Dard Divorce (Ittenbach en mode Tarantino)

Par Olivier Walmacq

Genre: horreur, gore, trash, extrême (interdit aux - 18 ans)
Année: 2007
Durée: 1h22

L'histoire : Divorcée depuis peu, Nathalie attend de récupérer ses enfants partis chez leur père, Tim, pour le week-end. Mais celui-ci, indirectement mêlé à un réglement de compte entre truands, débarque chez la jeune femme, mortellement blessé et sans les enfants. Pour Nathalie, le cauchemar va commencer... 

La critique :

On ne présente plus Olaf Ittenbach. Depuis plus de 25 ans, ce réalisateur allemand, qui s'est spécialisé dans le gore le plus outrancier, est vite devenu une solide référence et compte de nombreux fans parmi les amateurs de cinéma extrême. En 1989, son premier film, Black Past, pose les jalons d'un style cinématographique que l'on retrouvera dans presque toutes ses oeuvres : un scénario basique, des acteurs quasi amateurs et une débauche d'effets spéciaux horrifiques dans lesquels Ittenbach engoutit les trois quarts du budget dont il dispose.
Et ce bon vieil Olaf va tellement loin dans l'abomination visuelle que cela lui joue parfois des tours. Ainsi, en 1992, son deuxième film, The Burning Moon, se retrouvera totalement interdit et banni de son pays d'origine. Le réalisateur étant même obligé de rendre des comptes devant la justice. Cinq ans après ses déboires, le jeune effronté réalisera Premutos, un film défouloir et fort sympathique.

Puis, durant une décennie, le réalisateur teuton va se faire un peu oublier avec des oeuvres mineures telles que Legion of Dead, Garden of Love ou Beyond the Limits. En 2007, Ittenbach s'attelle au tournage de Dard Divorce, un projet ambitieux pour lequel il dispose de 400 000 dollars, une somme conséquente pour un film somme toute underground. Avec une telle mise de départ, on était en droit d'attendre un produit soigné, d'autant plus que la technique de Ittenbach a (heureusement) bien évolué depuis ses débuts. Fini les tournages au camescope, les actions qui se déroulaient dans la maison de campagne des parents et les copains qui venaient en touristes pour jouer le rôle du démon ou d'un prêtre possédé...
Hélas, malgré les progrès accomplis, ce Dard Divorce s'avère être bien décevant. Attention, SPOILERS ! Nathalie Stein est une jeune avocate récemment séparée de son mari, Tim, cuisinier dans un restaurant de San Francisco. Tim doit ramener leurs deux enfants dont il avait la garde pour le week-end.

Mais au cours de la journée, des événements curieux se produisent. Le chien de Nathalie disparaît et quelqu'un pénètre chez elle en lui laissant un papier avec ce mot inscrit : "Dard". Inquiète, elle fait venir la police qui ne trouve aucun indice. Pendant ce temps, dans l'arrière boutique du restaurant de Tim, deux bandes de gangsters se livrent à un échange d'argent et de drogue. La transaction tourne très vite au carnage et un truand en profite pour emporter les deux précieuses valises.
Pris dans la fusillade, Tim parvient à s'échapper et arrive chez Nathalie, agonisant, seule sans les enfants. Avant de mourir, il a le temps de lui expliquer la situation et de lui préciser que leurs enfants ont été kidnappés par le truands. Alors qu'elle monte à l'étage pour téléphone à la police, le corps de Tim disparaît. Pour la pauvre Nathalie, le cauchemar a commencer. Tour à tour torturée par deux gangsters qui veulent récupérer le magot (l'un déguisé en policier, l'autre se faisant passer pour un médecin), la malheureuse va se retrouver au coeur d'un engrenage infernal où les morts vont s'accumuler. Jusqu'à ce qu'elle découvre que l'affaire avait été montée de toute pièce par son propre mari.

Bon, au vu de l'incompréhensible sympathie que j'éprouve pour ce réalisateur, je ne vais pas être trop sévère, mais il ne faut pas trop exagérer tout de même. Voilà donc que maintenant, Ittenbach se prend pour Tarentino. On aura tout vu ! Pourtant, de prime abord, le scénario paraissait certes confus mais séduisant. Il était donc normal de laisser une chance au réalisateur pour sa première incursion dans le domaine du thriller. C'était vite oublier que Olaf Ittenbach est quand même un réalisateur de deuxième (troisième ?) zone, et que son talent très limité de la mise en scène devient flagrant lorsqu'il aborde des sujets plus ambitieux que le gore, dans lequel il excelle il est vrai.
J'aurais aimé pouvoir dire que Dard Divorce n'est pas un mauvais film. Mais force est de reconnaître que la tentative d'Ittenbach dans le milieu du polar est un échec cuisant. Passons en revue les point faibles du métrage. Tout d'abord, l'histoire construite en flash-back n'est guère passionnante et la mise en scène fait penser à un mauvais téléfilm américain du dimanche après-midi.

Le twist final se veut spectaculaire alors qu'on l'a deviné depuis longtemps. Le gros point noir du film reste toutefois une interprétation affligeante et cela concerne en premier lieu Martina Ittenbach, propre femme du réalisateur, qui joue le rôle de Nathalie Stein. Aussi expressive que Steven Seagal après son lifting, elle ne communique strictement aucune émotion au spectateur, et on a bien du mal à éprouver quelques soupçons d'empathie à son égard lorsqu'elle se fait durement torturer.
Inutile de dire que le reste de la distribution est au diapason et que les autres acteurs sont remarquablement mauvais. Le troisième point d'achoppement concerne la bande sonore. Déjà que nous avons droit à un film en langue américaine (je dis bien américaine car l'anglais est tout de même plus compréhensible) non sous-titré. Ittenbach nous envoie en plus du gros son dans les oreilles alors que les acteurs sont en plein dans leurs répliques. Résultat : des dialogues qui restent souvent inaudibles et qui accentuent forcément le sentiment d'incompréhension de la part du spectateur.

Pas brillant tout ça. Heureusement, pour relever (un peu) ce piètre état des lieux, il y a le gore. Et Dard Divorce, c'est d'abord et avant tout du gore, encore et toujours du gore. A priori, les 400 000 dollars du budget ont dû passer dans leur quasi totalité à la création de effets spéciaux sanguinolents. Donc que les amateurs de tripaille se rassurent. De ce côté là, Ittenbach demeure une référence absolue. Au programme des réjouissances, Dard Divorce envoie du maousse : membres découpés, tête explosées, découpage de cadavre, éviscération, énucléation, décapitation d'un enfant (!) à la tronçonneuse...
Fidèle à sa réputation, le réalisateur donne dans la surenchère d'hémoglobine à tel point que l'histoire passe au second plan, le naturel d'Ittenbach reprenant le dessus au fur et à mesure que le film avance. C'est donc un constat sévère mais juste que j'établirai en conclusion. En dépit de l'intention louable de se renouveler, Olaf Ittenbach a encore beaucoup de progrès à faire pour être considéré comme un véritable réalisateur. S'il reste un maître en matière d'effets spéciaux horrifiques, il lui faudra à l'avenir, s'il veut continuer dans la voie de la "normalité", s'entourer d'une équipe beaucoup plus compétente que celle qui a oeuvré sur ce film, et notamment d'un scénariste digne de nom.

Côte :Navet

 Inthemoodforgore