Questions d’ intrigue – part 6

Par William Potillion @scenarmag

Continuons l’exploration d’éléments communs à de nombreuses histoires que vous pouvez réutiliser sous un tour nouveau afin de pimenter quelque peu votre intrigue.
A lire :
QUESTIONS D’INTRIGUE – PART 1
QUESTIONS D’INTRIGUE (LA MOTIVATION) – PART 2
QUESTIONS D’INTRIGUE (DE LA DUPERIE) – PART 3
QUESTIONS D’INTRIGUE – PART 4
QUESTIONS D’ INTRIGUE – PART 5

Avant de continuer, nous vous conseillons de lire :
BUT, MOTIVATION, CONFLIT = INTRIGUE
afin de profiter au mieux de cette série d’articles.

L’ action criminelle

C’est un fait : tout acte contre la loi est une bonne source pour une histoire. Le conflit est fourni avec le paquet. De plus, le côté où se place l’auteur importe peu, de même que les motivations à l’œuvre. Nous identifions et acceptons (parce que nous les reconnaissons) les crises de conscience dont souffre MacBeth même si nous savons que c’est un meurtrier et que ses motivations politiques sont quelque peu limites.
Nous apprécions le désintéressement et les hautes valeurs morales de Brutus même en sachant qu’il sera l’auteur du dernier coup porté à César.

Par ailleurs, nous nous identifions encore plus facilement avec tous ces personnages intrépides qui chassent les criminels. Ils ont d’ailleurs le monopole du genre (thriller, action). Le succès du genre ne se dément d’ailleurs pas.

Meurtre, trahison, vol, viol, assassinat, extortion, chantage, fausse monnaie (ou toute autre contrefaçon), incendie volontaire et autres sont les codes du genre et ils ajoutent du corps à une intrigue. Le meurtre, par exemple, est omniprésent chez Shakespeare.

Les motivations diverses peuvent s’articuler autour de la vengeance, de l’ambition, du sacrifice de soi ou de la survie mais lorsqu’un personnage planifie ou commet un acte criminel, cela influe grandement sur sa personnalité, sur l’orientation de l’intrigue et aussi sur la résolution de cette intrigue.

N’oubliez pas de travailler le
Et Si…
pour obtenir un nouveau tour sur ces thèmes largement répandu mais avec lesquels on peut toujours faire quelque chose d’original.

La  suspicion

La suspicion est un sentiment plutôt qu’un événement. Si nous suspectons quelqu’un de faire ou de ne pas faire quelque chose, le sentiment de suspicion naît alors d’événements qui mènent à une situation de méfiance. La méfiance est à la source de la suspicion.
Si nous suspectons une personne, nous nous défions d’elle et si nous nous méfions d’elle, nous avons un conflit tout à fait naturel (donc crédible) avec cette personne.

La suspicion (ou la défiance) est toujours présente dans le genre thriller (avec du suspens) ou dans le roman policier. Tout comme l’action criminelle, elle joue sur le motif bad guys contre good guys. Les méchants et les gentils sont toujours bien identifiés.

La suspicion est toujours un préalable à l’action criminelle. C’est une conjecture, une hypothèse mais jamais elle n’implique que l’action criminelle prendra effectivement place ce qui ajoute au suspens.
Y aura-t-il ou non une action contre la loi ou l’ordre établi ?
Vous pouvez en faire une question dramatique. Et c’est ce qui est intéressant avec la suspicion :
– Que s’est-il réellement passé pour créer la suspicion et les événements à l’origine de cette méfiance ont-ils été vu sous une perspective qui permet au lecteur de partager cette suspicion ?
– Le motif de cette défiance envers un autre personnage a-t-il été bien explicité et est-il crédible ? (si l’on force un motif, il perd en crédibilité car il n’est pas légitime, ne se justifie pas par les événements).

Une grande liberté nous est offerte lorsqu’il s’agit de suspicion, elle peut être abordé sous différentes approches. Par exemple dans Rebecca de Daphné de Maurier, le doute et les suspicions abondent sur la personnalité de Rebecca et sur ce qu’il lui est advenu.

La suspicion fonctionne bien avec des motivations relatives à la trahison, la vengeance, la rivalité, la survie, la rébellion et la persécution car ces motivations recouvrent des situations potentiellement conflictuelles.

Le suicide

L’idée de suicide se présente sous différentes formes : une déclaration politique, l’acte ultime d’un désespoir (un amour perdu ou une telle dégradation morale ou physique que le suicide devient la seule réponse possible), un acte de pénitence…

Des questions sont soulevées :
Comment quelqu’un peut-il en arriver à se suicider ? Quelle en est la véritable raison ? Comment une personne peut-elle aller si loin ?
Le suicide est un acte ultime de rébellion bien que très égoïste. C’est peut-être aussi l’expression la plus pure de se sentir libre, de reprendre le contrôle de sa vie.

L’emploi du suicide en tant qu’élément dramatique ajoute à l’acuité émotionnelle d’une histoire. Cet élément fonctionne bien avec des motivations en réponse à des fléaux, à une perte, à l’amour et à la haine, à la persécution ou à la trahison. Les sentiments suscités par le suicide donne une substance, une réalité tragique à un événement au bénéfice de l’histoire toute entière.

Par contre, un suicide ne peut pas être un événement brutal au cours de l’histoire (à moins qu’il ne serve d’élément déclencheur). Il nécessite plusieurs scènes de préparation en guise d’avertissement.
A lire :
LES SCENES DE RECAPITULATION

Le suicide peut être aussi le motif d’une lente dégénération morale comme dans Madame Bovary de Gustave Flaubert.
Une lente descente dans le désespoir qui conduit irrémédiablement à la mort. Si la motivation principale qui anime le héros de l’histoire est la survie, nul doute que c’est un combat perdu d’avance.

La recherche

La recherche est liée à la notion de sauvetage. Le principe est simple. Si nous recherchons, c’est que nous avons l’espoir de trouver et si nous trouvons, alors nous pouvons sauver. Ce principe peut être aussi métaphorique ou allégorique. La recherche du sentiment religieux, par exemple, peut mener à une expiation qui est une forme de salut.

La recherche implique que quelque chose ou quelqu’un est perdu et qu’il doit être retrouvé. Il faut noter que si la perte n’est pas un préalable à la recherche, la tension dramatique est moindre.
Qu’une personne se soit perdue dans un désert aride ou que votre héros ait perdu la foi (à la suite d’une blessure morale, par exemple), le concept de perte doit être mis en avant pour que la recherche et la récupération ou le sauvetage soient légitimes.

Lord Jim de Joseph Conrad raconte l’histoire de Jim, un marin britannique marqué d’infamie après avoir abandonné en mer Rouge, sans en prévenir ses huit cents passagers, un navire qu’il croyait sur le point de sombrer et qui cherche à retrouver sa respectabilité en allant toujours plus à l’Est.
Cependant Jim ne veut pas être retrouvé. Le motif de la recherche ne porte donc pas sur une personne portée disparue. La recherche chez Lord Jim est bien plus personnelle et spirituelle. Par la recherche de sa dignité perdue, Jim cherche la rédemption.

La recherche fonctionne bien avec des motivations qui sous-tendent une quête, la poursuite d’un but ou d’une mission ou pour toutes questions de survie. L’action s’inscrit assez naturellement avec le motif de la recherche parce que celle-ci implique une série d’événements qui orientent l’intrigue dans une direction ou une autre.

Comme nous l’avons signalé, la recherche de qui nous sommes apporte un tour dramatique beaucoup plus intéressant lorsque le héros se retrouve face à des événements destinés à le tester. Cela le conduit ou non d’ailleurs à devenir un être humain plus fort et meilleur.
La recherche de notre identité nous permet de découvrir ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire.

L’honneur et le déshonneur

L’honneur et le déshonneur sont très souvent employés et avec succès car ils concernent la nature humaine et tout ce qu’elle peut offrir.
Dans une histoire dont la motivation majeure est la trahison, par exemple, les relations entre les personnages peuvent être basées sur la forme de respect mutuel, de déférence ou de considération qu’ils se portent.

L’honneur et le déshonneur se conjugue avec l’estime de soi. Si nous nous respectons nous-mêmes, alors nous respectons autrui. Nous nous honorons nous-mêmes comme nous honorons les autres et le monde en retour nous honore.

Prenez Brutus, par exemple. Il est amené à tuer César parce que Brutus est un homme honorable qui met l’honneur, comme il le dit lui-même, au-dessus de sa propre mort. Il ne recherche rien pour lui-même, n’attend aucune récompense de son acte.
Mais quoi que ressente le lecteur sur les notions d’honneur ou de déshonneur vis-à-vis des personnages, ces concepts ajoutent de la profondeur à une histoire. Supposez que Brutus ne soit pas l’homme honorable tel qu’il a été décrit. La tonalité de l’histoire n’aurait pas du tout été la même. Le lecteur se serait davantage identifié à César et aurait éprouvé moins de sympathie envers les conspirateurs ce qui n’est pas l’intention de l’auteur et nous aurions eu probablement une histoire bien moins équilibrée.
C’est grâce au sens de l’honneur de Brutus que l’ambition de César nous est dévoilée et si un homme tel que Brutus ait amené à commettre un acte aussi définitif qu’un meurtre, alors il est probable que César méritait ce destin. C’est le message de l’auteur.

On pourrait penser que l’ambition est la motivation majeure qui anime les personnages mais en fait, il s’agit bien de l’opposition entre honneur et déshonneur qui ajoute de la substance au récit.

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