La cruauté des hommes et de la science
L’ignorance est un danger. De la Tribu Hottentote, Saartjie Baartman va être arrachée par son maître du Cap afin de l’exhiber à travers le monde comme une bête de foire, par appât du gain.
Considérée comme un semi-monstre, elle traîne son corps démesuré comme un fardeau, honteuse d’elle-même et pourtant si voluptueuse; la Venus noire est belle et désarmante.
Son désespoir et sa soumission nous renverse, parfois rebelle, elle tente de garder un peu de de pudeur mais l’alcool va la rattraper pour mieux lui faire oublier la misère de sa situation.
Maltraitée de Londres à Paris et d’un maître à l’autre, elle n’a de cesse d’être humiliée, on veut la toucher, on veut la chevaucher et apprivoiser l’animal. De théâtre miteux aux salons bourgeois, puis aux salons grivois et jusqu’aux maisons closes, elle doit faire son numéro de sauvage et ses yeux débordent de tristesse. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, livrée en pâture aux bêtes sauvages que sont les hommes. La maladie va s’en emparer jusqu’à la mort puis la science va prendre le relais et chercher à comprendre sa morphologie, l’observer, la décortiquer, la disséquer pour finalement ne rien comprendre et nous démontrer le racisme latent de l’Académie de la science en 1817, comparant La Vénus aux peuples des singes.
Une histoire vraie qui prend aux tripes, un destin dérangeant et bouleversant. La cruauté des hommes peut-être sans limite.
Abdellatif Kechiche donne le meilleur de lui même pour l’adaptation de cette tragédie historique, avec un casting de haut vol. Yahima Torres est sublime de tristesse et de lâcher prise. André Jacobs est odieux mais avec un soupçon de tendresse, Olivier Gourmet est encore au sommet de son art, tour à tour manipulateur, gougnafier, libidineux et vénal mais sans l’ombre d’un regret. Belle ambiguité de la comédienne Elina Löwensohn.
Une réalisation haute et en couleurs crues, imprégnée de souffrance et de réalisme. Un film à voir le coeur bien accroché.
Synopsis Télérama Vénus noire : A l’Académie de médecine de Paris, en 1817, l’anatomiste Georges Cuvier fonde des thèses racistes sur l’observation du moulage du corps de Saartjie Baartman. Sept années plus tôt, la Sud-Africaine quittait son pays natal, emmenée par son maître Caezar. Débarquée à Londres, elle est exhibée dans les foires aux monstres et les fêtes foraines de la capitale et impose une seule condition : que le public ne la touche pas. Lorsque l’Institution africaine est mise au courant, elle intente un procès pour esclavagisme à Caezar. Mais le témoignage de Saartjie, qui dit se considérer comme une actrice, disculpe son maître. Ils décident alors de quitter Londres et de partir pour Paris, après avoir fait baptiser Saartjie…
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