Avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin, Luminita Gheorghiu
Production Roumaine, Bulgare, Tchèque, Française
se moque avec cynisme et mordant de l'intolérance des hommes, d'hier comme d'aujourdhui ! Radu Jude rouvre une page peu assumée de l'Histoire, à l'heure où les Roms (qui n'avaient pas encore ce nom) étaient réduits en esclavage.
Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde réalisé en 2009 et Papa vient dimanche en 2012, il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.
Le Roumain Radu Jude a été l'une des révélations de la Berlinale avec Aferim ! , avec le prix de la mise en scène décerné par le jury de Darren Aronofsky.
Celui-ci est accusé d'avoir séduit la femme et s'est donc échappé pour ne pas subir les coups de fouet.
Tel un shérif d'opérette chevauchant dans les Balkans sauvages, le fonctionnaire zélé enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Il montre peu de respect envers les religieux, également "propriétaires" d'êtres humains et affiche son mépris des femmes, enfants, vieillards, paysanset surtout, des gitans.
Après une longue recherche, Costandin finit par mettre la main sur Carfin.
Dans l'espoir d'être relâché, celui-ci tente en vain de charmer père et fils en leur racontant des histoires glanées à Leipzig, Vienne et Paris...
En conférence de presse, Radu Jude a parlé des propos racistes et antisémites trouvé sur le net et suscités par le sujet de son film. La Roumanie décrite dans établit des liens clairs, et jette un oeil pour voir d'où vient la haine à l'oeuvre aujourd'hui. Le film, pourtant, parvient à être drôle pour mieux glacer de temps à autre. Sa Aferim ! est corrompue jusqu'à l'os, persuadée de marcher droit même en commettant les pires horreurs, les Roms y sont littéralement chassés et on y hait les juifs plus que tout. De 1835 à 2015, "gauloiserie" (quel serait l'équivalent roumain ?) peut parfois assommer, comme assomment souvent les fictions baroques d'un Emir Kusturica. Le récit picaresque aurait également gagné à avoir plus de relief. Mais cette traversée, visuellement accomplie, est suffisamment mordante et surprenante pour marquer.
Mon désir consistait à faire un film sur le passé qui ait quelque chose à dire sur la vie d'aujourd'hui en Roumanie (mais pas seulement). Je voulais également exprimer la difficulter de dépasser le jugement moral qu'on peut avoir envers des gens qui ont vécu il y a des centaines d'années et qui se sont comportés en accord avec les lois de leur temps. C'est, je pense, la principale question du film. Par ailleurs je voulais parler du fait qu'il y a toujours un problème - d'un point de vue philosophique - à affirmer une absolue vérité quand il s'agit d'Histoire.
Des peintures et dessins du 19 ème siècle, plus particulièrement de Raffet. Les films de Hou Hsiao-Hsien. Les westerns de Howard Hawks et de John Ford. Et les premières photographies.
Non, c'était juste un point de vue différent. Le film tente de comprendre l'origine de certains problèmes (l'esclavage des Roms n'est qu'un seul de ces problèmes) et d'interroger le spectateur : ces problèmes sont-ils résolus aujourd'hui ? Les réponses appartiennent au public.
La Roumanie a connu beaucoup de succès en festivals ces dernières années. Vous partagez la même productrice que Mère et fils, l'Ours d'or 2013. Dans quelle mesure souhaiteriez-vous un soutien plus important des autorités ?
Il y a eu un certain soutien de la part des institutions ces dernières années, mais j'ai le sentiment que ce soutien est extrêmement fragile et pourrait disparaître à tout moment. C'est pourquoi je pense qu'il doit être maintenu et développé. Au bout du compte, j'espère qu'il sera plus facile pour les jeunes cinéastes de diriger leurs premiers films.
Non, mais j'aurais beaucoup aimé voir les films de Jafar Panahi et de Patricio Guzman, qui sont deux réalisateurs que j'admire énormément. J'aurais aimé également voir des films du Forum, j'y étais avec mon précédent film et leurs choix de films m'intéressent.
Je prépare un projet qui m'est très cher, une adaptation du roman de Max Blecher Scarred Hearts. Il vient juste d'être traduit en France (sous le titre Cœurs cicatrisés, ndlr). C'est un roman écrit dans les années 30 et qui traite de la maladie, de la mort, de l'amour et de la dignité. Et par-dessus tout ce sera un hommage à ce grand écrivain qu'est Blecher, et qui mérite d'être connu par plus de gens.
D'emblée, la sublime photographie noire et blanche, enchante et rehausse, si besoin était, des paysages d'une exceptionnelle beauté. Le réalisateur s'est inspiré pour ce premier point fort du film des peintures de Raffet.
Aferim ! est un voyage magnifique et cruel dans cette campagne du 19 ème siècle de ce coin reculé de l'actuelle Roumanie. Le long des chemins, dans tous les villages traversés, au beau milieu des forêts ou dans une fête de village champêtre, les rencontres sont truculentes. Parfois violentes, non dénouées d'un humour féroce et grinçant, elles sont traitées sur un ton léger qui tente d'atténuer l'horreur du sujet. Le scénario s'appuie sur des récits et des écrits de l'époque. L'exploitation de l'homme par l'homme avec, entre autres, celle des tziganes maltraités et rendus au rang de simples esclaves. Les femmes en marge de la vie des hommes, ne sont pas mieux loties. Les étrangers rejetés.
"Mon désir consistait à faire un film sur le passé qui ait quelque chose à dire sur la vie d'aujourd'hui en Roumanie (mais pas seulement)." a déclaré le jeune réalisateur roumain, récompensé par un Ours d'argent à la dernière Berlinale. La xénophobie et le racisme de l'époque, résonnent comme autant de rappels dans ce que nous vivons aujourd'hui.
Les dialogues retentissent souvent violemment dans la bouche de l'excellent Teodor Corban. Acteur souvent présent dans les films de Cristian Mungiu, il retrouve à la fin du film Luminita Gheorghiu. Tour à tour proverbes ridicules, humiliations, insultes ou menaces diverses, ils restent l'un des points essentiels du film dans l'écho qu'ils peuvent trouver dans tout ce que nous pouvons constater de nos jours, encore.
Le tour de force du film est là. Dans une mise en scène sans faille aucune, Radu Jude n'impose pas son point de vue. Il laisse le spectateur libre et dans une position inconfortable.
Celle de constater que certaines injustices, dénoncées dans le film, restent cruellement d'actualité.