genre: drame (interdit aux - 12 ans)
année: 1975
durée: 1h40
l'histoire : Un cafetier parisien passe ses vacances dans un camping du Midi, à proximité d'un chantier ou travaillent des immigrés.
La critique :
Yves Boisset commence sa carrière au cinéma en tant qu'assistant-réalisateur. Il fait ses grands débuts en 1959 dans Le Vent Se Lève auprès d'Yves Ciampi et même auprès de Sergio Leone dans Le Colosse de Rhodes en 1961. Il peaufine davantage son style à partir des années 1970. Rapidement, Yves Boisset devient un réalisateur polémique.
Des films tels que Le Juge Fayard dit le Shérif, Canicule ou encore Le Prix du Danger assoient la notoriété du cinéaste. Vient également s'ajouter Dupont Lajoie, sorti en 1975. A l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'un roman homonyme écrit par les scénaristes du film, Jean-Pierre Bastid et Michel Martens. A ce jour, Dupont Lajoie reste le film le plus populaire d'Yves Boisset.
C'est aussi le plus polémique. En effet, au moment de sa sortie, le long-métrage déclenche un véritable scandale. La presse et la critique cinéma se déchaînent. Dupont Lajoie est alors victime de nombreux quolibets et d'acrimonies en tout genre. En même temps, le film aborde un sujet difficile : la haine raciale. Paradoxalement, le long-métrage remporte un vif succès au cinéma.
Incontestablement, Dupont Lajoie est un film choc, justement interdit aux moins de 12 ans. Personnellement, je trouve que l'interdiction aux moins de 16 ans n'aurait pas été usurpée. Le long-métrage contient tout de même plusieurs séquences très violentes, mais j'y reviendrai ultérieurement.
Au niveau de la distribution, ce drame réunit Jean Carmet, Pierre Tornade, Ginette Garcin, Pascales Roberts, Jean Bouise, Michel Peyrelon, Odile Poisson, Jean-Pierre Marielle, Robert Castel, Isabelle Huppert, Jacques Villeret et Victor Lanoux. Attention, SPOILERS ! Comme chaque année, Georges Lajoie, un cafetier parisien, part avec sa famille dans un camping de la côte d'azur.
Sur place, il retrouve ses amis les Shumacher et les Colin. Georges ne reste pas insensible aux charmes de la jeune fille des Colin. Alors qu'il se retrouve seul à seul avec elle, il la viole et la tue. Il décide alors de jeter le corps près d'un chantier où travaillent des étrangers. Des coupables tout trouvés...
Pour l'anecdote, Yves Boisset affirmera s'être inspiré de nombreux crimes racistes commis dans le sud de la France au début des années 1970. Mais la violence n'est jamais unilatérale, semble affirmer Yves Boisset... Sur ce dernier point, le réalisateur n'évite pas les clichés habituels sur le bon vieux franchouillard, ici incarné par un Jean Carmet terrifiant, xénophobe, libidineux, licencieux, couard, rustre...
Bref, ce personnage accumule à lui tout seul tous les défauts du monde. Il illustre à merveille la caricature du français raciste, homophobe et grivois, limite obscène. Il ne manque plus que les bacchantes, le pain et le saucisson... A son grand dam, ses compagnons d'infortune ne font pas beaucoup mieux.
Dans Dupont Lajoie, le français lamba ou moyen (vous choisirez...) passe ses vacances au camping, boit du pastis au café du commerce et vitupère sur ceux qui ont une teinte de peau un peu trop bazanée... Quant à l'immigré, et plus précisément le "bougnoul", Yves Boisset décrit une promiscuité souvent embarrassante pour ces français racistes et intolérants.
Ces "gens-là", comprenez les "Arabes" sont des travailleurs, des bosseurs acharnés qui besognent toute la journée pour des salaires misérables. Ostracisés et morigénés par nos bons vieux franchouillards, ils incarnent symboliquement la nouvelle armée de réserve du capitalisme triomphant.
Les victimes à la peau hâlée contre les beaufs franchouillards. Telle est la dynamique ostentatoire du film. Pour renforcer le trait, Yves Boisset rajoute une séquence de viol. D'un alcoolique impénitent, Jean Carmet se transforme alors en un prédateur maladroit, à la sexualité débridée. Pire encore, il devient même un pervers manipulateur et obscène. Les coupables, ce sont évidemment les Arabes.
Le film prend alors la forme d'une véritable tragédie et tourne au réglement de compte. A travers Dupont Lajoie, Yves Boisset exprime aussi une époque, mais surtout une idéologie. En gros, le français est profondément raciste et intolérant. A contrario, l'étranger est une victime qui est rejetée, massacrée, vilipendée et néantisée. Certes, Yves Boisset minore quelque peu ce manichéisme par une conclusion finale qui provoquera elle aussi le débat et la polémique.
Encore une fois, Dupont Lajoie est un film choc et scandale qui dénonce soi-disant le racisme ordinaire à travers les ratonnades et la chasse au "bicot". Néanmoins, le long-métrage manque vraiment de subtilité. J'avoue être assez perplexe quant aux réelles qualités du film. En voulant dénoncer le racisme, Yves Boisset a en vérité réalisé un film raciste.
Note: ?
Alice In Oliver