Genre: drame
Année: 1970
Durée: 2h20
L'histoire : A Prague, en 1951, un homme est persécuté par le système malgre son passé irréprochable. Sa femme le désavoue en public et il finit par avouer n'importe quoi avant d'etre réhabilité, alors que les chars russes entrent dans la ville.
La critique :
Bienvenue dans le cinéma coup de poing et polémique ! Celui de Costa-Gavras, un réalisateur franco-grec, qui suscite souvent les anathèmes de la part de certaines critiques et de la presse cinéma. Des films tels que Z, Music Box, La main droite du diable, Mad City, Le Couperet, Eden à l'Ouest et dernièrement Le Capital en 2012 ont assis sa notoriété.
Vient également s'ajouter L'Aveu, sorti en 1970. Sur la Toile, il existe tout un débat pour savoir quel est le chef d'oeuvre ("ultime") du réalisateur. Les avis sont partagés entre Z et L'Aveu. Personnellement, ma préférence va pour le second. C'est d'ailleurs pendant le tournage de Z que Claude Lanzmann évoque le roman d'Artur Landon, donc L'Aveu. Le livre intéresse immédiatement Costa-Gavras qui décide d'adapter l'opuscule au cinéma.
Le cinéaste fait à nouveau appel à Yves Montand (qui tenait déjà le rôle principal dans Z). L'acteur adhère lui aussi au projet. Z ayant rapporté un joli succès, Costa-Gavras réalise L'Aveu l'année suivante. Le but du cinéaste est de dénoncer tous les totalitarismes, de droite comme de gauche. Au moment de sa sortie, L'Aveu est honni et voué aux gémonies.
Conspué et répudié par certains intellectuels communistes, le film dérange et interroge. Plus de vingt après la sortie de 1984, le célèbre roman de Georges Orwell, L'Aveu actualise à sa manière la police de la pensée. Le Big Brother impérial et autoritaire de l'Océanie se transmute ici en régime autocratique à Prague, la capitale de la Tchécoslovaquie. A l'instar de Z, L'Aveu connaît lui aussi un immense succès.
Le long-métrage de Costa-Gavras suscite à nouveau les débats et les invectives. Le film devient un véritable phénomène culturel et politique. Hormis Yves Montand, la distribution du film réunit Simone Signoret, Michel Vitold, Gabriele Ferzetti, Jean Bouise et Sacha Briquet. Attention, SPOILERS ! À Prague, en 1951, un haut responsable du régime communiste tchécoslovaque, se retrouve accusé d'espionnage au profit des Etats-Unis. Tout est fait pour lui extorquer des aveux de crimes qu'il n'a pas commis.
Brisé par la torture, il finit par avouer au tribunal des crimes qu'il n'a pas commis en récitant un texte d'aveux que ses bourreaux lui ont fait apprendre par cœur. On veut l'obliger à se dire partisan de Tito, dirigeant communiste yougoslave, ou de Trotski, tous deux étant des ennemis notoires de Staline.
Après sa réhabilitation en 1956, il émigre vers la France et, s'il condamne le stalinisme, il reste fidèle à l'idéal communiste de sa jeunesse. Mais il se rend compte que même après la mort de Staline, l'URSS et les démocraties populaires ne sont pas aussi libres qu'il l'imaginait et qu'il le voulait. Revenant en Tchécoslovaquie à l'occasion du Printemps de Prague, il assiste, le jour même de son arrivée, à l'invasion du pays par le Pacte de Varsovie. Avec L'Aveu, Costa-Gavras poursuit sa dénonciation des dictatures. Très vite, le film a le mérite de présenter les inimitiés.
Alors qu'il se promène dans les rues de Prague, Anton Ludvik (Yves Montand) est kidnappé par plusieurs hommes. Anton est fait prisonnier dans un endroit qu'il ne connaît pas.
Claquemuré dans une cellule exigüe et vermoulue, l'ancien responsable du régime communiste tchécoslovaque est soupçonné de félonie. Il serait trotskiste et un espion à la solde des Etats-Unis. Les interrogatoires se multiplient. Affamé et déshydraté, Anton est régulièrement sermonné par des gardes-chiourmes omnipotents et atrabilaires.
Ces derniers le forcent à marcher sans arrêt pendant de longues heures, inlassablement. La moindre pause est immédiatement sanctionnée. A tout moment, Anton est réveillé et de nouveau questionné sur ses anciennes activités. Certes, l'ancien responsable politique n'a rien à se reprocher. Pourtant, ses tortionnaires cherchent à le rendre fou. Au bout de plusieurs mois, Anton n'est plus que l'ombre de lui-même.
Le visage hâve et harassé, il finit par avouer n'importe quoi et par signer des déclarations, même les plus pittoresques. De son côté, sa femme trouve un emploi dans une usine et assiste béate au procès de son mari et d'autres responsables politiques. Evidemment, toute cette mascarade n'est qu'un leurre. Mais peu importe, il faut amadouer la population.
Plusieurs peines de morts sont nûment prononcées. Certains anciens dirigeants sont condamnés au gibet. Par chance, Anton échappe à la sentence suprême. Autant le dire tout de suite : L'Aveu est un film coup de poing qui interroge et dérange. Costa-Gavras convie le spectateur à partager le long supplice de son personnage principal. Artur Landon se retrouve transformé en Anton Ludvik. Cependant, les initiales du héros (A.L.) ont été conservées.
Réduit à quia et à un vulgaire cacochyme, Anton Ludvik ne porte plus de nom, mais un matricule, le numéro 3225, qu'il répète à satiété à ses gardes. Réalisé comme un documentaire, L'Aveu se veut impersonnel, sombre, froid, distant et terriblement amer. Le long-métrage contient plusieurs séquences d'une violence inouïe. C'est par exemple le cas de cette pendaison simulée.
Invité sur la potence, Anton subit les quolibets de ses assaillants. La corde au cou, les pieds sur un socle minuscule, l'homme se débat, tressaillit, gesticule, mais finit par être libéré sous les rires et les épigrammes. Néanmoins, dans L'Aveu, la violence est toujours psychologique. Il est d'ailleurs assez surprenant que le film n'ait pas bénéficié d'une interdiction.
Que les choses soient claires : le long-métrage s'adresse à un public particulièrement averti. Le regard émacié et famélique d'Yves Montand noie littéralement la caméra de Costa-Gavras. La narration du film est racontée par Anton Luvik lui-même. Sa confession est entendue par quelques intéressés (visiblement des journalistes) qui s'emparent de l'affaire presque quinze ans après les faits.
Mais le monde est-il prêt à entendre les tortures commises par le régime communiste ? Toujours est-il que le film se conclut sur la phrase suivante : "Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous". Costa-Gavras réalise donc un drame poignant qui peut s'appuyer sur l'extraordinaire composition d'Yves Montand. Probablement son plus grand rôle au cinéma. Bref, en quelques mots, un véritable uppercut cinématographique !
Note : 20/20