Outreau, L'Autre Vérité (Entre la défense et la vérité, il peut y avoir un fossé)

Par Olivier Walmacq

Genre: documentaire
Année: 2013
Durée: 1h30

Synopsis: Nous avons tous été sur-informés pendant l’affaire dite d’Outreau. Elle a traumatisé les consciences et déstabilisé l’institution judiciaire. Jamais une affaire retentissante n’avait aussi peu divisé l’opinion publique. Comme si l’esprit critique avait été anesthésié. Pourquoi ?

La critique :

Attention, film choc ! Il y avait bien longtemps que le cinéma français n'avait pas déclenché une telle polémique. Avec Outreau, l'autre vérité, sorti en 2013, le réalisateur, Serge Garde, signe un documentaire coup de poing sur une affaire scabreuse et escarpée, l'Affaire d'Outreau. Au départ, Serge Garde n'avait pas l'intention de réaliser ce documentaire.
Finalement, sous les instigations de Karl Zéro, le cinéaste finit par céder. Il sait qu'il s'attaque à un sujet tabou et surtout à un dossier comprenant plus de trente mille documents. 
Serge Garde sait également qu'il doit reprendre le dossier dans son intégralité. La réalisation d'un tel documentaire lui a demandé trois ans de travail : "Personne ne voulait parler au début. Par exemple, nous avons mis plus d'un an et demi pour obtenir l'interview du Juge Fabrice Burgaud". 

Le but de ce documentaire n'est pas de remettre en cause le jugement final, à savoir l'acquittement des principaux accusés, mais de faire entendre la parole des enfants, en particulier Chérif et Dimitri Delay, deux victimes de violences et d'abus sexuels, et reconnus comme telles par la Justice française. Evidemment, le documentaire de Serge Garde suscite la polémique et de vives réactions de la part des médias, certains accusant le film d'être un peu trop tendancieux. 
Outreau-L'Autre Vérité n'est donc pas destiné au circuit normal de la distribution. Le documentaire est donc sorti de façon confidentielle dans quelques cinémas indépendants. 

Serge Garde décide de reprendre l'Affaire de façon chronologique. Tout commence de façon discrète en 2000 à Outreau, une petite ville anonyme de 14 000 habitants. Des enfants affirment avoir été abusés par leurs propres parents, des voisins et des notables. Les travailleurs sociaux se manifestent et signalent des carences dans les familles d'origine.
Une enquête préliminaire est ouverte. Le Juge Burgaud est alors désigné pour instruire l'affaire. 
Les enfants abusés sont placés dans des familles d'accueil différentes. Ils accusent plusieurs adultes et affirment que d'autres enfants ont subi les mêmes sévices. Dans cette affaire, il existe deux cercles bien distincts : le cercle familial et celui du voisinage, et un second cercle qui concerne plusieurs personnes extérieures.

L'affaire ne concerne plus seulement que des familles gueuses et misérables. Le dossier prend une ampleur inattendue. Il devient même totalement incontrôlable lorsque le Juge Burgaud reçoit la lettre d'un accusé. Ce dernier prétend que des enfants ont été assassinés et même enterrés dans un jardin près d'un immeuble. Néanmoins, par la suite, ce même accusé dira qu'il a inventé toute cette histoire pour prouver l'absurdité de cette affaire. Plus que jamais, l'Affaire d'Outreau connaît de multiples rebondissements.
Très vite, la presse commence à s'interroger sur la crédibilité du Juge. En effet, celui-ci serait manipulé par Myriam Badaoui, la mère de Chérif et Dimitri Delay, qui semble être la personne la plus importante dans ce dossier houleux et explosif.

Pire encore, la parole des enfants est de plus en plus contestée et vilipendée. C'est dans cette ambiance de peur, de paranoïa ambiante et de pression médiatique que s'ouvre le Procès d'Outreau. Certains témoignages évoquent une proximité inédite entre les avocats de la défense et les journalistes. D'ailleurs, un avocat le confirme dans le documentaire : "Le rôle d'un avocat, c'est de défendre avant tout son client, pas forcément la vérité". Quant au procès, certains parlent d'une pièce de théâtre tournant à la parodie de justice. La salle d'audience est ménagée et certains enfants victimes sont même placés dans le box des accusés.
Tout un symbole... Les enfants deviennent ainsi les spectateurs de leur propre procès. De victimes, ils se transforment en mythomanes abominables, eux-mêmes manipulés par les roueries de Myriam Badaoui. 

Autre élément important : les 13 personnes accusées bénéficient de 19 avocats, alors que les enfants ne sont défendus que par deux avocats. Le film dénonce une stratégie de harcèlement et de contre-vérité opérée par les avocats de la défense. Tout semble avoir été fait pour discréditer les différents experts, également stigmatisés par les médias.
Contrairement à tout ce qui a été dit dans la presse, le dossier Outreau ne tient pas seulement sur les déclarations de Myriam Badaoui. 
En vérité, il existe un immense fossé entre ce que racontent les médias et la réalité du dossier. On passe ainsi d'un extrême à un autre. Incontestablement, la défense a gagné la bataille médiatique. 

Pire encore, l'affaire prend même une dimension politique. Lors du journal télévisé de 20 heures, les acquittés obtiennent les excuses de l'institution judiciaire. Chaque acquitté reçoit une indemnité comprise entre 300 et 500 mille euros, alors que les enfants victimes ne bénéficient que de 30 mille euros de dédommagements. Quant au Juge Burgaud, il subit un véritable lynchage médiatique.
Une commission d'enquête parlementaire est même organisée et diffusée en direct à la télévision. Le juge doit s'expliquer sur la façon dont il a instruit le dossier. Rarement, une affaire aussi importante n'aura aussi peu divisé l'opinion et les médias. Au final, l'Affaire d'Outreau concerne une cinquantaine d'enfants, la plupart n'ayant pas été reconnus comme victimes.
Difficile réellement de se prononcer sur cette affaire, donc sur ce documentaire coup de poing, qui ne laisse clairement pas indifférent. Encore une fois, le film de Serge Garde met en exergue un dossier explosif, épars, où chaque rebondissement provoque de nouvelles interrogations. Dans tous les cas, la vérité semble totalement échapper au dossier. Au risque de nous répéter, l'affaire passe d'un extrême à un autre. Pour les enfants abusés, ils se transforment soudainement en mythomanes, certes (encore une fois) manipulés par Myriam Badaoui, cette femme "marâtre " et coupable désigné de l'ensemble du dossier... Tout du moins, pour les médias. Or, les différents experts parlent d'une parodie de justice et jettent l'opprobre sur la façon dont le dossier a été instrumentalisé, non seulement par la presse, mais aussi par la sphère politique.

Certains de nos dirigeants y voient aussi l'occasion d'intervenir personnellement pour discréditer les juges et dénoncer une justice partiale et inique. Quant aux acquittés, c'est le cheminement inverse qui s'opère. De redoutables pédophiles, ils se transforment en victimes annihilées par la machine judiciaire et médiatique. Dans ce contexte, la réalité est galvaudée, soudoyée et noyée par un système consumériste et mercantile. Pis, la parole des enfants n'est même plus entendue.
Pour Serge Garde, ces enfants abusés, puis honnis, désormais livrés au silence et aux gémonies, sont destinés à devenir de véritables bombes à retardement. L'actualité nous le rappelle encore aujourd'hui avec "Outreau 3", connu aussi sous le nom du procès des "accidentés de la vie". Enfin, j
e précise également que je ne fais que réitérer le propos de ce documentaire dans cette chronique. 
En aucun cas, je ne prends partie. Par conséquent, pas de note pour ce documentaire. Parfois, la critique doit savoir s'effacer et laisser place aux commentaires.

Note: ?

 Alice In Oliver


Outreau, l'Autre Vérité - Sortie en Salles: 06... parJaneBurgermeister