement disparu. Le réalisateur affiche au passage sa révolte contre le diktat de la pensée unique en introduisant au gré des scènes, des messages quasi subliminaux sur les murs comme on pouvait en voir dans Invasion Los Angeles de John Carpenter. Il revendique aussi le côté (gentiment) satanique et anti religieux de son oeuvre. Ainsi, à chaque fois que les protagonistes doivent payer quelque chose, la somme s'élève toujours 6.66 dollars faisant référence, évidemment au chiffre diabolique 666.
Au niveau des acteurs, si James Duval est assez transparent, Rose McGowan elle, crève l'écran en furie insupportable et survoltée.
Quant à Jonathan Schaech qui tient le rôle du mystérieux Xavier, il s'avère parfaitement crédible en manipulateur cynique. J'avoue avoir eu le coup de foudre pour ce film dès la première fois que je l'ai vu. Pourtant, c'est peu dire que The Doom Generation divise les opinions. Après avoir lu cette chronique, je vous invite à jeter un coup d'oeil sur celle de Pierre-Louis Prégent sur le site de Panorama qui assassine le film proprement et simplement. Par sa violence dégénérée, son obscénité outrancière, bref par ses excès en tous genres, c'est une évidence de dire que ce film ne plaira pas à tout le monde.
Personnellement, je le trouve absolument génial et je le place tout en haut de l'oeuvre de Gregg Araki. Certes, le réalisateur signera par la suite encore de très beaux films mais plus jamais, il ne retrouvera ce grain de folie quand le cinéma de Gregg Araki ressemblait à un pur moment destroy. 21 ans après sa sortie, cette bombe ultra culte attend encore son successeur. Car on ne peut pas dire qu'entre la pitoyable franchise American Pie ou le très surfait Spring Breakers, les cinéastes d'outre atlantique aient su dépeindre et comprendre et comprendre l'étendue de cet état de fait.
Violent, nihiliste, sensuel, drôle et choquant, The Doom Generation, c'est 85 minutes qui passent en revue l'arc-en-ciel des sentiments que traverse dans sa mue vers l'âge adulte. Vous ne l'avez jamais vu ? Alors vous savez ce qu'il reste à faire. Coupez le son (les sous titres suffiront) et envoyez-vous les gros tubes de Nirvana, Offspring ou Nine Inch Nails dans les oreilles, histoire de revivre à fond l'aventure du film phare de la jeunesse des années 1990.
Note : 18/20