Dans une grandiose 3e saison, Bryan Fuller conclue se histoire d’amour cannibale avec Hannibal Lecter. Retour sur une saison passionnante,toujours hors normes, sans concession et fascinante.
Qui aurait cru qu’en vendant à NBC un simple pitch de cop show (un professeur en criminologie fait équipe avec un psychiatre pour coincer des serial killers) à partir d’une licence bien connue, Bryan Fuller, créateur de Dead Like Me et Pushing Daisies, en ferait une oeuvre sombre, racée, exigeante, personnelle très loin des standards des grands networks ? Certainement pas les cadres qui ont du voir dès les premiers épisodes quelque chose auquel ils ne s’attendaient pas. Mais étrangement, même si les audiences sont restées confidentielles, le programme est devenu un show de prestige pour la chaîne qui lui permet de changer un peu d’image et de s’attirer d’excellentes critiques.
Le jeu du chat et de la souris des 2 premières saisons a donc fait surgir la vérité de manière sanglante pour se terminer dans une véritable boucherie avant que Hannibal Lecter ne prenne la fuite. Alors que Will se remet de ses blessures, il doit aussi prendre la décision de traquer l’animal parti en Italie avec sa dulcinée. La première partie de saison s’inspire ainsi grandement sur l’intrigue du livre et du film Hannibal avec Mason Verger, mutilé dans la précédente saison cherchant vengeance. La traque de Hannibal et son incursion dans la renaissance de Florence sont bien plus accessibles qu’auparavant, avec moins de jeux psychologiques.
Mais ce n’est pas parce qu’elle renoue avec des intrigues connues que Fuller arrange comme il le souhaite que la série devient facile et lassante à suivre. Au contraire, sa vision de l’histoire de Hannibal en devient d’autant plus fascinante, allant toujours plus loin dans la relation d’amour et de haine qui s’est nouée entre le serial killer et le criminologue, inscrivant cette bromance macabre dans une plus grande mythologie et invoquant des discours originaux autour de la foi, la vie, la mort, l’amour et le sexe. Cet aspect mythologique prend encore plus d’ampleur dans la seconde partie de la saison.
Car une fois Hannibal capturé, les auteurs reprennent à leur compte l’intrigue du Dragon Rouge pour faire en sorte de Will et Hannibal se retrouvent et aient un but commun qui leur permettra d’aller au bout de leur relation. Jouant toujours avec l’esprit autant qu’avec les sentiments amoureux contradictoires et inéluctables, ils ne cessent d’imposer une vision unique et une dimension supplémentaire passionnante au matériau original jusqu’à un final d’une beauté macabre et gore à couper le souffle qui conclue parfaitement la saison mais aussi la série.
Conscient qu’il ne pourra pas faire durer sa série éternellement, Fuller a prévu la fin que l’on attendait et qui ne déçoit pas, provoquant avec cette ultime accolade la chute du héros dans les limbes. On pourra y voir de multiples interprétations tant la série est toujours aussi riche dans ses thématiques et développements, d’autant plus qu’elle s’éparpille beaucoup moins cette saison.
Mais encore une fois, il ne faudrait pas oublier tout l’aspect graphique de la série qui renforce à chaque instant son histoire. L’ambiance particulièrement travaillée, mettant toujours en valeur la lumière au milieu des ombres et faisant toujours passer les plus horribles meurtres pour les plus succulents des mets (ou inversement) dans une tonalité particulièrement macabre mais aussi sensualisé à l’extrême à l’instar des mots susurrés par Gillian Anderson, rendent le show toujours plus fascinant. Si bien que l’on a toujours du mal à en ressortir de la même manière que l’on est entré dans l’épisode, se prêtant alors chaque fois à y méditer un peut comme lorsque l’on sort d’un cauchemar attirant.
Tout cela fait donc bien de Hannibal l’une des séries les plus fascinantes et osées de ces dernières années avec l’un des couples les plus surprenants et intrigants de la télé (oui, je parle bien de la relation entre Will et Hannibal). Allant jusqu’au bout de ses ambitions et de ses idées, il n’est finalement pas nécessaire d’avoir une 4e saison devant la perfection du final auquel nous avons eu droit et il ne reste à Fuller qu’à proposer un prochain show du même niveau, ce qui risque d’être assez difficile mais rend alors son parcours télévisuel toujours aussi intéressant à suivre.