Jonathan Demme, le réalisateur de Le silence des agneaux, qui fit ses débuts dans le cinéma de genre, notamment avec Cinq femmes à abattre aux côtés de Roger Corman, et qui marqua l’histoire du cinéma avec le très engagé Philadelphia (qui valu un oscar à Tom Hanks dont on avait parlé dans la chronique rétro sur Forrest Gump), revient cette année, entre deux documentaires tout aussi militants, avec Ricki and the flash, une comédie musicale aux accents dramatiques mais teintée d’espoir à propos du remords et du pardon.
Ricki Rendazzo (Meryl Streep que l’on avait vu dans l’émouvant Un été à Osage County dont la thématique est assez proche), une rockeuse qui rêvait de devenir une grande star a tout sacrifié à sa carrière. Y compris le couple heureux qu’elle formait avec Pete Brummel (Kevin Kline), son ex-mari et l’éducation de ses enfants Julie (Mamie Gummer, fille de Merul Streep également à la ville), Joshua (Sebastian Stan) et Adam (Nick Westrate). Alors que Julie entame une profonde dépression suite à son divorce, Pete lui demande de revenir quelque temps pour s’occuper de sa fille. Des retrouvailles douloureuses débutent.Julie (Mamie Gummer), Ricki Rendazzo (Meryl Streep) et Pete Brummel (Kevin Kline)
Ricki and the flash commence dans l’ambiance feutrée d’un bar perdu sur une route américaine. Dans la salle, une dizaine d’habitués attendent l’idole locale, Ricki Rendazzo, qui s’est installée ici avec son groupe depuis une dizaine d’année. Les rêves de gloire semblent bien loin et pourtant, chaque soir, le groupe électrise la petite troupe de badauds. La petite troupe de rockers brosse aussi le public dans le sens du poil avec une rhétorique réactionnaire et des petites blagues sur Obama parfaite pour satisfaire le redneck de base. Bien qu’on apprécie grandement cette ambiance de pub, qu’après tout c’est aussi sur ces scènes-là qu’on a peut-être connu les meilleurs moments, cette atmosphère de banquet républicain nous a déconcerté dans un premier temps. Heureusement, la bande originale forte agréable contrebalançait cet effet. Il faut noter que c’est un vrai groupe qui interprète les chansons et que Meryl Streep, coutumière du fait dans The Last Show, Mamma Mia ! et Into the Woods, Promenons-nous dans les bois, chante en direct, accompagnée de Rick Springfield (interprète de Greg), véritable rockeur qui connut son heure de gloire avec le tube Jessie’s Girl en 1981. Ricki (Meryl Streep) et Greg (Rick Springfield)
C’est, paradoxalement, à travers les voix dissonantes de ses enfants, qu’elle considère comme des nouveaux riches boboïsants, que le discours réactionnaire de la rockeuse va connaître quelques contrariétés. Elle vit comme une hippie et pourtant elle a voté deux fois Bush pour « soutenir les troupes » lui reproche son fils Adam, bobo branché, dont elle ne supporte pas l’homosexualité. C’est une des très bonnes idées de Ricki and the flash, faire dialoguer une mère libertaire de droite avec ses enfants bourgeois de gauche. Les valeurs se troublent et rendent le sujet plus complexe. A l’image des apories qui émergent en Ricki et tendent la deuxième partie du film, qui s’oriente vers le drame familial, vers un contenu plus intéressant et, finalement, très touchant. Car il s’agit là de délaisser les apparences pour retrouver un sens à la famille. D’un côté, la marginale doit affronter ses contradictions, mère aimante et à la fois absente, ayant soif de liberté mais que la société rappelle à ses obligations. De l’autre, ses enfants doivent faire la part de leur rancœur et accepter le choix courageux d’une mère qui a refusé, d’une certaine manière, les obligations castratrices de la norme. Les pièces « rapportées » que constitue Maureen (Audra McDonald), la nouvelle femme de Pete et Greg, l’amant de Ricki apportent de la profondeur et de la complexité à des histoires familiales complexes et souvent, en grande partie, fantasmée par tous les protagonistes.
Maureen (Audra McDonald) et Pete Brummel (Kevin Kline)
Porté par le choix audacieux de créer un vrai groupe pour l’occasion, ce qui, indéniablement donne immédiatement une âme à son projet, Jonathan Demme réalise une fresque poignante d’une femme libérée et d’une famille à la fois aimante mais secouée par des interprétations diverses des événements. La somme des individualités créant un maelström de sentiments dans lequel il devient difficile de trouver sa place sans prendre le temps d’écouter l’autre.
Boeringer Rémy
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