[Critique] – Amnesia

Par Pulpmovies @Pulpmovies

Réalisé par : Barbet Schroeder
Avec :
Marthe Keller, Max Riemelt, Bruno Ganz
Sortie :
19 août 2015
Durée: 1h36
Budget:
Distributeur :
Les Films du Losange
3D: Oui – non


Synopsis :
Ibiza. Début des années 90, Jo a vingt ans, il vient de Berlin, il est musicien et veut faire partie de la révolution électronique qui commence. Pour démarrer, l’idéal serait d’être engagé comme DJ dans le club L’Amnesia. Martha vit seule, face à la mer, depuis quarante ans. Une nuit, Jo frappe à sa porte. La solitude de Martha l’intrigue. Ils deviennent amis alors que les mystères s’accumulent autour d’elle : ce violoncelle dont elle ne joue plus, cette langue allemande qu’elle refuse de parler… Alors que Jo l’entraîne dans le nouveau monde de la musique techno, Martha remet en question ses certitudes…

Notre avis :

Découverte dans son premier long-métrage More, Barbet Schroeder renoue avec l’île d’Ibiza et en fait le refuge de Martha, interprétée par la gracieuse Marthe Keller. Présenté en séance spéciale à Cannes cette année, Amnesia fait une entrée en salle discrète et qui, pourtant, déchire la critique. Film mou ou bouleversant ? Telle est la question !

Barbet Schroeder est un habitué du documentaire, et donc du réalisme. On sait qu’il le manipule avec finesse et esthétique. Amnesia nous le prouve une fois de plus. Accompagné de la monteuse de Holy Motors, Nelly Quettier, le cinéaste nous transporte sur le fleuve d’un film sans accroc, au rythme calme et mélodieux. Se détache alors du cadre un sentiment de douceur et d’harmonie qui plonge le spectateur dans un halo de paix. Les paysages sont transcendés par le directeur de la photographie, Luciano Tovoli, rendant à l’image toute la beauté des îles espagnoles. Si certaines critiques se demandent où est l’émotion dans ce long métrage, nous pouvons répondre qu’elle campe dans ces plans fixes. A la manière du réalisateur japonais Yasujiro Ozu et ses fameux « Pillow-Shot », Schroeder marque une pause dans sa narration en pointant la caméra sur les paysages qui retiennent alors toute l’exaltation. On y sent l’entière tension du passé que Martha tente de refouler et la passion qui se crée entre les deux personnages principaux.

C’est ici un sujet dangereux et sensible, quoique très personnel pour Barbet Schroeder. Les souvenirs de la guerre sont encore douloureux pour certaines générations, et le film pointe efficacement le problème de son héritage, à qui chacun apporte sa propre vérité. Mais le réalisateur reste à la fois léger et grave, il n’oppresse pas son spectateur par la noirceur du thème qu’il compense par des espaces ouverts, de nombreux plans panoramiques et une construction dans le cadre qui ne se clôt jamais.

Toutefois, le film n’échappe pas à certaines lourdeurs.. le pire étant d’avoir choisi le club « Amnesia » comme lieu de représentation de Jo et son groupe. En effet, la narration suffisait à comprendre que Martha fait de l’amnésie un rempart à l’horreur qu’elle a connu par le passé en Allemagne. Par ailleurs, Schroeder a un peu de mal à faire cohabiter les deux intrigues. La seconde partie, où Bruno Ganz, qui incarne le grand père de Jo, capte toute l’attention en révélant la vérité sur son rôle durant la Seconde Guerre Mondiale, vient s’ajouter comme une séquence à part, qui pourrait être l’intrigue d’un autre long-métrage. Il semblerait que le réalisateur l’aie placé ainsi au montage afin de sceller définitivement l’amour entre Jo et Martha. Pourtant, le cinéaste les regarde tout au long du film avec une caméra fertile à la naissance d’une histoire d’amour où l’âge n’est plus une barrière. Mais le réalisme primant chez le cinéaste, la vie rattrape les deux amants et laisse place à un plan final brillant.

Le film surprend par sa puissance à la fois physique et mentale, et par la simplicité et la nouveauté de l’angle qu’investit Schroeder pour parler du poids du souvenir de la guerre.

Critique par Marion Dupont.