Ce lundi 31 Août, nous avons pu assister à l’avant-première du dernier film de Jaco van Dormael qui émut, dans son temps, les spectateurs français avec Le huitième jour. A nouveau, il se propose de reprendre la Genèse pour le meilleur et pour le rire. Le tout nouveau testament propose de reprendre à zéro, dans l’absurde et dans la joie, l’œuvre divine. Et si c’était Dieu qui n’était pas digne de sa création ?
Dieu (Benoît que l’on a vu récemment dans Famille à louer et dans 3 coeurs) existe et il habite à Bruxelles. Misogyne, misanthrope, sociopathe, il mène la vie dure à sa femme (Yolande Moreau que l’on a croisé dans 9 mois ferme) et à sa fille, Ea (Pili Groyne). Il ne veut par ailleurs plus entendre parler de son fils. Dans son bureau aseptisé, il génère les pires catastrophes et les pires emmerdements pour pallier ses désirs malsains. Jusqu’au jour où Ea décide de couper court à la blague en faisant le mur, partant à la recherche d’apôtre capable de changer le monde et révélant à tous les habitants de la Terre leur date de décès.
Le tout nouveau testament séduit d’emblée par son ton libertaire proche de J’ai toujours rêvé d’être un gangster de Samuel Benchetrit, sa gouaille folle rappelant la folie douce des réalisations de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Le grand soir en tête et son optimisme béât que ne renierait pas Jean-Pierre Jeunet et son Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Jaco van Dormael ne s’enquiquine pas à tergiverser sur la bonté divine. Dieu est un sale type, tenez-vous le pour dit. Vous pouvez le constater autour de vous. S’il existe, il nous a abandonné ou bien c’est un sadique. Le réalisateur belge opte pour la seconde solution qui n’est pas sans être évidente au regard de ce que nous vivons ici-bas. Véritable stéréotype du beauf, il passe son temps les pieds sous la table, devant la télé, accompagné d’une bière, quand il ne mène pas la vie dur à ses subordonnés au travail. Ici s’exprime le génie comique qui reprend les thématiques du Dieu vengeur de l’Ancien Testament pour mieux les confronter au mensonge de son fils. Force étant de constaté que depuis 2.000 ans, le royaume annoncé d’un Dieu d’amour se fait attendre, c’est sûrement que le père a renié son hippie de fiston nous sommes de croire Le tout nouveau testament. Poelvoorde assurant avec une maîtrise son rôle, revenant aux sources et à ses rôles les plus anciens et les plus déjantés. On pense à C’est arrivé près de chez vous (de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde) quand Dieu se met en rogne.
Souvent touchant, à travers une galerie de personnages apprenant leur mort plus ou moins imminentes, Le tout nouveau testament, bien qu’orienté vers la comédie ne s’épargne pas quelques intenses moments d’émotions qui balisent et donne un rythme très appréciable au récit. A travers les six apôtres que va rencontrer Ea, Jaco van Dormael livre une vision succincte de la vie empreinte de mélancolie, de beauté et même de joies insoupçonnées, propice au rire autant qu’à la réflexion. Pêle-mêle, le metteur en scène wallon arrive à nous éveiller aux problèmes de handicap avec le personnage d’Aurélie (Laura Verlinden), à raviver nos rêves d’enfants avec Jean-Claude (Didier de Neck), à remettre une couche aux obscurantistes de la Manif pour tous avec le jeune Willy (Romain Gelin), à se moquer des mœurs bourgeois avec une intrigue rocambolesque que n’aurait pas renié Brassens et dont Martine (Catherine Deneuve que l’on a chroniqué dans 3 coeurs, L’homme qu’on aimait trop, Dans la cour et La tête haute) devient le porte-étendard. Enfin, le personnage de François (François Damiens que l’on a vu dans La famille Bélier) est là pour donner la caution qu’un changement de l’humanité vers l’humanisme est possible. Seul le personnage de Marc (Serge Larivière) et son histoire navrante de pervers frustrés dérange un peu. On a comme l’impression que, même dans des milieux de gauche que l’on penserait ouvert à la cause, la cause abolitionniste en matière de prostitution n’est pas acquise tant l’image d’Épinal des petites femmes de Pigalle à la vie dure. C’est navrant. Hormis ce faux-pas, qui trouve peut-être ses origines dans ce ton libertaire du conte, Le tout nouveaux testament recèle donc des petites pépites humoristique et de moment de grâce.
Le tout nouveau testament sortira en salle ce mercredi 2 septembre. Nous conseillons vivement à tous les aficionados de cinéma drôle, absurde, burlesque et même à ceux qui le préfère mélancolique et profondément humaniste d’aller fêter, avec une troupe d’acteur incroyable (on réunit rarement autant de vieux talents et de talents en devenir), la venue de la divine enfante.
Boeringer Rémy
Pour voir la bande-annonce :