Coup de barre.
Le bloc communiste à la peau dure dans la culture américaine. Son cinéma s’en amuse parfois, ironisant autour de cette géopolitique d’un autre âge. Mais en d’autres circonstances, il préfère ne pas trop plaisanter avec ce vieux mite infestant l’inconscient collectif comme la laine italienne. Cette fois, la mère patrie est à l’origine d’un programme visant à semer, in vitro, des graines d’espions génétiquement modifiés. Une petite boutique des tueurs proposant un large arsenal de références, inventoriées sous un code barre oblitérant la nuque de ces armes que l’on dit d’une précision chirurgicale. Mais rapidement, ça chauve pour son géniteur, contraint par le gouvernement de réduire par le feu les preuves de sa création et de s’évanouir dans la nature. Un avant programme inoffensif qui porte pourtant déjà la signature d’un des plus éminents assassins que le cinéma américain n’ait jamais porté. Skip Woods, odieux mercenaire à la solde des studio 20th Century Fox, qui enterra vivant John McClane sous les décombres de Tchernobyl, vient ainsi terminer le travail qu’il avait entamé sur le très oubliable premier volet, jadis réalisé par le français Xavier Gens. Il calibre rapidement cette pâle vision introductive en convoquant des figures classique de l’espionnage contemporain, et construit son intrigue autour de la traque de Katia Van Dees, seule branche permettant de remonter aux racines de cet encombrant passé, menée parallèlement par un tueur-né (Rupert Friend, le regard tranchant comme un économe) et un mystérieux syndicat placé sous le patronage de l’acteur Thomas Kretschmann, à la présence maxillaire faiblement intimidante. Ce petit scénario, aussi idiot soit il, s’enraye définitivement lorsque le scénariste doit assembler ses pièces. Il invente une histoire filiale inintéressante au point de la balayer d’un revers de dialogue. Il insère des traits d’humour inefficaces tant elles dénotent dans le paysage. Il développe un discours philosophique (« je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre » semble vouloir lui faire crier la fugitive à son impavide garde du corps) dont la platitude dramatique confine au désespoir. Pour colmater ces brèches, le réalisateur polonais Aleksander Bach recharge régulièrement la mule en proposant des assassinats qui renouent partiellement avec l’esprit tactique qui imprégnait le matériau original. Malheureusement, il construit son esthétique en s’appuyant sur une forme spectaculaire de langage du jeu vidéo au cinéma qui n’est pas la plus délicate, celle que pérennisa la saga Resident Evil de Paul W.S. Anderson. En cédant ainsi à l’hypertrophie visuelle et auditive (une tâche pourtant confiée aux mains expertes de Marco Beltrami), le cinéaste créé l’inverse de l’effet escompté, étranglée qu’il est par ses effets numériques (cascades et mouvements d’appareil se montrent affreusement artificiels) et les incohérences physiques, éliminant toutes formes de plaisir dans le cœur du spectateur. Ce n’est donc pas cet Agent 47 qui nous fera un deuxième trou de balle au derrière. (1.5/5)
Hitman – Agent 47 (États-Unis, 2015). Durée : 1h25. Réalisation : Aleksander Bach. Scénario : Skip Woods, Michael Finch. Image : Ottar Gudnason. Montage : Nicolas De Toth. Musique : Marco Beltrami. Distribution : Rupert Friend (Agent 47), Hannah Ware (Katia Van Dees), Zachary Quinto (John Smith), Thomas Kretschmann (Le Clerq), Ciarán Hinds (Litvenko).