Lame du guerrier.
Depuis que le sacré s’est soustrait des conflits du monde contemporain, Yato, dieu de la guerre, est au chômage. Cette crise de foi le contraint à vivre une vie de bohème, sans autel dans lequel se loger, mendiant ses services auprès des mortels en effectuant de basses besognes ou en expurgeant la mégalopole des ayakashi, de purulentes entités démoniaques cherchant à souiller les âmes les plus frêles. Bien que l’habit ne fait jamais le moine, difficile cependant de se reconvertir pleinement lorsqu’on porte l’abandon spirituel sur soi et que l’on souffre d’hyperhidrose palmaire. Plus d’un instrument divin a ainsi invoqué sa démission afin de remettre son allégeance entre les mains d’une divinité aux effluves intellectuelles et corporelles plus envoutantes. Une exhalaison qui n’effraie pourtant pas Hiyokiri, jeune étudiante dont la narcolepsie, survenu à la suite d’un accident, lui prête la capacité de naviguer entre le monde des humains et celui des esprits. Une aptitude qu’elle perçoit comme un handicap, mais qui lui ouvre également la porte à une nouvelle existence sociale aussi dangereuse que précieuse. Ainsi, en poursuivant Yato et son insolent « shinki », Yukine, dans leur combat contre les forces de l’ombre, cette adolescente téméraire s’engage dans les sombres artères de cette fantasy urbaine tracée par la mangaka Toka Adachi, et dont l’univers porte désormais l’étampe d’un des plus populaires maîtres forgerons de l’animation japonaise. Le studio Bones affute ainsi ses teintes et son trait pour parfaire cette adaptation, polissant une animation dont l’éclat s’exprime remarquablement dans cet intense bleu acier avivant le regard de ce dieu irascible, immature, mais follement attachant. Ces incandescentes nuances luisant à la surface de ces miroirs de l’âme offrent d’ailleurs un magnifique écrin à la psychologie des personnages, les fixant durablement dans nos yeux, compensant le déséquilibre entre intensité et progression dramatique. Car si les émotions nous agriffent régulièrement au cours des douze épisodes composant cette première saison, le fil de son intrigue tend, en revanche, à s’émousser, ne parvenant pas à tendre un arc narratif aussi pénétrant que son esthétique. La plume du scénariste rodent ainsi autour des héros et de leurs pâles antagonistes, taille les larges contours de leurs personnalités, mais ne parvient pas à porter l’estocade qui les condamnerait à répandre leurs états d’âme et les amener sur le chemin de l’évolution, laissant Yukine et son dévorant traumatisme obtenir, seul, la bénédiction d’une amplitude affective plus importante. Une erreur de jeunesse que l’on espère voir gommer lors de la seconde saison. (3/5)
Noragami (Japon, 2014). Format : 12 épisodes. Studio : Bones. Réalisation : Koutarou Tamura. Scénario : Akao Deko. Musique : Taku Iwaski