Après une incursion réussie dans le chambara (le film de sabre japonais) avec Hara-kiri et 13 Assassins, le prolifique Takashi Miike revient à ses premiers amours avec son « film le plus violent » selon ses propres dires, pour le meilleur et pour le pire. Mais surtout pour le pire…
Que les fans de la première heure se rassurent, Takashi Miike est bien sorti de sa parenthèse « classique » pour replonger en plein dans la série Z gonzo qui tâche. Était-ce pour autant une bonne idée ? Probablement pas, quand l’on constate le résultat alarmant de nullité qui nous est offert. Après avoir œuvré avec brio dans le chambara, où il avait su mettre sa connaissance érudite du cinéma au service de son histoire et de ses personnages, Miike tente de renouer vainement avec ce qui faisait la marque de son style, à savoir des délires excessifs complètement frappés du casque, qui lui valurent l’admiration d’une grande partie des cinéphiles déviants adeptes de cinéma Z. Il serait inutile d’essayer de résumer Yakuza Apocalypse à un pitch, tant ce foutoir difforme à base de vampires, de yakuzas et de grenouilles part dans tous les sens sans jamais faire preuve d’une quelconque cohérence artistique. Le réalisateur peine à trouver un angle intéressant et dynamique pour donner corps à ce joyeux bordel, et verse rapidement dans l’auto-caricature irritante. Peut-être trop conscient du « style Miike », Miike nous donne du Miike, essayant de retrouver l’énergie de sa jeunesse mais, paradoxalement, sans nous donner l’impression d’y croire réellement.
Jamais galvanisant, jamais inventif (ce qui est quand même un comble de la part d’un film qui se voudrait aussi fou et décomplexé), Yakuza Apocalypse ne parvient même pas à nous donner ce que l’on est en droit d’espérer de ce type de film : des combats jouissifs et une certaine énergie dans la mise en scène. Le film ne propose aucune expérimentation visuelle inédite ni chorégraphie innovante lors des scènes d’action (et ce malgré la présence du bad guy de The Raid), si bien que l’on en vient à se demander si le cinéaste nippon s’est réellement impliqué dans le projet. Si quelques trouvailles peuvent faire sourire (un yakuza grenouille, un vampire qui fait cuir un œuf dans sa main…), elles voient leur effet totalement annihilé à force de surenchère. Sans jamais réussir à mixer les différents genres populaires qu’il aborde (qu’ils soient occidentaux ou purement japonais), du film de vampire au kaiju-eiga en passant par le yakuza-eiga, Miike ne fait qu’empiler séquence débile sur séquence débile, reliées entre elles n’importe comment et sans vision globale de l’œuvre. Contrairement à des cinéastes comme Sono Sion ou Stephen Chow chez qui le portnawak s’accompagne toujours d’une base consistante et d’une mise en scène réfléchie, Miike n’en fait qu’à sa tête, repoussant les limites du mauvais goût jusqu’à l’écœurement pour tenter de camoufler la paresse totale d’un film qui s’essouffle et tourne en rond.
Résulte de ce bordel un film qui ne ressemble littéralement à rien, faussement transgressif mais surtout profondément antipathique. On espère maintenant revoir l’ami Miike sur des projets plus sérieux et ambitieux.