Expérience interdite.
En réveillant les forces obscures agissant dans l’intimité d’une adolescence déchirée par des capacités surhumaines sous le format très économique du found-footage, Josh Trank parvient à renouveler un genre en perte de vitesse, se révélant ainsi comme un jeune réalisateur talentueux. Résolu à ne pas laissé filer la poule aux œufs d’or, la 20th Century Fox lui propose de pénétrer une autre dimension, celle des productions à gros budget. Tel le phénix, Les 4 Fantastiques renaissent alors de leurs cendres, permettant au studio de conserver ses droits sur le comics tout en lui offrant un nouveau souffle après deux adaptations de tristes mémoires. Mais cette nouvelle expérience tourne progressivement au désastre pour le cinéaste, qui n’a pas eu le bras assez long pour empêcher sa vision d’être écrasée par les ambitions mercantiles des producteurs (ce qu’il confirmera dans une lettre ouverte). Jugé incapable de diriger l’équipe présente sur le plateau, Trank sera dès lors chassé de la salle de montage ainsi que des nombreuses séances de reshoot programmées à la suite du tournage. À cette controverse, s’ajoutera une folle cabale médiatique, répondant de manière épidermique à la nouvelle identité ethnique de Johnny Storm, confié à un acteur noir, et aux relations avec sa sœur, Susan Storm, à la peau blanche comme le lait. Le long métrage n’est pas encore sorti des bancs que l’ombre menaçante de l’échec critique plane au dessus de sa tête. Pourtant, les fondations sur lesquelles repose la première partie, portant le sceau du réalisateur, apparaissent solides, invoquant l’esprit des productions Amblin avec cet attachant portrait de la rencontre entre Red Richards, jeune prodige des quartiers pavillonnaires aux rêves incompris par l’institution scolaire, et Ben Grimm, gosse des banlieues dont l’avenir se limite aux châssis délabrés murant la monstrueuse casse familiale. Au fil des minutes, on perçoit plus nettement les intentions dramatiques et les dissensions affectifs envisagées par le réalisateur (auxquels s’ajoute les relations compliqués entre un frère brûlant la chandelle par les deux bouts et une demie-sœur refusant de se mettre à nue), qui choisit également de lire la catastrophe future comme le résultat de l’arrogance de cette nouvelle génération de pionniers en quête de reconnaissance publique (l’évocation de la sagesse de ceux qui ont imaginé le voyage vers la Lune parait ainsi tout à fait pertinente au regard des circonstances à venir), quand bien même l’éclat de l’écriture se montre assez peu fantastique (humour au rabais, dialogue sans relief). Cependant, une fois ouverte la porte des enfers, les gênes de cette inspiration se voient être croisées avec ce que l’industrie du cinéma américain peut engendrer de pire dans le domaine du grand spectacle. L’épée de Damoclès qui planait au-dessus du film vient alors fendre la toile, le montage piétinant toutes les promesses énoncées dans son long préambule aux dimensions désormais caduques pour ne conserver les scènes les plus spectaculaires. Il ne reste en effet guère plus d’une demie heure pour introduire la silhouette méphistophélique du Dr. Fatalis et attiser les braises sa dramaturgie afin d’embraser un final que l’on imaginait dantesque. Mais, hormis une scène d’évasion passé au Scanners de Cronenberg, cette conclusion expédiée à grand vitesse peine réellement à convaincre, finissant par dévorer complétement ce projet qui aurait mérité davantage de considération artistique. (2.5/5)
Fantastic Four (États-Unis, 2015). Durée : 1h41. Réalisation : Josh Trank. Scénario : Josh Trank, Jeremy Slater, Simon Kinberg. Image : Matthew Jensen. Montage : Elliot Greenberg, Stephen E. Rivkin. Musique : Marco Beltrami, Philip Glass. Distribution : Miles Teller (Reed Richards), Michael B. Jordan (Johnny Storm), Kate Mara (Sue Storm), Jamie Bell (Ben Grimm), Toby Kebell (Victor Von Doom), Reg E. Cathey (Dr. Franklin Storm), Tim Blake Nelson (Harvey Elder).