Les petites îles du Pacifique, paradis terrestres, furent le théâtre de nombreux combats meurtriers entre Japonais et Américains durant la seconde guerre mondiale. Terrence Mallick adapte ici le roman de James Jones pour en faire plus qu’un film de guerre, un poême visuel lyrique, mystique et métaphysique. C’est bien la marque de fabrique de Mallick qui place ce film dans la filmographie internationale bien au-delà du film de genre. Là où Spielberg avec le soldat Ryan réalise un film hyper spectaculaire mais si peu creusé qu’idiot ; d’autres comme Mallick, Kubrick, Cimino ou Coppola construise une œuvre forte et complexe autour de la guerre, de la place de l’humain dans cette boucherie, l’humanité animale, la peur de la mort,… pour offrir une vraie réflexion sur les hommes en guerre. Ici pas de bons patriotes face à des méchants mais que du doute ; même le moment où l’on extermine un ennemi japonais n’est pas un moment glorieux. On est loin d’ « American Sniper ».Le film s’ouvre sur une réflexion panthéiste du monde chère à Mallick. Des plans magnifiques naturalistes sur des paysages inviolés où l’homme vit en parfaite harmonie avec la nature… avant que sur ces mêmes lieux se déchainent la folie des hommes. Rousseau agréerai cette entame tout comme Kubrick dans son formalisme précis. Puis de nombreux personnages viennent alimenter l’histoire et faire accroitre la tension avec une logique implacable : un grand acteur, un personnage, une personnalité et un rapport à la guerre différents. Car que dire d’un casting incroyable ; certains, comme Clooney, sont même venus sur ce tournage dantesque pour ne se voir récompenser que de quelques minutes de pellicule après le montage drastique de Mallick. La pléiade de comédiens utilisés ne permet pas alors d’avoir un personnage central. Même si Caviezel joue ce rôle un temps avec beaucoup d’émotions et de justesse. Le non choix d’un ou deux personnages centraux témoigne d’un scénario pauvre. Et là on est loin de l’ampleur des grands films autour de la guerre des maîtres précédents. Tout est prétexte chez Mallick à un beau plan naturaliste venant contrebalancer la cruauté humaine jusqu’au plan final millimétré sur une ligne d’horizon entre la mer et le ciel. Après la beauté formelle omniprésente, vient la bondieuserie pénible et bon marché de Mallick relayé par une voix off omniprésente (aussi) qui ôte l’émotion brute générée par la beauté des plans. Comment un grand réalisateur n’a-t-il pas plus confiance en sa mise en scène maitrisée pour être obligé d’utiliser ce procédé bon marché pour expliquer toutes ses intentions ? Pourtant si visible à l’écran… Autre marque de fabrique lourdingue de Mallick, les flash-backs appuyés digne de David Hamilton. De fait, comme à chaque fois avec Mallick, je me dis quel potentiel énorme gâché par ce prechi precha chrétien parfois digne des brèves de comptoir. On enfonce les portes ouvertes. Reste des images sublimes, un propos qui élève le débat et un panthéisme positif. Celui-ci dit clairement : malgré les forces en présence, les êtres humains sont insignifiants face à Dame Nature… qui, elle, reprend toujours ses droits.A voir tout de même
Sorti en 1999