Jean-Pierre Améris propose une comédie imparfaite mais sincère, qui sait se démarquer.
Il est clair qu’après le puissant Marie Heurtin, Une Famille à louer sonne à première vue comme une œuvre mineure dans la filmographie de Jean-Pierre Améris. Une fois passé le concept de base (un homme riche et seul, Paul-André, propose de rembourser les dettes d’une mère de famille célibataire, Violette, contre la possibilité de vivre à ses côtés), on se rend vite compte que le long-métrage n’est pas plus original dans son déroulé que la majorité des comédies françaises à tendance sociale post-Intouchables. Un choc des cultures déjà vu qui a du mal à trouver son rythme dans sa première partie, jouant de sa cocasserie avec une certaine maladresse. Mais petit à petit, le film va réussir à se distinguer en prenant son sujet à bras le corps. Améris, également co-auteur du scénario, s’est en partie inspiré de sa propre vie de famille, n’hésitant pas à créer un nombre important de scènes dramatiques, voire assez violentes (la rencontre de Paul-André avec sa mère). Ainsi, le pleur trouve autant sa place que le rire au sein de ce monde que le cinéaste tend à décrire comme complexe, là où les protagonistes l’imaginent bien plus simple.
Et c’est nul doute de cette manière qu’Une Famille à louer se différencie du tout-venant de la comédie « franchouillarde ». Loin des êtres unidimensionnels incarnés par des comiques se complaisant dans leur propre rôle, Jean-Pierre Améris tient à dépeindre des personnages avec leurs qualités, leurs défauts, leurs contradictions et leurs évolutions. S’ils peuvent être parfois exaspérants, il n’est pas difficile d’éprouver de la sympathie pour Paul-André, Violette et ses enfants. A ce titre, le long-métrage fonctionne avant tout grâce à sa direction d’acteurs exemplaire. Le caractère hésitant de Benoît Poelvoorde convainc sans peine, tandis que l’énergie de Virginie Efira, de Pauline Serieys et de Calixte Broisin-Doutaz ravit très rapidement. Leurs inquiétudes face aux changements de la vie devient dès lors d’autant plus fort, surtout qu’Améris y distille une pointe de magie. En effet, sa grande qualité est de reconnaître à 100 % que son œuvre est une fiction, n’allant pas se perdre dans les déboires du naturalisme. S’il est constamment ramené à la dureté de la réalité, son univers s’avère coloré (un grand bravo à la photographie), flirtant parfois avec le conte de fées (la maison de Violette, bien que endommagée dans chacun de ses recoins, libère un certain charme).
L’ancrage social d’Une Famille à louer s’accorde ainsi à une volonté de déconstruction du film de famille, mais surtout de la comédie romantique. Malgré les réelles difficultés du vivre-ensemble, aussi bien durant l’enfance que dans la vie d’adulte et de couple, la beauté de l’utopie l’emporte dans un hommage sincère à ces clichés narratifs, que Jean-Pierre Améris remet en question pour mieux les exploiter par la suite. Optimiste, son obsession pour ces codes, qu’ils soient heureux ou malheureux, révèle qu’ils ne sont pas une fatalité, et que l’on n’est pas piégé de son éducation ou de son statut social. Si elle n’est pas toujours adroite, l’écriture atteint quelques beaux moments de comédie, mais aussi de drame, pour nous rappeler que la vie de famille n’est pas drôle tous les jours.