TED 2 : Produit dévié ★★★☆☆

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Seth MacFarlane revient avec son ours en peluche irrévérencieux pour une suite inégale mais irrésistible.

Sans être un chef-d’œuvre de subversion, le premier Ted avait confirmé tout le bien que l’on pensait de Seth MacFarlane. Son humour rentre-dedans, scato et référencé trouvait un juste équilibre en prenant les traits de cet ours en peluche vivant, vulgaire et drogué, opposé jubilatoire de l’image classique du teddy bear (et doublé en VO par MacFarlane lui-même). Pas vraiment subtil mais rudement efficace, le film attaquait avec force certains pans de la culture américaine, pour mieux en refléter les contradictions. Cependant, happy-end oblige (Ted se marie avec Tami-Lynn), on pouvait craindre que ce second volet ne s’assagisse. C’est en partie le cas, bien que le réalisateur tente de nous prouver le contraire en enchaînant assez rapidement les blagues cradingues sans prendre de gants, quitte à montrer les faiblesses de la structure MacFarlane. En effet, Ted 2 semble incapable de suivre une réelle narration, prenant plus la forme d’un film à sketchs qui s’efforce de trouver des prétextes pour relier chacun de ses gags. Les « potes du tonnerre » sont toujours aussi immatures, et subissent donc une intrigue pratiquement identique à celle du premier épisode.

Néanmoins, MacFarlane se rattrape en ayant LA bonne idée : mettre Ted face à la loi américaine. Alors qu’il voudrait adopter un enfant pour donner une seconde vie à son couple, l’ourson déclenche un cauchemar administratif qui interroge son statut de personne. Doit-il être considéré comme un être humain ou comme un bien ? L’intéressé engage donc avec son ami John (Mark Wahlberg) une jeune avocate, Samantha (Amanda Seyfried) pour plaider leur cause. En invoquant la question des droits civiques, le cinéaste utilise au mieux son irrévérence. A grands coups de vannes sur les noirs, les homosexuels et les femmes, il met en avant la façon dont la culture américaine, ou plutôt l’inculture, cherche à créer des différences et des minorités pour empêcher l’ouverture et le dialogue. Plus encore que dans le précédent film, MacFarlane exploite particulièrement l’exemple de la communauté « geek », à laquelle les deux héros s’identifient. Il place même le dernier acte de son long-métrage au Comic-Con de San Diego afin d’appuyer la manière dont les industriels et propriétaires de droits continuent de cibler un public d’initiés, parfois (souvent ?) pour mieux leur faire cracher leur fric. A ce titre, Ted 2 n’hésite pas à utiliser certaines de ses munitions contre les dérives du capitalisme, allant jusqu’à se servir de la marque Hasbro comme antagoniste.

Mais derrière le réalisme de MacFarlane se cache tout de même l’amour de cette culture geek, qui offre au long-métrage certains de ses plus belles scènes, à commencer par un hommage hilarant à Jurassic Park. Par petites touches, Ted 2 va même flirter du côté de Toy Story pour nourrir une réflexion sur l’importance des jouets et autres produits dérivés, matérialisation d’une figure ou d’un fantasme jusqu’alors impalpable, dissimulés derrière un écran ou une case de bande-dessinée. En bref, l’incarnation d’une valeur rassurante, à laquelle il est possible de s’identifier tout en la tenant dans les mains. Pour John, Ted représente cette enfance qu’il ne veut pas abandonner, à moins que ce ne soit l’inverse. Ted a besoin de John, preuve que ces valeurs rassurantes, même si elles sont faites de coton ou de plastique, sont bien vivantes à nos yeux. Impossible donc de ne pas voir derrière ce sale gosse de MacFarlane un cœur d’ange qui, s’il tentait moins de le dissimuler, serait peut-être plus facilement acceptable. Ted 2 a beau se moquer de la structure classique des contes de fées, il ne fait pourtant que la suivre en rajoutant de la semence et des gros mots dedans. Certes, cela fonctionne très bien, et propose quelques beaux moments de comédie (à la banque du sperme notamment), mais se révèle parfois trop sage, voire même moralement douteux (le happy-end a beau permettre à la peluche d’adopter, on sait pertinemment qu’il sera incapable d’élever correctement un enfant). Fort heureusement, MacFarlane aime ses personnages à tel point que chacune de leurs conneries renforce la relation que l’on tisse avec eux. Assez rapidement, ils deviennent également nos « potes du tonnerre ».