[Critique] Natür Therapy : Pensées abjectes.

Par Victorvandekadsye @BrouillonsCine

Deuxième long-métrage du réalisateur et acteur norvégien Ole Giaever, Natür Therapy nous embarque dans une randonné spirituelle durant laquelle Martin (interprété par Ole Giaever lui-même) va enchaîner prises de conscience et réflexions sur lui-même.

Martin entame une randonnée solitaire dans les montagnes norvégiennes. Il se laisse aller à ses pensées à la fois fantaisistes et profondes, infantiles et existentielles, et, surtout, il porte un regard sans concession sur lui-même et sur ceux qu'il a laissés derrière lui.

Durant 80 minutes, Martin est le personnage unique, même si sa famille ainsi que ses amis sont présentés. Et s'il est amené à faire des rencontres, jusqu'à assouvir des fantasmes tordus - bien qu'inaboutis - avec des inconnues, il est le pivot de ce long métrage qui le cloisonne dans une remise en question sans réel fond, ne relevant que d'un simple psychotique, d'une simple envie de tout envoyer balader. Cette randonnée, Martin la transforme en thérapie, là où le côtoiement de la nature serait davantage l'occasion d'imaginer des fantasmes morbides, obscènes ou toutes sortes de pulsions qu'il ne peut satisfaire dans la vie. Tout cela sans que personne ne puisse le voir, ni l'entendre.

En réalisant Natür Therapy, Ole Giæver n'a pas fait les choses à moitié, se retrouvant devant et derrière la caméra. Défi risqué et à moitié réussi. Malgré un jeu nuancé offrant une palette variée d'émotions, avec une voix off tantôt chevrotante, tantôt confiante, Martin apparaît comme un personnage ingrat, désagréable et macho, aux tendances exhibitionnistes (nous sommes amenés à zieuter à plusieurs reprises son sexe). Impossible d'éprouver une quelconque empathie pour lui. Mais ne serait-ce pas ce qu'il est vraiment ? Son mépris assumé dans ses réflexions ne ferait-il pas de lui un salopard ? Ne se dévoilerait-il pas sous sa vraie personnalité lorsque personne ne le regarde ? Ainsi, Natür Therapy est également un film sur la reconstruction d'un homme, sur la quête de soi.

L'image bleutée, plutôt pâlotte, ne déroge pas à l'image que l'on se fait du cinéma nordique où un certain esthétisme est de mise, doublé d'une propension à la contemplation. Entre deux prises de conscience, viennent s'immiscer divers plans de la nature, à la manière d'un documentaire sur les grandes prairies qui couvrent les pays scandinaves. On peut ainsi se demander si 80 minutes, ce n'est pas trop long et si le film n'aurait pas été plus intense réduit à un moyen métrage d'une cinquantaine de minutes. Natür Therapy est en effet très lent, il multiplie les plans-séquences en une continuité temporelle suivant en temps réel cette randonnée. Les nombreux gros plans qui le jalonnent enferment Martin dans sa quête de soi et dans sa constante interrogation sur lui-même. Les plans plus larges, quant à eux, l'isolent au sein d'un monde vide, aussi bien d'humains que de sens. Mais cette randonnée a-t-elle réellement un sens ? N'est-elle pas que le déni d'une vie dans laquelle son héros ne se retrouve pas ? La randonnée est une boucle, un cercle vicieux, autant pour Martin que pour les spectateurs. Le jeune marcheur se remet sans cesse en question et ne cesse de s'interroger sur sa sexualité et sur une vie passive dans laquelle il ne semble pas se retrouver. Martin est un personnage moribond, lassé, qui se voit voué à l'échec, à la recherche d'une échappatoire qui le ferait quitter une routine qu'il considère nauséeuse mais qu'il affectionne pourtant. Natür Therapy nous livre ainsi les ressentis de son personnage, principalement sexuels, simultanément à de nombreuses mises à nu physiques de celui-ci.

Ce deuxième film de Ole Giæver ne peut que rappeler Near Death Experience, film français réalisé en 2014 par le duo fantasque Gustave Kervern/ Benoit Delépine dans lequel Paul, interprété par Michel Houellebecq, fait également le choix de quitter son logis. S'en suivent des réflexions et interrogations personnelles plus abouties et convaincantes.

Zoran Paquot