Trouver une structure : exemple pratique – part 1

Par William Potillion @scenarmag

Au départ du processus de création, il y a 8 questions à se poser.

  1. Qui est le protagoniste ?
  2. Quelle est la situation du protagoniste au début du récit ?
  3. Qui ou Quoi est l’antagoniste ?
  4. Quel événement sert d’incident déclencheur ?
  5. Quelle est la question (ou action) dramatique du protagoniste ? Il s’agit de cette part d’incertitude qui entoure le héros : va-t-il réussir ou échouer ? Vous devez travailler sur la nature de ce doute, définir ce qu’il doit résoudre afin de retrouver un équilibre.
  6. Quelle est la question (ou action) dramatique de l’antagoniste ? A l’instar du protagoniste, une question dramatique enveloppe le méchant (quelque soit sa forme). Va t-il réussir à nuire au protagoniste ? Vous devez déterminer ses raisons afin de construire sa propre question dramatique.
  7. Comment le protagoniste parvient-il à résoudre sa question (ou action) dramatique ?
  8. Avez-vous quelques images ou idées à l’esprit, même lointaines, quant au climax ? et à la fin de votre histoire ?
Qui est le protagoniste ?

Généralement (surtout pour un court-métrage), il est plus simple de n’avoir qu’un seul protagoniste afin de faciliter l’identification du lecteur avec celui-ci. En effet, le travail d’un auteur consiste à stimuler la compassion de son lecteur envers un personnage. Le format du court-métrage ne laisse dans ce cas que peu de place pour créer une distanciation afin que le lecteur puisse répartir son engagement envers plusieurs personnages.

Avant de continuer la lecture de cet article, nous vous conseillons instamment de lire notre série d’articles concernant l’intrigue :
QUESTIONS D’INTRIGUE

car nous allons utiliser comme exemple pratique l’histoire de Dédale et d’Icare. Vous constaterez ainsi tout comme nous l’avons mentionné dans notre série (Questions d’intrigue) que nous pouvons utiliser comme source pour notre propre histoire, un matériel mythique – bien que les mythes ne soient pas la seule source d’inspiration.

Rappel du matériel utilisé :
Dédale était à la fois un artiste renommé et un brillant architecte et inventeur. Perdix, la sœur de Dédale, place son fils Talos comme apprenti auprès de son frère. Mais Talos se révèle très vite très talentueux. Dédale en conçoit une vive jalousie et dans un accès de colère précipite son neveu du haut de l’Acropole.

Pour éviter d’être châtié pour ce crime, Dédale s’enfuit en Crête avec son jeune fils Icare. Minos, Roi de Crête qui lui donna asile, lui confia alors la construction du Labyrinthe.
Le Labyrinthe était destiné à enfermer le Minotaure, un monstre sacré (cadeau de Poséïdon à Minos) à tête de taureau et à corps d’homme et doué d’un appétit certain pour la chair humaine.

Plusieurs raisons (selon les auteurs) ont été données à Minos dans sa décision de mettre à l’écart Dédale et Icare. Quoiqu’il en soit, Dédale imagina un stratagème génial (non sans peine) pour s’évader en façonnant des ailes maintenues avec de la cire pour Icare et lui-même.
Dédale prévient Icare de ne pas voler trop haut sinon Apollon fera fondre la cire. Mais grisé par le vol, Icare oublie les recommandations de son père et malgré les supplications et les cris de celui-ci monte de plus en plus haut jusqu’à ce que la chaleur du soleil fasse fondre ses ailes le précipitant dans la mer où il meurt.

Voilà, ce sera notre matériel de base pour élaborer notre propre histoire.
La première chose à se demander lorsque l’on possède ainsi de la matière qui n’attend que d’être pétrie, c’est de savoir quel sera le protagoniste de notre histoire.
Notre scénario sera-t-il au sujet d’Icare ou de Dédale ? L’un comme l’autre sont intéressants voir fascinants.
Souhaitons-nous conter l’histoire d’un audacieux et volontaire exilé, inventeur génial, qui sut concevoir un moyen ingénieux de s’évader avec son fils de la prison où ils étaient enfermés et ce faisant, mena à la mort son propre fils ?
Ou préférons-nous aborder cette histoire selon le point de vue d’Icare, presque aussi audacieux et volontaire que son père mais dont la jeunesse et l’impétuosité l’ont mené à sa propre mort ?

Ce sont deux personnages principaux dans cette histoire dont les actions décrivent deux intrigues différentes. Puisqu’il nous faut une intrigue principale, l’un de ces deux personnages doit devenir central à l’histoire, donc en être le protagoniste.
Nous choisissons Icare.

Quelle est la situation d’Icare au début du script ?

Notre projet est celui d’un court-métrage. Loin d’en être une gageure, ce format nous donne la liberté de plonger droit au cœur des choses. Ainsi, notre scène d’ouverture nous montrera Icare et son père enfermés dans leur cellule. Il semblera d’ailleurs que cela fait déjà un petit moment, une impression que nous pouvons communiquer par les comportements des deux hommes, installés dans une sorte d’habitude des lieux.

Cette exposition du protagoniste doit permettre au lecteur de découvrir par lui-même quel type de garçon est Icare et comment il vit son emprisonnement. Pour ce faire, il faudra montrer certains détails révélateurs de sa vie au quotidien dans sa prison. Mais cela a aussi une importance cruciale pour la suite de l’histoire. Il faut que le lecteur comprenne l’ivresse du vol qui s’empare d’Icare. Cette connection sur le plan émotif sera mise en regard avec la désespérance qu’éprouve Icare, l’étouffement qu’il ressent entre les murs de sa cellule.

Pour répondre à cette seconde question, nous partirons du fait qu’Icare est emprisonné depuis quelques temps déjà. Si nous visualisons la scène, nous pouvons mettre en avant le désœuvrement d’Icare alors que son père est occupé à concevoir les ailes (dont il n’a probablement pas encore fait mention à son fils). On peut montrer Icare collectant les plumes des oiseaux ramassées ici et là dans la cour de la prison.

A suivre…