Genre: horreur, gore, érotique (interdit aux - 18 ans)
Année: 1976
Durée: 1h20
L'histoire : Le film est composé de deux segments à deux périodes distinctes. 1621 : le cruel Shogun de la province de Nagasaki exerce une impitoyable répression envers les chrétiens. Pourtant il tombe sous le charme de Toyo, une jeune femme chrétienne qu'il prend comme maîtresse contre son gré. 1828 : Sutezo passe une nuit de débauche avec des prostituées dans une maison close. N'ayant pas d'argent pour payer, le maître de l'établissement le contraint à s'acquitter des basses besognes pour payer sa dette. Pour Sutezo et pour les filles qui travaillent dans ce bordel, la vie va très vite devenir un enfer.
La critique :
Afin de satisfaire la demande toujours grandissante des studios les plus importants de l'industrie cinématographique japonaise, de très nombreux réalisateurs entreprirent, vers la fin des années 1960, des tournages à la chaîne. Des oeuvres de tous genres à la qualité pour le moins disparate. Si, évidemment, le film de samouraï fut le genre vedette de cette période, de nombreux autres thèmes furent abordés par les cinéastes. Notamment le pink-eiga qui se rapporchait par bien des aspects de la sexploitation.
Ces films historiques à petit budget étaient censés se dérouler à l'époque du Edo ou Tokugawa (1603-1868) et mettaient en scène des aventures érotiques softcore dans des décors souvent remarquablement reconstitués. Yûji Makiguchi, obscur et besogneux assistant-réalisateur, décida lui aussi de céder à cette mode du pinku-eiga. Toutefois, il choisit de se démarquer de ses confrères en rajoutant dans son film des scènes gores bien senties aux scènes érotiques déjà inscrites dans le cahier des charges.
Ainsi naquit Shogun's Sadism en 1976, le film japonais considéré depuis longtemps comme le plus violent et le plus barbare jamais réalisé. Alors mérite-t-il cette sulfureuse réputation ? Comme souvent dans ces cas-là, la réponse est mitigée. Si l'on se replace dans le contexte de l'époque, Shogun's Sadism demeure un film choc, extrêmement gore et malsain à souhait. Il reste d'ailleurs à ce jour le seul métrage non-pornographique (avec Island of Death) datant des années 1970 interdit aux moins de 18 ans.
Malheureusement, la qualité artistique forcément aléatoire de l'oeuvre de Makiguchi lui fait perdre beaucoup en crédibilité. Attention, SPOILERS ! Premier segment : province de Nagasaki en 1628. Le shogun (littéralement "grand général pacificateur des barbares") maintient un système féodal qui repose sur la terreur. Impitoyable vis-à-vis des criminels et des hors-la-loi, le shogun exerce surtout une terrible persécution envers les chrétiens qu'il fait châtier par des tortures toujours plus cruelles.
En parallèle, nous suivons le parcours du Iori, un jeune samouraï au coeur pur qui tombe amoureux de Toyo, une chrétienne. Sans connaître sa religion, li la fait venir au palais. La jeune femme plaît immédiatement au shogun qui décide d'en faire sa maîtresse malgré la timide opposition de Iori. De ce fait, le tyran ne se prive pas de violer la jeune femme sous les yeux du guerrier. Apprenant que Toyo est chrétienne, le puissant gouverneur décide alors de lui faire renoncer à sa religion en faisant torturer les proches de la jeune femme. Il fait brûler au fer rouge les yeux de sa petite soeur, puis fait crucifier et brûler vifs ses parents devant elle.
Un an plus tar, et alors que Iori avait été condamnée à l'exil, celui-ci revient, tue plusieurs gardes et tente de s'enfuir avec Toyo. En vain. Les deux amants finiront suppliciés et la malheureuse Toyo aura même le funeste privilège de périr écartelée par quatre boeufs sous le motif de l'adultère.
Deuxième segment : 1821. Après avoir usurpé l'identité d'un riche fils de famille, Sutezo passe une soirée de débauche dans un bordel. Au matin, il est démasqué et le tenancier le contraint alors de travailler à de basses besognes afin de rembourser son ardoise. Plus le temps passe et plus Sotezo, corvéable à merci, se fait humilier. Pourtant son sort est encore préférable à celui des prostitués de l'établissement qui sont régulièrement soumises à des sévices et des avortements.
A bout, Sutezo décide de s'enfuit avec Sato, sa favorite. Pour survivre, ils commettront de nombreux forfaits et se retrouveront hors-la-loi. Capturés et torturés par la police, ils seront cloués au pilori et Sutezo finira décapité. Indéniablement, la finesse n'est pas le point fort de cette oeuvre. Avant de commencer le film à proprement parler, le réalisateur nous inflige des images (du XXe siècle) de guerre, de déportations, d'exécutions, commentées d'un ton monocorde par un narrateur qui nous explique que, de tout temps, l'homme a commis des atrocités et que cela est inhérent à sa nature.
Le premier segment est plus violent et ne décevra pas les amateurs de gore : corps coupés en deux, broyage de membres à l'aide de masse, ébouillantage et un superbe écartèlement rarement vu à l'écran. Rien à dire : les effets spéciaux restent encore aujourd'hui assez impressionnants. Beaucoup à dire, par contre, sur l'aspect ourtancier du métrage. D'entrée, le réalisateur décide d'en mettre plein la vue au spectateur par un côté racoleur et voyeuriste de mauvaise aloi.
Ainsi, on a le doit au floutage des parties intimes des acteurs lors des débats amoureux alors que ceux-ci n'ont même pas enlevé leurs vêtements ! Le film souffre également des ruptures imposées par de niaises scènes à l'eau de rose qui cassent le rythme. Et que dire de l'interprétation ? L'acteur qui (sur)joue le rôle de Shogun passe son temps à gueuler hystériquement ou à se goinfrer comme un porc.
Quant aux autres, ils deviennent vite énervants avec leurs mimiques et leurs simagrées. Le deuxième segment prend le contre-pied du précédent en versant par moment dans le burlesque du scatologique, tout en délivrant largement son lot d'hémoglobine (mamelon arraché à la tenaille, avortement brutal, décapitation). Mais, tout comme dans le premier segment, les acteurs sont unanimement mauvais, sans compter que l'histoire n'est guère passionnante.
Au final, c'est une impression plus que mitigée qui ressort du visionnage. Avec ce talent pour le moins limité de la mise en scène, on comprend aisément que Yûji Makiguchi n'ait pas fait carrière plus longtemps dans la réalisation. Shogun's Sadism s'adressera donc uniquement à un public féru de gore et peu regardant sur la qualité artistique d'une oeuvre putassière et désordonnée.
Note : 10/20