Le bienheureux.
En juin dernier, Stéphane Abdallah, dans un article consacré à Vladimir Cosma sur le site Underscore, comparait son écriture à « de la fantaisie traitée avec la plus grande rigueur ». Étiqueté comme compositeur de comédie populaire – une distinction qui, de son propre aveu, l’enchante – celui qui fit virevolter Louis De Funes dans ses habits de rabbin débarquait, vendredi soir, en pays Mussipontain, après un détour au Kremlin, afin d’inaugurer la première édition du festival Des Notes & Des Toiles, manifestation dédiée à la musique et au cinéma.
Passé l’habituel concert de louanges accompagnant la valse des acteurs politiques de la région, le chef entre enfin en scène, aiguisant sa baguette afin que chacune des brigades composant l’Orchestre National de Lorraine puisse donner le meilleur d’eux-mêmes. Parce qu’il faut cueillir le spectateur tant qu’il est mûr et attentif, Cosma emporte donc d’emblée son auditoire dans les aventures de son As Des As et de Rabbi Jacob, donnant ainsi le « la » d’une soirée placée sous le signe de la générosité. Irina Baiant, incandescente blonde d’origine roumaine, rejoint ensuite la scène de l’Espace Montrichard pour y interpréter L’Amour En Héritage ainsi que la chanson titre de La Boum 2, Your Eyes, alors que les nôtres brillent déjà dans l’éclat de sa voix de cristal. Entre deux intenses performances, l’invité de marque, devenu notre hôte, ironise sur sa peur de l’avion et sur les origines slaves et tziganes de ses collaborateurs, espaçant ainsi ses performances de traits d’humour couvert par les francs éclats de rires d’une salle acquis à sa cause. Le public n’est alors plus qu’un Jouet entre les mains du facétieux maestro, qui enchaine, sans bavure, avec un hommage à cet inspecteur maladroit interprété par le regretté Coluche. De quoi nous rendre Chèvre lorsqu’il sort de sa boite à malice sa flute de pan, instrument de ses origines, retraçant les déboires de François Perrin au Mexique. C’est alors qu’il décoche une dernière flèche : la violoniste française Amanda Favier (« Parce que il n’y a pas que des roumains et des polonais, il y a aussi d’excellents musiciens français ») avec laquelle il atteint sa 7ème Cible, la soliste faisant frissonner l’auditoire à chaque mouvement d’archet. Décidément, le compositeur n’a pas son pareil pour placer ses camarades de jeu au centre de ses partitions, laissant son harmoniciste (époustouflant Greg Zlap), son trompettiste (stupéfiant Emil Bizga) et son mandoliniste (Vincent Beer-Demander, épatant) se livrer à des solos endiablés.
Amanda Favier, violoniste soliste pour La 7ème Cible.
À peine deux minutes et trente-neuf secondes d’entracte que Vladimir Cosma reprend déjà son pupitre afin d’assiéger la salle, se livrant à une croisade vers une autre facette de son répertoire beaucoup moins (re)connue par le grand public, mais tout aussi intimidante musicalement. Cependant, elle l’est moins que l’éblouissante Irina Baiant, la rose des balkans succédant avec brio à Wilhelmenia Wiggins Fernandez dans la robe de la Diva pour une interprétation renversante de La Wally. Le temps d’un émouvant retour au Château De Ma Mère, le maitre de cérémonie nous convie au Bal Des Casse-Pieds ainsi qu’à un copieux Dîner De Cons au cours duquel il nous offre le choix de L’Aile Ou La Cuisse. Bien que concluant son medley par un Salut l’Artiste, le temps n’est pas encore aux adieux. En effet, le cœur des moins de quarante ans n’ayant pas encore fait Boum, il accueil Richard Sanderson afin de nous conter sa Reality, avant que ce dernier ne cède humblement sa place au Grand Blond Avec Une Chaussure Noire. Alors que le programme arrive officiellement à son terme, Cosma, visiblement en excellente forme, répond à notre rappel pour nous offrir une petite Course À l’Échalotte, dirigeant à la fois ses pupitres et son public en le faisant battre la mesure. Les mains, rougis par les applaudissement dont il a nourrit le compositeur jusqu’alors, maintiennent sans relâche la cadence face à un orchestre virevoltant. Il est alors sûr que les Mussipontains venus assister à son flamboyant spectacle Iront Tous Aux Paradis le cœur léger et les oreilles pleins de souvenirs immortels.
Irina Baiant, la voix de la Diva.
Richard Sanderson, le corps mûr mais la voix intacte.