Il y a 30 ans, le public américain découvrait sur les écrans de cinéma une bande de jeunes dépareillée : un surdoué, une reine de promo, un délinquant, une détraquée et un athlète. A travers l’histoire de cinq adolescents, cinq stéréotypes que tout oppose et qui partagent un samedi de retenue, John Hugues avait renvoyé aux adolescents de 1985 une image de ce qu’ils connaissaient, ce qu’ils vivaient : la pression sociale de l’entourage, les attentes des parents et des adultes, le sentiment d’être incompris, le besoin d’être reconnus.
The Breakfast Club a tellement marqué les esprits qu’il est encore aujourd’hui ultra-référencé au cinéma et à la télévision, en particulier dans les films ou séries qui s’adressent aux adolescents. A la télé, on trouve des références dans Community, Gossip Girl, Glee ou encore Dawson ; récemment au cinéma, le film était cité dans Easy A ou Pitch Perfect. Ces références se font sous la forme mentions du film par des personnages -écoutez bien Abed dans la saison 1 de Community– ou les scènes-hommages qui en reprennent le scénario.
Le film culte de John Hugues n’est pas l’oeuvre fondatrice du genre du teen-movie, mais elle en est sans aucun doute la plus iconique. Il correspond plus ou moins à une sorte d’âge d’or. C’est en effet dans les années 80 que le genre se développe, que les codes se fixent, que les sous-genres apparaissent. C’est aussi facilement aux films de cette décennie que l’on pense lorsqu’on parle de teen-movie.
Aujourd’hui les films du genre sont nombreux sur les écrans. Si les codes sont toujours présents, les limites se sont élargies, et ils prennent peu à peu de nouvelles formes. On en trouve depuis les années 90 de plus en plus d’avatars à la télévision. Ce genre est par ailleurs encore souvent méprisé par la critique : il a pourtant donné lieu à des chefs-d’œuvres. C’est ce que nous allons essayer de vous montrer cette semaine.
Un genre extrêmement codifié : les « passages obligés » des teen-movie
Mais pour commencer, un première question, pas des moindres, qu’est-ce qu’un teen-movie ? La définition généralement retenue est celle d’un film qui parle d’adolescents, qui s’adresse à eux, et qui est joué par des adolescents ou jeunes adultes. On trouve en majorité des héros, mais les héroïnes sont loin d’être absentes. Elles sont d’ailleurs souvent un peu plus malines que leurs équivalents masculins. Le personnage principal est en général blanc, voire WASP (White Anglo-Saxon Protestant), et à quelques exceptions près, comme Ferris Bueller, il ou elle ne fait pas partie des « populaires », en tout cas au début. Les héros ou héroïnes ont très souvent entre 13 et 19 ans (la période teen en anglais), et on suit leur parcours individuels ou en groupe. Il s’agit d’un parcours initiatique qui passe par des moments-clés stéréotypés.
On reconnaît en effet un teen-movie à plusieurs « passages obligés » du scénario. D’abord, les personnages sont extrêmement stéréotypés. Le principe même du Breakfast Club repose sur ces stéréotypes : le sportif, la princesse, le nerd, le ou la rebelle, le freak sont présents partout. Dès la bande d’American Graffiti en 1974 on retrouve ces types : Steve est le président de classe sportif et populaire, son ami Curt est le boy next door un peu perdu, un peu amoureux, John est le rebelle qui fait des courses de voitures, et Toad le nerd maladroit avec les filles et en société.
Dans les teen-movies, bien souvent, les jeunes se déplacent en bande. On a ainsi droit dans beaucoup de cas à une scène d’introduction des groupes et des rôles sociaux. Souvent, le héros ou l’héroïne vient d’arriver dans le lycée et l’université, et un gentil garçon ou une gentille fille (qui aspire à plus de popularité et place beaucoup d’espoir sur le/la nouvel-le élève pour l’aider) se charge de lui présenter les castes. Les filles populaires, la bande de sportifs (joueurs de football américain, de basket ou nageurs), les fumeurs, les geek, les rebelles, les musiciens… Dans certains films on trouvera même des variantes ethniques ou religieuses : les Afro-américains, les Juifs, les Asiatiques, les Latinos, etc.
10 bonnes raisons de te larguer (Gil Junger, 1999) en est un excellent exemple : un plan séquence suit Michael (David Krumholtz) et Cameron (Joseph Gordon-Levitt) qui évoluent au milieu des différents groupes, le premier expliquant qui est qui au deuxième. Le plan se coupe quand la caméra se concentre sur la belle Bianca (Larisa Oleynik) quand elle entre dans le champ de vision de Cameron. Il en tombe évidemment amoureux sur le champ (voir vidéo ci-dessous à partir de 3’28).
Car la romance est bien évidemment souvent l’un des points central du teen-movie, qu’il s’agisse de sentiments ou simplement d’une envie de perdre sa virginité. La première relation sexuelle est par exemple au coeur de films comme Ça chauffe au lycée Ridgemont (Amy Heckerling, 1982) ou SuperGrave (Greg Mottola, 2007). Le premier est centré sur une fille et le deuxième sur deux garçons, et trente ans les séparent : pourtant on retrouve les mêmes préoccupations chez les personnages, et des scènes comparables où l’un des protagonistes reçoit des conseils « éclairés » pour réussir sa première fois.
Lorsque l’on a affaire à un héros, il sera souvent un timide, un geek ou un rebelle qui se découvre un cœur qui bat pour la jolie fille, la première de la classe ou la chef des pom-pom girls, qui sort avec le capitaine de l’équipe de football. Quant à l’héroïne, elle soupire après le beau gosse sportif ou artiste, et finit soit par sortir avec lui, soit par découvrir que son meilleur ami d’enfance est bien plus intéressant. Les scénarios évoluent bien sûr selon les films, mais les relations amoureuses suivent souvent un chemin empreint de clichés. Alors même que les sentiments sont au coeur de nombre de teen-movie, ils sont généralement assez superficiels : Seize bougies pour Sam (John Hughes, 1984) raconte ainsi comment la jeune Sam « tombe amoureuse » du beau gosse du lycée, et réciproquement, alors qu’ils n’échangent quasiment aucun mot.
Mais revenons sur les codes. En dehors des ados-types, on retrouve les adultes. Souvent absents dans le cas des parents, ils sont aussi des adversaires comme le principal Ed Rooney dans La folle journée de Ferris Bueller (John Hughes, 1986), qui cherche à tout prix à ramener Ferris (Matthew Broderick) au lycée lorsqu’il décide de sécher. Ils peuvent, plus rarement, être des alliés : des mentors dans les films sportifs ou musicaux, ou bien des grands ados comme les deux policiers tarés de SuperGrave.
Les lieux sont extrêmement importants dans les teen-movie : il y a bien entendu le lycée ou l’université, épicentre de l’action, où l’on voit une salle de classe, la cour de récréation, le couloir avec les casiers ou le réfectoire… La maison et notamment la chambre du protagoniste sont très importants, tout comme les lieux de sociabilisation : le bar, le dinner, le cinéma, le centre commercial (mall en anglais).
Scène de déjeuner dans Mean Girls (2004)
Les « passages obligés » sont aussi des objets, de la musique (la naissance des teen-movie et leur développement correspond à la naissance et l’expansion du rock), et surtout des moments-clés : la rentrée, la nuit, la fête dans une maison, le bal de fin d’année, le cours, le déjeuner à la cantine, la sortie au mall ou au dinner, la première fois, les rencontres…
Le bal est un moment particulièrement essentiel dans beaucoup de scénarii. Que ce soit le lieu où tout dérape dans Carrie au bal du diable (Brian de Palma, 1976), où tout est révélé dans 10 bonnes raisons de te larguer, ou bien où Marty « invente » le rock dans Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985), il s’y passe toujours des choses capitales. American College (John Landis, 1978) a plus ou moins fixé la variante des fêtes universitaires, avec la toga party. Le bal de promo est d’ailleurs l’un des éléments de la culture américaine qui est de plus en plus demandé par les adolescents français : sans doute l’importance de cet évènement dans les films n’est-il pas étranger à cette envie.
Un genre intrinsèquement lié à la notion d’adolescent
Le genre du teen-movie naît en même temps que la classe d’âge à laquelle il s’adresse : celle des adolescents, des teenagers. La notion d’adolescent est relativement récente et apparaît au XIXe siècle, quand on commence à nommer cet état entre l’enfance et l’âge adulte. Ce n’est qu’à partir des années 50, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, que les adolescents baby-boomer obtiennent un véritable pouvoir d’achat, et que la société s’inquiète de leur bien être… ou des troubles potentiels qu’ils pourraient causer.
Les premiers films pour et sur des adolescents apparaissent dans les années 50 : La fureur de vivre (Nicholas Ray, 1955) ou Les troupes de la colère (Barry Shear, 1968) montrent ainsi des jeunes rebelles, qui n’arrivent pas à s’intégrer à la société. L’après-guerre est empreint aux Etats-Unis d’une « peur » du délinquant, celui qui ne rentre pas dans les rangs.
James Dean dans La Fureur de vivre (1955).
Ces drames sont contrebalancés par un sous genre qui fera long feu, le beach movie, des comédies qui traitent des préoccupations adolescentines de façon assez superficielle. Les films musicaux apparaissent aussi : le King Elvis en fait toute une série pour assurer sa promotion musicale. Mais Elvis est un adulte, éloigné des questionnements des jeunes, et ses films ressemblent plus à de longs clips.
Les années 60, alors même que les jeunes se font de plus en plus entendre à travers la contre-culture hippie et les protestations contre la guerre, sont assez pauvres en matière de films pour adolescents. Peut-être peut-on considérer West Side Story (Robert Wise et Jérôme Robbins, 1962) comme une sorte de teen-movie : on y retrouve la scène de danse, les bandes de jeunes et la love story. Mais le propos du film porte plus sur les difficultés des classes immigrées à réaliser leur american dream et atteint un public plus large que celui des adolescents. Beaucoup de teen-movie cultes se déroulent pourtant dans les années 60 (American Graffiti, Grease, American College, Porky…). Cela n’est guère surprenant : les premiers grands réalisateurs de teen-movie sont tous de cette génération de baby-boomer, ados dans les 60s, adultes et prêts à faire des films dans les 70s.
Le film que l’on considère comme véritablement fondateur du genre en est le parfait exemple. En 1973, le jeune George Lucas réalise American Graffiti. Ouvertement autobiographique, le long-métrage raconte la dernière soirée d’une bande de copains qui viennent d’être diplômés du lycée et vont quitter leur petite ville. Cette ville, c’est Monsanto, celle où Lucas a passé son adolescence. Et il raconte exactement ce qu’il y a vécu dans ces années-là : les balades en voiture à travers la ville pour épater les filles, les passages au dinner avec les copains, les soirées dansantes…
De nombreux dinner américains sont nommés d’après le Mels drive-in d’American Graffiti (1973).
Avec ce film, Lucas esquisse les codes. Ils seront fixés par American College (National Lampoon’s Animal House en VO) de John Landis en 1978 : les personnages, les décors, les scènes et les thématiques seront repris partout. Enfin, Ça chauffe au lycée Ridgemont (Amy Heckerling, 1983), l’un des premiers à avoir une héroïne pour protagoniste, confirme le succès… et les codes du genre.
Ces trois longs-métrages connaissent des succès considérables qui persuadent les producteurs d’Hollywood que le teen-movie est rentable : peu de coût, et beaucoup de recettes, c’est tout bénèf’. L’apparition d’un pouvoir d’achat adolescent est extrêmement important pour expliquer ce succès. Le genre naît en phase avec le groupe social et ses références culturelles propres. Et les ados des 70s dépensent allègrement leurs sous en vêtements, musique, comics et films qui leurs sont dédiés. Le rôle du mall, le centre commercial, est d’ailleurs très important dans la formation de cette classe d’âge et dans le développement du teen-movie. Dès les années 50, les produits destinés aux ados (musique, films, vêtements…) se trouvent tous au mall. Et les ados américains découvrent American Graffiti, The Breakfast Club ou Carrie au bal du diable dans les multiplex… des centre commerciaux.
Les années 80 sont une sorte d’âge d’or pour le teen-movie : on assiste à une explosion du nombre de films pour adolescents, et l’affirmation de figures phares. Des cinéastes comme John Hugues, Cameron Crowe, Amy Heckerling ou même Francis Ford Coppola en réalisent, scénarisent et/ou produisent un certains nombre. Et des acteurs s’en font une spécialité : l’Amérique découvre les tous jeunes Sean Penn, Tom Cruise Nicholas Cage et autres membres du brat pack, mais aussi John Cusack, Demi Moore ou Forest Whitaker. Certains, comme Molly Ringwald, star des films de John Hugues, auront du mal à poursuivre une carrière. Mais beaucoup connaissent encore aujourd’hui une carrière florissante.
Les années 70 et 80 voient aussi la naissance de sous-genres : le teen-angst (centré sur des individus, qui cherchent leur place dans la société : John Hugues en fait sa spécialité), l’horreur (avec Carrie au bal du diable), la SF (Retour vers le futur utilise tous les codes du teen-movie), le film musical (Grease en 1978, Fame en 1980), la college comedy (film qui se déroule à l’université ou au lycée, dont le pionnier est American College), la sex comedy (marquée par l’humour gras et l’obsession du dépucelage, elle commence avec Porky’s en 1982), le film sportif (Karate Kid, 1984).
Le succès est confirmé dans les années 90 et 2000, et les sous-genres sont explorés dans tous les sens. Ainsi le slasher s’impose avec Scream, American Pie perpétue la sex comedy, et Disney lance toute une série de teen-movie musicaux, ciblés sur les plus jeunes et reprenant les mêmes acteurs : High School Musical, Camp Rock, etc. Les films qui réutilisent des classiques de la littérature se multiplient : le génial Clueless est une adaptation d’Emma de Jane Austen, 10 bonnes raisons de te larguer reprend La Mégère apprivoisée de Shakespeare et Sexes Intentions est un hommage aux Liaisons Dangereuses. La littérature jeunesse destinée aux filles (Quatre filles et un jean, Le journal intime de Georgia Nicholson, Journal d’une princesse…) est aussi de plus en plus adaptée, et touche un public plus jeune.
Ce sont par ailleurs les décennies où les personnages féminins se développent, sont moins caricaturaux et prennent de l’importance : Lolita malgré moi avec Lindsay Lohan montre des filles certes pestes, mais très intelligentes, et Easy Girl met en scène Emma Stone dans un rôle très intéressant. Cela correspond bien sûr à une évolution de la place des femmes dans la vraie vie, plus riche et moins effacée que dans les décennies précédentes.
Un genre aux frontières floues et aux sujets divers
Les codes du genre sont donc facilement identifiables, et applicables à la plupart des teen-movie. Lorsqu’on tente de définir le teen-movie, deux questions prêtent toutefois à discussion. Tout d’abord, le teen-movie ne peut-il être qu’américain ? Le système très codifié du genre correspond, il est vrai, au système scolaire américain lui-même très codifié. Cependant, on retrouve des équivalents en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suède…
Pour ne parler que des productions hexagonales, La Boum, À nous les petites Anglaises, Diabolo Menthe, ou plus récemment Les Beaux gosses et LOL répondent ainsi assez bien aux critères du genre. Ce qui change le plus, c’est bien sûr le type d’humour, mais aussi le rôle des parents (ceux de Vic dans La Boum sont très présents, on ne verra jamais ceux des héros de Ça chauffe au lycée Ridgemont), le traitement de la sexualité et de la vie quotidienne, et le type de scénario. Les codes de la vie quotidienne américaine sont bien sûr moins présents dans les films français, même si on peut retrouver des choses similaires : la scène de café dans Diabolo Menthe ou des soirées entre ados dans les deux épisodes de La Boum (c’est après tout le titre du film).
La question de l’humour est aussi centrale lorsque l’on tente de définir le teen-movie. Il est au cœur de films comme La folle journée de Ferris Bueller ou, en plus gras, American Pie. American Graffiti, l’un des films fondateurs du genre, est loué par la critique pour ses moments drôles.
Mais on ne peut limiter les teen-movie à de seuls films humoristiques. Le sous-genre du teen-angst par exemple, est loin de montrer un enchaînement de gags. On nous montre des héros un peu perdus dans cet entre-deux qu’est l’adolescence, et ce n’est pas si drôle. Ces dernières années, le teen-angst a donné naissance à des petits bijoux : Le Monde de Charlie ou Cet été-là sont d’excellents teen-movie, qui mêlent habilement humour et mélancolie de la jeunesse.
Par ailleurs, un certains nombre de films, en marge du genre, dépassent la comédie et le seul public adolescent. Sofia Coppola avec Virgin Suicide, Gus van Sant avec Elephant, Larry Clark avec Kids ou encore Harmony Korine avec Spring Breakers s’intéressent aussi aux jeunes, mais d’une façon moins légère : ils posent la question de la place des jeunes dans la société, et s’adressent aussi bien à eux qu’aux adultes qui en sont responsables.
Le film Elephant de Gus Van Sant fait allusion à al tuerie de Columbine.
Un genre qui marche par l’identification
L’adolescence des teen-movie est donc cet état, entre 13 et 19 ans, entre l’enfance et l’âge adulte. C’est l’âge « entre-deux », celui des découvertes, des expériences, celui de la formation. Cela se traduit dans le films par les passages obligés dont on parlait plus haut, comme des rites initiatiques qui jalonnent le parcours initiatique du protagoniste. Au cœur de l’intrigue, il a généralement pour thème la découverte de l’amour, du sexe, l’accès à la popularité (Lolita malgré moi), ou la transgression. Ou tout ça à la fois. Les rites de passages officialisés n’existent plus dans nos sociétés occidentales, il faut donc en trouver une nouvelle forme pour passer à l’âge adulte. Vêtements in, première cigarette, première fois, capacités à danser… Les versions sont diverses.
L’accès à l’âge adulte est finalement au cœur du teen-movie. Et c’est finalement pour cela que ça fonctionne. Les années d’adolescence sont une période cruciale dans la vie, celles où l’on forme sa personnalité, où l’on fait des choix, où l’on rêve et on idéalise encore. C’est à la fois la période de tous les possibles, et de toutes les difficultés. Comment trouver sa place et son rôle dans un monde de plus en plus grand, de plus en plus effrayant, alors que le corps change, que les sentiments perturbent et que l’avenir est incertain ? Comment s’intégrer socialement, comment trouver des gens avec qui s’entendre alors que les autres évoluent différemment, que les relations changent toutes les semaines ? Comment grandir, aller vers l’inconnu, alors que l’enfance et la jeunesse sont si confortables et familières ?
Au début d’American Graffiti, Steve s’agace devant le souhait de Curt de rester dans leur ville natale :
You just can’t stay seventeen forever…
Tu ne peux pas avoir dix-sept ans toute ta vie… C’est ce que l’adolescent s’entend dire à tout moments par la société qui l’entoure : grandis, fais des choix. À la fin du film de Georges Lucas, Steve sera celui qui reste tandis que Curt s’en va : l’espace d’une nuit les rôles ont été intervertis. Façon de montrer l’incertitude et les changements constants de la jeunesse.
La nostalgie est omniprésente dans les teen-movie, dès le début donc : ce n’est pas anodin. Plus que des films sur les adolescents pour les adolescents, ce sont des films sur une adolescence un peu fantasmée, par des adultes qui y aurait sans doute bien passé un peu plus de temps, et qui s’adressent aussi bien aux adolescents qu’à ceux qui se souviennent de cette période de leur vie. C’est aussi une manière, pour le réalisateur comme pour le spectateur, de prendre une revanche sur cette époque parfois difficile, en se rêvant le temps d’une heure et demie héroïne ou héros, prêt-e à vaincre les difficultés et conquérir l’être aimé. Le teen-movie fait écho à ces sensations de liberté, de « tout est possible » et concrétise les rêves des ados.
Si le teen-movie marche si bien, c’est qu’il est atemporel, surtout quand il est bien fait. Michael Atlan le dit très bien dans son bel article sur Slate.fr, « Voici venu le nouvel âge d’or des teen-movies« , en évoquant les films des années 80 :
Je trouvais, à leur côté, conseils et réconforts. A eux, je pouvais m’identifier car ils étaient comme moi. Ils avaient les mêmes préoccupations, les mêmes doutes, les mêmes peurs, les mêmes désirs.
Eux, ce sont les teen movies.
Le teen-movie est un miroir, un endroit familier, rassurant. Il aide à se rendre compte que l’on est pas tout-e seul-e, que tout le monde passe par là. Il donne l’impression que tout est possible, que tout ira bien, un jour, que même les plus nerd peuvent réussir. Il offre des solutions réconfortantes aux questionnements incessants. Il aide à dire au revoir à cette partie de la vie pour se tourner vers le futur.
En cela, Saint Elmo’s Fire, alors qu’il met en scène des jeunes adultes fraîchement sortis de l’université, est l’un des teen-movie les plus importants. Il montre que le passage à la vie d’adulte est difficile : il faut faire le deuil de ses idéaux, quitter ses amis et sa ville, remettre en question ce que l’on connaissait. Et pourtant, malgré les séparations, malgré les disputes entre les amis jusqu’alors inséparables, malgré les échecs et les désillusions, la fin ne manque pas d’espoir. Oui, le coming-of-age, devenir adulte, est difficile. Mais bien entourés, avec des rêves en tête et des possibilités à l’infini, on en est tous capables.