YOUTH : L’héritage des artistes ★★★★☆

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Une oeuvre juste et touchante sur la vieillesse et le temps qui passe.

Après un long plan littéralement tournant, on entre dans Youth comme dans l’hôtel qui constitue l’unique décor du film : le rythme se ralentit, laisse libre court à l’introspection et aux rencontres de tous genres. Pendant quelques temps, Youth flirte avec le cinéma expérimental, avant de nous emporter dans un scénario où la photographie autant que la mise en scène, qui fourmille de petits détails intelligents, nous plongent dans une bulle d’esthétisme et de finesse. Des images, dignes des plus beaux tableaux s’entremêlent avec un script explorant le vieillissement des corps et des esprits. A travers le compositeur anglais Fred Ballinger (Michael Caine) et son ami le réalisateur américain Mick Boyle (Harvey Keitel), tous deux en villégiature dans un hôtel suisse de grand luxe, Paolo Sorentino montre deux conceptions, deux attitudes face à la vieillesse. Qu’ils soient déprimés, encore fougueux, apathiques ou espiègles, ces deux hommes seront sans cesse confrontés à une jeunesse incarnée par un acteur en préparation de tournage (Paul Dano), la fille de Fred, Lena (Rachel Weisz), ou encore une masseuse bien mystérieuse (Luna Zimic Mijovic). Cette confrontation revient constamment, dans le contact physique entre les corps jeunes et vieux, les gros plans, les dialogues. Le spectateur, quel que soit son âge, fait lui aussi un constant va-et-vient, se projetant dans le futur ou se rappelant des évènements passés. Youth donne envie de vivre profondément et pleinement le moment présent, à chaque étape de la vie. Le réalisateur italien garde toujours un regard tendre sur ses deux vieux acteurs sans verser dans la compassion déplacée. Le film montre la vieillesse, les difficultés qu’elle impose, grâce à certaines scènes souvent cocasses mais sans faux-semblants.

Michael Caine et Harvey Keitel, respectivement âgés de 82 et 76 ans, parviennent encore à nous étonner en s’engageant dans cette réflexion profonde et parfois douloureuse sur la sénescence. Ils sont –encore- parfaits dans leurs rôles, puisant dans leur immense palette des attitudes et des regards emprunts de réalisme. La futilité des détails, les étapes importantes de la vie, les réussites et les échecs des personnages sont abordés tour à tour, avec un ton universel frappant. Difficile alors de ne pas voir dans le film une mise en abyme de la carrière de ses acteurs, des vieux (Michael Caine, Harvey Keitel, Jane Fonda), mais aussi des jeunes (Paul Dano, Rachel Weisz), qui sont là aussi tout à fait à la hauteur de leurs collègues mythiques.

Durant tout le film, une idée lancinante s’insinue dans notre esprit : la disparition de Michael Caine et Harvey Keitel, acteurs immenses et incomparables, laissera un jour un vide que nulle jeunesse, aussi talentueuse sera-t-elle, ne pourra combler. Ils laissent en tout cas dans Youth une empreinte certainement indélébile. On ne comprend d’ailleurs toujours pas pourquoi ce film est resté ignoré du dernier palmarès du Festival de Cannes…

La Cinéphile Éclectique (http://carnetscritiques.over-blog.com/)

Réalisé par Paolo Sorretino, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Paul Dano, Rachel Weisz.

Sortie le 9 septembre 2015.