Kamikaze, le dernier assaut est encore une perle étrangère qui n’aura pas la chance d’une sortie française en salle. A défaut, l’éditeur Condor Entertainment que vous pouvez retrouver sur Facebook, a sorti le dernier film de Takashi Yamazaki en DVD, le 24 août 2015, réparant une fois de plus la distribution lacunaire d’éditeurs frileux. Sur votre étagère, il pourrait bien rejoindre un top des films de guerre pourvu que la psychologie et les enjeux priment, pour vous, sur l’action pur et dur. En effet, Kamikaze, le dernier assaut, dont le nom français est trompeur, est une pépite antimilitariste, un témoignage saisissant des non-dits encore à l’œuvre dans la société japonaise, soixante-quatorze ans après l’attaque de Pearl Harbor contre les États-Unis, alors que les derniers survivants s’éteignent peu à peu.
A la mort de leur grande-mère, Kentaro Saeki (Haruma Miura) et sa sœur Matsuno (Mao Inoue) apprennent qu’elle s’était remarier et que leur grand-père Kenichiro (Isao Natsuyagi) a adopté leur mère Keiko (Kazue Fukiishi) après la seconde guerre mondiale. Ils décident d’enquêter sur leur grand-père biologique Kyuzo Miyabe (Junichi Okada) qui fit carrière dans l’aviation et finit dans les unités d’attaques spéciales, les tristement célèbres kamikazes. Matsuno (Mao Inoue), Kentaro Saeki (Haruma Miura) et Kenichiro (Isao Natsuyagi)
Takashi Yamazaki livre avec Kamikaze, le dernier assaut deux films en un avec la même virtuosité que le pilote hors-pair dont il nous conte l’histoire. D’un côté, l’enquête des deux jeunes gens donnent à voir les conflits mémoriels qui sévissent encore dans la société japonaise dans un style très documentaire. D’un autre côté, les flash-back dans les années de guerre donne parfois dans le sensationnalisme des batailles aériennes mais s’attache surtout à compléter le propos en s’attachant à rendre l’époque et les interactions entre les personnages aussi complexe que le fut la réalité sur le terrain. A l’inhumanité du conflit et des supérieurs militaires vient s’entrechoquer la résistance d’objecteur de conscience qui ne disent pas son nom, malgré que la plupart des hommes trouvent leur compte dans ce moment de gloire qu’on leur vend comme une épopée chevaleresque. C’est que l’aventure tragique qu’on connu les kamikazes durant la bataille du pacifique était glorifiée par le régime et que les voix dissonantes ont mis des années à se faire entendre. Désespéré, au mépris de la vie humaine, l’État-Major voulu relancer le moral des troupes en exacerbant le patriotisme au point de légitimer le suicide comme arme de guerre. Autant de morts, autant de héros, autant d’exemples à suivre. Pour une génération élevée dans la tradition et que la guerre a fini d’aliéner, il était indigne de refuser de s’engager. Ce que le gouvernement japonais instrumentalisa en organisant un système de volontariat pour intégrer les unités d’attaques spéciales.
Un « Zero », avion de chasse révolutionnaire
Ainsi, Kamikaze, le dernier assaut ne se livre pas à un panégyrique d’héros sans peurs et sans reproches. Au contraire, il se penche sur le cas de celui que l’on considérait alors comme un lâche car il revenait souvent du combat sans égratignures. Ce héros ordinaire, ne convenant pas aux standards du soldat testostéroné et la fleur au fusil, eu pour lui la grandeur de cœur et un courage bien supérieur que celui de ceux qui trouvèrent dans la mort la solution à l’absurdité de la guerre. C’est que, derrière Kamikaze , le dernier assaut se cache une très émouvante histoire d’amour d’un homme parti au front et dont la seule ambition est de retrouver sa femme et sa fille pour les chérir encore longtemps après la guerre. C’est aussi un audacieux lieutenant qui brave ses supérieurs pour éviter le casse-pipe à ses élèves, toujours à la limite de la cours martiale. Yamazaki ne se prive pas par ailleurs, à la manière de Fury, de prendre le temps de faire peser sur le spectateur le terrible poids de l’attente entre deux batailles. Ce moment propice à instiller plus profondément la morosité et la folie dans le cœur des soldats. Dans le présent, à travers l’enquête menée, apparaît que certain membre de la société japonaise restent ancrés dans une conception passéiste tandis que d’autres ont fini par prendre toute la mesure de l’incroyable humanité de ces héros oubliés que l’on voulut faire passer pour des traîtres. La guerre dura quatre ans, des milliers de soldats n’en revinrent pas et n’emportèrent pas leur honneur dans la tombe. Ceux qui sont revenus ont pu réaliser à quelle point il était important de laisser sa chance à la vie, que cette guerre éphémère mais terriblement meurtrière n’en valait pas la chandelle. Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente, soulignera l’importante galerie de personnages secondaires parmi lesquels un yakuza, un homme d’affaire et un vieillard mourant. Surtout quand elles sont celles d’une classe dominante envoyant mourir des prolétaires fanatisés. A celle-là quelques esprits d’avant-garde répondirent clairement non. Keiko (Kazue Fukiishi) et Kyuzo (Junichi Okada)
Kamikaze, le dernier assaut est le miroir d’une réflexion qui a vraiment traversé la société japonaise ces dernières années. Ici la fiction rejoint la réalité car les histoires semblables à celle de Miyabe ont peu à peu refait surface et ces opposants à la guerre sont peu à peu réhabilités dans les mémoires. C’est le moins que l’on doive à ces hommes simples qui eurent le courage d’affirmer que l’amour valait mieux que la haine, qu’il fallait privilégier la vie pour permettre un avenir plus radieux, que la folie meurtrière finirait bien par retomber.
Boeringer Rémy
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