genre: science-fiction
année: 1972
durée: 2h46
l'histoire : La planète Solaris, recouverte d'un océan, a longtemps intrigué les chercheurs qui y ont installé une station. Faute de résultats concluants, le docteur Kris Kelvin, un homme bouleversé par le suicide de sa femme, y est envoyé afin de définir s'il faut fermer la station ou non. Sur place, il découvre l'équipe du laboratoire spatial pris par une folie à laquelle il risque de succomber lui-même.
La critique :
Attention, très gros poids lourd sur ce blog ! En effet, Andreï Tarkovski est considéré comme le plus grand réalisateur soviétique avec Sergueï Eisenstein. Pourtant, Tarkovski n'a réalisé que sept longs-métrages. Mais ses films le placent parmi les plus grands maîtres du noble Septième Art. Paradoxalement, les films de Tarkovski seront plébiscités par la critique, mais ne parviendront pas à trouver leur public.
Trop ésotériques, trop métaphysiques, trop intellectuels ou encore trop philosophiques, les films de Tarkovski suscitent néanmoins l'admiration des plus grands artistes, et pas seulement dans le cinéma. En l'occurrence, Solaris, sorti en 1972, est le troisième long-métrage d'Andreï Tarkovski. A l'origine, le film est l'adaptation d'un roman homonyme de Stanislas Lem.
La même année, Solaris obtient même le grand prix au Festival de Cannes. Au départ, Solaris est conçu comme le concurrent direct de 2001, l'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick, considéré comme le plus grand space opera de toute l'histoire du cinéma. Néanmoins, sur le fond comme sur la forme, il est difficile de comparer les deux films. Autant le dire tout de suite : la distribution de Solaris risque de ne pas vous évoquer grand-chose. Toujours est-il que le film réunit Natalie Bondartchouk, Donatas Bonionis, Jüri Järvet, Anatoli Solonitsine, Nikolaï Grinko, Alexander Micharine et Julian Semenov.
La réalisation de Solaris s'inscrit dans un contexte très particulier. Nous sommes en 1972. Répudié par ses pairs et proscrit par le grouvernement soviétique, Andreï Tarkovski peine à trouver du travail.
Un projet s'offre à lui : réaliser un film de science-fiction, un genre toujours populaire, et pas seulement sur les terres soviétiques. Mais l'U.R.S.S., jaloux de l'immense succès de 2001, l'Odyssée de l'Espace, exige une réponse de la part du cinéma moscovite. Andreï Tarkovki s'attelle alors à la tâche. Cependant, Tarkovski prévient le gouvernement. La science-fiction n'est pas son genre de prédilection.
En effet, pour lui, le cinéma est un genre à lui tout seul. Toutefois, Tarkovski s'approprie totalement le roman de Stanislas Lem. Il décide d'apporter sa modeste pierre à l'édifice. Ainsi, la toute première partie du film, qui se déroule sur la Terre, n'existe pas dans le matériel original. Attention, SPOILERS !
Depuis sa découverte, la planète Solaris représente le plus grand mystère auquel l'humanité ait jamais été confrontée. La seule forme de vie qui s'y trouve est un océan de matière protoplasmique qui en recouvre toute la surface. Selon une théorie, cet océan serait une créature intelligente, un gigantesque cerveau à l'échelle de la planète. Malgré de nombreuses recherches, aucun contact avec cette créature n'a pu être établi. Après bien des années à explorer l'espace, les Terriens avaient enfin découvert une autre forme de vie intelligente mais aucune communication ne semble possible avec elle.
La solaristique, la science qui étudie l'océan de Solaris, traverse une crise grave. La gigantesque station d'observation conçue à l'origine pour accueillir plus de quatre-vingt personnes n'héberge plus aujourd'hui qu'un contingent réduit de trois scientifiques et on envisage même de la fermer définitivement.
Les choses en sont à ce point alors qu'arrive un étrange message envoyé par le docteur Gibbarian, l'un des scientifiques à bord de la station Solaris. Les autorités décident d'envoyer sur place le docteur Kris Kelvin, un psychologue célèbre pour ses recherches sur l'océan de Solaris et un ancien élève de Gibbarian. Il devra découvrir ce qui se passe et également définir s'il est nécessaire de maintenir la station en activité. Kelvin est un homme très intelligent mais tourmenté, il se remet mal du suicide de sa femme Khari, il y a quelques années et dont il se sent responsable.
Difficile d'expliquer, d'analyser et de décortiquer une oeuvre aussi riche et complexe que Solaris. Pour ceux qui détestent les films intellectuels, merci de quitter leur siège et d'aller faire un petit tour.
Comme je l'ai déjà souligné, la première partie du film se déroule sur notre planète. Andreï Tarkovski choisit de confronter son héros, Kris Kelvin, un psychologue, à Dame Nature. Dans ce premier acte, la caméra du cinéaste se focalise sur la façon dont Kelvin se fond dans des décors naturels, à la fois énigmatiques et d'une beauté insondable. Andreï Tarkovski étudie ainsi le rapport que l'homme entretient avec la nature terrestre elle-même. Le réalisateur se focalise essentiellement sur l'élément de l'eau, qui représente à la fois la Genèse, l'essence de la vie sur Terre, et plus largement l'existence (probable) d'une autre civilisation dans l'univers. En résumé, les fondements de la vie sur Terre seraient les mêmes que ceux qui tapissent notre vaste univers. Tout du moins, c'est ce que croit notre esprit scientifique et rationnel.
Or, dans cette première partie, Tarkovski décrit un psychologue lui-même dépassé par les mystères de la nature terrestre.
Qui je suis ? Telle est la quête existentialiste de l'homme depuis qu'il est capable de penser, d'observer, de réfléchir et d'analyser. Pourtant, la compréhension de cette existence, de la nature terrestre et de celle qui régit l'univers n'est pas seulement rationnelle, philosophique, psychologique, spirituelle ou scientifique. Elle est aussi cosmologique, semble nous dire Andreï Tarkovski.
L'esprit humain est donc trop limité, trop borné et peut-être trop destructeur (ne serait-ce que dans sa nature primaire) pour comprendre et sonder un univers en perpétuelle mutation, véritable substrat du conscient, de l'inconscient, d'une force et d'une énergie invisible qui sont les sources et les fondements même de notre vaste cosmos.
Andreï Tarkovski opacifie son propos en opposant la nature (la première du film) à un huis clos spatial (la seconde partie du film). Ce huis clos est fort en symbole. Dans ce second acte, Tarkovski fait la démonstration de toutes les limites de notre esprit. Certes, dès qu'il arrive à bord de la station, Kelvin disserte, analyse, ratiocine, hyspotasie et interroge ses autres collègues scientifiques sur la nature elle-même de cet Océan énigmatique.
Hélas, face à cet amas tourbillonnant, dont l'aspect n'est pas sans rappeler celui des trous noirs, Kelvin se retrouve lui-même dans une sorte de néant intellectuel, de cadenas inextricable et dans une boucle tenace, incoercible et inaccessible à l'esprit humain. Dans un premier temps dubitatif, Kelvin se confit peu à peu dans les paralogismes, la paranoïa, la confusion et la neurasthénie mentale.
Autrement dit, Kelvin n'a d'autre choix que de se plier face à la primauté et à la complexité de la nature elle-même, ici symbolisées par un vaste Océan qui tourmente les pulsions les plus refoulées et les plus inconscientes. Dans cette seconde partie, Andreï Tarkovski nous propose un voyage à travers les méandres tortueux de l'esprit, mais pas seulement.
Volontairement, le cinéaste questionne notre inconscient lui-même en plongeant également le spectateur dans un état de léthargie et de psychasténie mentale. C'est probablement pour cette raison que Solaris peut paraître aussi complexe et totalement déroutant, à l'image de son conclusion finale. Certes, Solaris est probablement moins contemplatif que Stalker et Le Sacrifice (deux autres films réalisés par Tarkovski).
Néanmoins, le film reste assez peu accessible au grand public. Ensuite, le rythme est particulièrement lent et lénifiant. Bref, vous l'avez compris. Solaris ne s'adresse pas à tout le monde. J'avoue être assez dubitatif sur ce genre de cinéma très philosophique et même cosmologique, qui consiste à intellectualiser la pensée et les plus grandes questions qui taraudent l'Humanité depuis la nuit des temps.
Si le long-métrage est souvent fascinant, il n'en demeure pas moins assez (trop) complexe et exigeant. Même si je reconnais les immenses qualités de Solaris, je dois avouer que je ne suis pas un fan absolu de ce genre de film. Ma note finale pourra donc paraître assez sévère aux yeux des cinéphiles et/ou des fans de Tarkovski. Enfin, si vous avez compris quelque chose à cette chronique, merci de me téléphoner de toute urgence !
Note : 16.5/20