Entretien avec Catherine Corsini: « je voulais vraiment être dans leurs émotions… »

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

C'est dans les locaux du distributeur Pyramide dans le huitième arrondissement de Paris que l'on a rencontré Catherine Corsini à la veille de la sortie de son nouveau film La Belle Saison avec Cécile De France et Izia Higelin. Durant trente minutes, la réalisatrice de La Nouvelle Eve répond en toute franchise aux questions des différents intervenants de cette table ronde. Intarissable et passionnée, elle raconte la genèse de ce très beau film porté par deux magnifiques comédiennes.

Le casting

Je voulais raconter une histoire d'amour romanesque. Il fallait des actrices qui incarnent vraiment ces personnages qui vont nous entrainer dans l'histoire. J'avais vraiment envie que ce soit ces filles qui soient au centre du récit. Et j'ai pensé à Cécile parce qu'elle a cette aura populaire et je voulais aller vers quelque chose de large et éviter que ce soit un film de niche. Quand je dis que c'est un peu mon Brokeback Mountain, je veux dire que j'avais envie que ce film ait aussi cette audace parce que parfois on cantonne ces sujets ou les femmes, à une certaine audience. Donc j'espère que ça s'adressera au plus large public possible en tout cas c'est mon vœu et je trouve que Cécile a ce vecteur là et puis je ne voyais aucune autre actrice de cet âge. Je trouve que c'est quelqu'un qui n'a pas de tabou, qui est hyper libre et généreux et qui a amené cette liberté au personnage de Carole. Et quand j'ai écrit ces deux personnages avec ma scénariste Laurette Polmanss, on avait pensé à deux femmes qui nous ont beaucoup aidé qui sont Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig. Carole Roussopoulos c'est l'une des premières vidéastes qui a filmé les mouvements des femmes et je trouve qu'elle avait cette aura comme a Cécile, ce sont des femmes à la fois joyeuses, drôles, pleines d'ironie comme l'étaient ces femmes de ces années là! Et je pensais vraiment que Cécile incarnait merveilleusement cette force, cet enthousiasme. A côté de ça j'avais pensé à Adèle Haenel avec qui j'avais travaillé et au départ je l'avais convaincue mais elle s'est désistée, elle ne sentait pas le rôle. Puis j'ai choisi une autre actrice mais je n'y croyais pas. Et Izia est arrivée et tout ce qu'elle joue est très juste, très ancré et j'ai tout de suite cru à son côté terrien même si autant pendant le tournage Cécile était une alliée, autant avec Izia c'était très très compliqué. C'était plutôt un combat d'arriver à obtenir les scènes mais bon ça, ça fait partie du travail de metteur en scène.

Le sujet

Je me suis posé la question de savoir pourquoi j'avais attendu aussi longtemps pour traiter ce sujet. Je crois que j'avais extrêmement peur de ne pas savoir filmer l'amour charnel entre deux femmes, que ce soit trop mièvre. Je voulais montrer le côté passionnel et mélodramatique du film. Je me suis aussi engagé avec ma productrice Elisabeth Perez qui m'a beaucoup encouragée à raconter cette histoire, qui me disait d'avoir le côté irrévérencieux de La Nouvelle Eve et le côté très charnel de Partir dans cette histoire d'amour. J'ai essayé de mêler ces deux choses. Et je me suis dit qu'il allait falloir que j'arrive à raconter une histoire d'amour entre deux femmes de manière vraiment frontale Puis quand La vie d'Adèle est sorti je me suis reposé la question s'il fallait le faire ou pas. Mais je me suis dit que le film était très différent et qu'il n'y avait pas de raisons que les femmes n'aient qu'une histoire d'amour au cinéma pour les représenter. Donc je me suis lancé. Je pensais moins être capable et donc de moins filmer des scènes d'amour et je ne pensais pas les faire durer aussi longtemps mais heureusement que je l'ai fait même si le heurt avec Izia Higelin vient peut être de là!

Les scènes d'amour

Je ne voulais pas avoir de sentiment de voyeurisme, je voulais vraiment être dans leurs émotions, dans cette espèce de joie de cette première fois. On a beaucoup regardé avec la chef op des tableaux de Renoir, de Manet, des corps de femmes un peu arrondis dans la nature. On a aussi regardé un film que je ne connaissais pas d' Agnès Varda qui s'appelle Le bonheur, où il y a des scènes d'amour entre un homme et une femme très très sensuelles dans la nature avec beaucoup de douceur que je trouvais très beaux. On n'avait pas beaucoup parler de la nudité, des scènes d'amour et il y a eu une espèce de confiance qui s'est opérée assez vite et c'est vrai que Cécile s'est laissée guider. Je leur avais dit de se laisser pousser les poils sous les bras et sur le sexe mais avant de les voir nues je ne savais pas si elles l'avaient fait ou pas mais elles ont vraiment joué le jeu.

Le numérique

J'ai eu la chance de travailler avec Jeanne Lapoirie qui maitrise extrêmement bien l'Alexa et on tournait très très rapidement sans quasiment ajout de lumière ou très très peu même dans les intérieurs et ça a contribué aussi à pouvoir dans les scènes d'amour de refaire les prises sans se préoccuper de certains détails, pour avoir un jeu très fluide. Moi je préfère quand même le 35mm mais le numérique permet d'avancer plus rapidement et c'est extrêmement plaisant.

La reconstitution

J'aime bien avoir comme une espèce de banque de données avec des films. On a regardé un peu ce qu'il y avait dans les films des années 70 alors il y avait des films en noir et blanc mais on a revu La maman et la putain, les films de Rhomer, Varda... On a regardé tous les documentaires de Carole Roussopoulos , j'avais regardé aussi un documentaire de Louis Malle tourné dans les années 70 qui s'appelle Place de la République et où il interroge plein de monde. Les acteurs, les décorateurs ou les costumiers sur un film d'époque, ils ont tendance à vouloir en faire un peu trop, à vouloir mettre çi ou ça, mais je tenais à ce que ne fasse pas trop guignol donc je veillais beaucoup à ça mais ce n'était pas facile.

La distribution

Paradoxalement, on n'a pas eu de difficultés pour monter le film. Le scénario a beaucoup plu que ce soit à Canal Plus qui est un de mes partenaires fidèles ou à France 3. On a un bon nombre de salles puisqu'on sort sur 200 copies à peu près.

LA BELLE SAISON Réalisé par Catherine Corsini avec Cécile De France et Izia Higelin. Sortie le 19 août 2015

Merci à Claire de OkarinaCiné