Une comédie sur le contre-emploi portée par son duo d’acteurs.
De Kick-Ass à Jason Bourne en passant par quelques classiques du thriller et du cinéma d’espionnage, American Ultra nous prouve assez rapidement qu’il connaît bien ses références. Mais s’il ne fallait le rapprocher que d’un seul film, il s’agirait sans doute de Projet X, le précédent long-métrage de Nima Nourizadeh. Derrière la promesse d’une comédie accumulant les catastrophes de façon quasi-surréaliste se cachait une réflexion (pas vraiment subtile) sur les contradictions de la culture américaine, le tout exprimé par le regard de l’actuelle jeunesse durant un fête d’étudiants. Le puritanisme et autres vigueurs de société étaient balayées le temps d’une incroyable soirée, où le chaos trouvait autant de sens que l’ordre auquel il se confronte. Le constat amer mais incomplet de l’ensemble révélait cette envie de destruction sans aucune reconstruction en aval, décrivant le pessimisme d’une génération qui ne s’amuse qu’à contempler les décombres de son monde. Dans un style finalement très « michaelbayien », la connerie revendiquée et les explosions sonnent comme un purification chez Nourizadeh, qui en remet volontairement une couche avec cette histoire d’agent dormant surentraîné dont on a effacé la mémoire.
Cette fois-ci, le réalisateur change de terrain de jeu en passant de la simple maison à une petite ville perdue au fin fond de la campagne américaine, dans laquelle va s’organiser un cache-cache inattendu qui va vite partir en vrille. Tout le film repose d’ailleurs sur un contre-emploi pensé pour surprendre autant le spectateur que les personnages, trouvant son paroxysme dans un casting où Jesse Eisenberg et Kristen Stewart rayonnent en couple de losers camés transformés en super-héros malgré eux. La description réaliste de leur quotidien laisse place à ce fantasme de surpuissance adolescente, capable de vaincre à elle seule le monde entier. Mais la plus belle idée d’American Ultra provient de sa manière de constamment remettre en question l’immaturité de son sujet à travers la relation amoureuse de son héros qui n’évolue pas. Il ne parvient pas à grandir car il a été privé de son passé, le poussant dès lors à une régression temporaire mais nécessaire. Il revit son adolescence pour pouvoir devenir un adulte, et prend ainsi du recul avec sa vie, contrairement aux cols blancs de la CIA, tellement obsédés par leurs objectifs qu’ils ne ressemblent plus qu’à des gamins capricieux s’insultant dans une cour de récré.
Tout en étant plus drôle que Projet X, le long-métrage développe une critique beaucoup plus acerbe des États-Unis, décrits comme un Pays imaginaire démoniaque qui refuse de mûrir. Trop sûr de son pouvoir et de son aura, il en vient à s’autodétruire, tuant par là même des êtres qui n’avaient rien demandé. Nourizadeh se moque ainsi des mensonges d’état et de cette faculté à se mettre à dos sa propre population, faisant indirectement référence au Projet MK-Ultra de la CIA. American Ultra montre alors la bêtise d’une culture qui crée toute seule ses propres symboles négatifs et indélébiles. Ce type de scandales appartient désormais à la construction de la mythologie américaine. Ils provoquent des fantasmes, au point d’être déclinés aujourd’hui dans des comédies ou des films d’action. Malheureusement, American Ultra ne va pas au bout de ce procédé à cause de son manque de folie, particulièrement criard au vue de la mise en scène peu inspirée de Nima Nourizadeh. Malgré un final réussi dans les rayons d’un supermarché, soit un nombre impressionnant d’armes par procuration, le scénario éprouve de grandes difficultés à impressionner dans ses moments de bravoure. Il manque au film cette touche plus violente et cinégénique qui fait le sel des œuvres de Matthew Vaughn pour paraître totalement fun. Son cinéaste, comme ses personnages, devrait peut-être grandir, et trouver une réalisation plus ambitieuse que celle inculquée par son passé de clippeur.