Retour aux sources.
« Il n’y a aucune sécurité qu’il ne puisse franchir, aucun plan qu’il ne puisse déjouer, aucune identité qu’il ne puisse revêtir. » Derrière ce portrait d’Ethan Hunt tiré par un Alec Baldwin promu chef de la CIA vingt cinq ans après avoir été l’un de leurs plus brillants analystes, se cache également celui de son Soze, l’increvable Tom Cruise. En effet, depuis qu’il a remisé son costume de missionnaire de la cause scientologue au vestiaire, rien ni personne n’est en mesure de résister à celui qui fut longtemps considéré par les médias comme l’éclopé de l’industrie hollywoodienne, narguant désormais celles et ceux qui le suspectaient de prosélytisme à l’époque où son inébranlable foi le faisait bondir sur les canapés des talk-show télévisés. Prenant l’avion en marche afin de reconquérir l’amour du grand public, il s’apprête aujourd’hui à faire décoller sa carrière par l’entremise de la saga Mission: Impossible, comptant sur Christopher McQuarrie, réalisateur et scénariste de son Jack Reacher et expert en coup bien monté (Usual Suspect, Walkyrie) pour prendre la relève de Brad Bird, dont l’opus avait atteint les sommets en jouant habilement la carte de la désinvolture et la démesure. Le cinéaste, qui avait par ailleurs affuté sa plume sur le Protocole Fantôme, ne coupe pas ici les liens qui le retient au précèdent volet, laissant au bon soin de l’agent Pegg de désamorcer la paranoïa nimbant ce nouveau jeu d’espion par quelques vannes bien senties. Car, c’est du côté de Brian De Palma et de son magistère, Sir Alfred Hitchock, que le cinéaste puise l’essentiel de son inspiration pour échafauder sa mise en scène. Ces deux références constituent d’ailleurs le fil rouge de cette superbe scène d’infiltration à l’Opera Viennois, dont la cantate du Turandot de Puccini évoque, en coulisse, autant L’homme Qui En Savait Trop que le jeu de machiavel orchestré par Jim Phelps à l’ambassade de Prague lors de sa première et unique apparition sur grand écran. Une somptueuse étape qui en compte bien d’autres, toutes aussi excitantes. Ainsi, poursuivant son alter-ego répondant au doux nom d’Ilsa Faust (intimidante Rebecca Ferguson), une agent des services secrets ayant pactisé avec le diable Solomon pour sauver sa peau, Ethan Hunt trace son chemin sur les chaudes autoroutes du Maroc, le temps d’une époustouflante intrusion dans une citadelle sous-marine, avant de regagner Londres et percer l’épais brouillard entourant l’origine de ce Syndicat du crime dirigé par un tueur à la voix d’eunuque se vantant de pouvoir réorganiser l’ordre mondial par simple pression d’une détente. Ce Mission: Impossible Rogue Nation suit un programme narratif excessivement classique dont on imagine sans mal la progression tout au long de ces deux heures. Cependant, l’ardeur avec laquelle McQuarrie le déroule fait oublier toutes les ficelles du scénario, se jouant même de cet académisme en arborant une direction artistique délicieusement « vintage », gravant sur le vinyl les nouveaux ordres de mission énoncé par l’IMF, réhabilitant les cabines téléphoniques comme point de communication, renouant avec l’ancienne esthétique du générique d’ouverture, et laissant Joe Kraemer se réapproprier les cuivres de l’agent 007 au cours d’une palpitante poursuite en deux-roues. En tirant astucieusement parti de cette absence de fraîcheur par une exigence technique à toute épreuve lors des grands évènements, le réalisateur s’assure finalement que l’empreinte qu’il laissera sur cette franchise ne s’autodétruira pas une fois passée les portes du cinéma. Mission réussie. (4/5)
Mission: Impossible – Rogue Nation (États-Unis, 2015). Durée : 2h12. Réalisation : Christopher McQuarrie. Scénario : Christopher McQuarrie, Drew Pearce. Image : Robert Elswitt. Montage : Eddie Hamilton. Musique : Joe Kraemer. Distribution : Tom Cruise (Ethan Hunt), Rebecca Ferguson (Ilsa Faust), Simon Pegg (Benji Dunn), Jeremy Renner (William Brandt), Ving Rhames (Luther Stickell), Sean Harris (Solomon Lane), Alec Baldwin (Hunley), Simon McBurney (Atlee).