Aujourd’hui, le genre du teen-movie a plus de soixante ans d’existence. Durant toutes ces années, le teen-movie n’a cessé d’évoluer, s’acclimatant aux mœurs, à l’époque et à la culture, eux-aussi extrêmement changeants. Ainsi, les teen-movie se font de plus en plus nombreux dans le sillon cinématographique, avec leurs qualités et leurs défauts, mais où une volonté indéniable de témoigner de l’adolescence, moment à la fois ingrat et magnifique de la vie, est présente sans rêlache. Néanmoins, que représente le genre aujourd’hui, comment s’est-il adapté à notre ère, et enfin, est-il, un tant soit peu, aussi bon qu’il ne le fût durant son âge d’or dans les années 80 ? La réponse est bien plus complexe qu’il n’y paraît et se conjugue également au pluriel …
Héritage du passé et regard moderne
Tout d’abord, nombreuses sont les productions aujourd’hui à rendre un hommage fort aux teen-movie des années 80, et à vouloir s’inscrire dans une même veine. On pense notamment à « Adventureland : un job d’été à éviter » (2012) de Gregg Motola, qui prend place, justement, dans les anneés 80 et qui s’amuse des clichés sociaux, afin de mieux les dénoncer et les détruire un à un. À côté de cet aspect vintage clairement assumé, le long-métrage de Gregg Motola trouve également un discours très moderne, avec le personnage de Kristen Stewart et sa relation avec celui de Ryan Reynolds. Ainsi, ce teen-movie amène deux éléments avec lui : le premier étant clairement issu de l’héritage du genre, tandis que le deuxième lui apporte une identité propre et lui permet de ne pas être qu’une simple copie de ce qui à déjà été fait. De même, « Easy Girl » de Will Gluck (2011), qui se déroule à notre époque, celle des sms, internet et autre live-vidéo par webcam, indique clairement une volonté de modernisme. En même temps, cette production reprend les mêmes rouages et axes scénaristiques des teen-movie de la première heure, tout en parsemant l’ensemble de multitudes de références.
Dans cette même idée, même si la qualité du long-métrage est plus que discutable en terme de teen-movie, « Twilight, chapitre I : Fascination » de Catherine Hardwicke (2009), fonctionne également sur ces mêmes principes. Une jeune fille timide tombe amoureuse du beau-gosse du lycée, mais les deux adolescents se trouvent être différents socialement (l’un est éternel, l’autre non), le tout se terminant à un bal de fin d’année, où les deux adolescents dansent ensemble, malgré les épreuves traversées. Encore une fois, on se retrouve face à un long-métrage s’appuyant sur le passé du genre (codes, situations, clichés), mais qui recherche une originalité dans son traitement (en l’occurrence, l’un des adolescents est un vampire). Avec ces trois productions, qui font partie d’un ensemble bien plus conséquent, on peut déjà distinguer que certains des teen-movie aujourd’hui regardent par dessus leur épaule, sans pour autant oublier de marcher droit devant eux. Cela permet de créer des productions aux goûts nostalgiques mais où le plus important reste le regard que porte le long-métrage sur ses personnages, où il se trouve être conscient de l’époque à laquelle il existe.
Le récit initiatique plutôt que la comédie potache
Alors que « American Pie » (1999) avait relancé le teen-movie un peu potache, de nombreuses productions suivant ce même axe ont vu le jour par la suite, aujourd’hui, il y a une volonté de se rapprocher davantage du drame que de la comédie. Pour être exact, ces dernières années, le teen-movie s’est illustré, à plusieurs reprises, dans le récit initiatique. On pense à « Juno » de Jason Reitman (2008) ou encore « Bliss » de Drew Barrymore (2010) avec Ellen Page dans les rôles-titres, ainsi qu’à « Le monde de Charlie » de Stephen Chbosky (2013), « The spectacular now » de James Ponsoldt (2014), « Spring Breakers » de Harmony Korine (2013) et « The Bling Ring » de Sofia Coppola (2013). Tous ces longs-métrages, aussi différents soient-ils, ont décidé de traiter de personnages adolescents, à travers le prisme du récit initiatique, souvent proche du drame. Charlie, interprété par Logan Lerman dans « Le monde de Charlie », est traumatisé par un lourd secret d’enfant qu’il a refoulé, les quatre amies de « Spring Breakers » partent faire la fête à la plage mais se trouvent être complètement perdues sur ce qu’elles sont réellement, tandis que les apprentis cambrioleurs de « The Bling Ring » sont des produits de consommation ambulants et conçus par la société d’aujourd’hui dans une vénération de l’autrui.
Puis, les adolescents de « Juno », « The spectacular now » et « Bliss » sont en quête de leur soi-adulte, faisant souvent face à des figures d’autorités qu’ils confrontent avec brutalité. De même, ces productions apportent un nouveau regard sur la société, dénonçant les injustices sociales d’aujourd’hui, où les homosexuelles ont remplacé les intellos dans le rôle des boucs-émissaires des autres lycéens, tandis que les détraqués et autres marginaux sont, eux, toujours montrés du doigt. Dans cette même vague de teen-movie, les intentions sont extrêmement simples : donner la parole aux timides, à ce que l’on désigne du doigt, dont on se moque, à ceux qui passent inaperçus dans le paysage social, à ceux que l’on rejette gratuitement et souvent pour des raisons plus que douteuses. Derrière ces intrigues à l’allure pas très réjouissante, la plupart des réalisateurs arrivent à trouver une beauté et une douceur incroyable dans ces intrigues, offrant une qualité émotionnelle sans pareil à l’ensemble. D’ailleurs, il n’est pas surprenant de constater que de nombreux jeunes réalisateurs se sont illustrés grâce à un tel teen-movie, et ont été reconnu grâce à ce dernier. Dans cette conception, où, en plus de cela, honnêteté et sincérité priment, le teen-movie trouve un rafrachîssement extrêmement agréable, proposant de touchants portraits d’adolescents, à la fois poignants, justes et drôles. C’est bien simple, on en ressort, très souvent, bouleversé.
John Grenn, John Hughes du vingtième siècle ?
À moins d’avoir hiberné durant ces deux dernières années, impossible d’être passé à côté du phénomène John Green, écrivain américain pour jeunes adultes, dont les œuvres sont adaptées, presque de manière annuelle. En effet, à un an d’intervalle, deux longs-métrages, deux teen-movie qui plus est, « Nos étoiles contraires » (2014) et « La face cachée de Margo » (2015) , sont sortis dans nos salles obscures. Il se murmure même que les quatre autres romans de John Green, sont, eux aussi, en cours d’adaptation cinématographique, générant de nouveaux teen-movie ancrés de la marque de l’auteur. De plus, on peut clairement affirmer que ces deux productions cinématographique sont des succès auprès des spectateurs, notamment en ce qui concerne le public visé : les jeunes adolescents. Peut-on déjà parler de « John Hughes d’aujourd’hui » en désignant John Grenn ? … Il faut croire que non, déjà pour la simple et bonne raison que l’écrivain ne signe pas lui-même la réalisation de ces adaptations, ni le scénario, signé dans les deux cas par Scott Neustadter et Michael H. Weber. Là encore, la qualité des longs-métrages est discutable, mais à aucun moment ces deux productions n’atteignent la sincérité, l’honnêté ou le charme des productions des années 80, encore moins celles de John Hughes, et s’avèrent bien fades comparées aux teen-movie sortant parallèlement au même moment. Le récit initiatique est surplombé de grandiloquence (la maladie pour « Nos étoiles contraires » et le jeu de piste pour « La face cachée de Margo »), et où les intentions de scénario auraient pu être davantage marquantes avec une simplicité aérant l’ensemble. C’est bien simple, tout sonne faux dans ces longs-métrages, jusqu’à ce que le spectateur se détache complètement de l’intrigue. Le plus surprenant dans cette histoire est que les scénaristes de « Nos étoiles contraires » et « La face cachée de Margo » sont les mêmes que ceux de « 500 jours ensemble » et « The spectacular now ». Est-ce à eux que l’on doit ce manque de tact et de justesse dans les adaptations des œuvres littéraires de John Green, ou est-ce que le problème vient du produit de base ? La réponse se trouve sûrement dans cet entre-deux.
En soit, il est assez triste de voir un tel succès pour « Nos étoiles contraires » et « La face cachée de Margo », tandis que « Le monde de Charlie » et « The spectacular now » manquaient cruellement de diffusions en salles, en France du moins, malgré un casting assez exceptionnel (Emma Watson, Logan Lerman et Ezra Miller pour le premier, Shailene Woodley et Miles Teller pour le deuxième). Souhaitons que ces teen-movie, estampillés du label « adapté d’une œuvre de John Green », ne soient qu’un effet de mode, et repartent aussi vite qu’ils sont arrivés.
La seule réussite, si s’en est une, de « Nos étoiles contraires » et « La face cachée de Margo » est de mettre en avant de jeunes acteurs, qui deviendront, et s’affirmeront grâce au genre, comme les acteurs emblématiques de toute une génération. Cela est vrai également pour les autres productions. De Jesse Eisenberg à Shailene Woodley, en passant par Kristen Stewart, Emma Watson, Miles Teller, Ansel Elgort, Ellen Page, Ezra Miller, Michael Cera ou encore Logan Lerman, tous sont devenus des acteurs marquants de toute une génération, en plus d’être extrêmement talentueux. C’est également cela le teen-movie aujourd’hui : la formation d’une troupe d’acteurs emblématique du genre du teen-movie, un peu comme l’était ceux des années 80 et que l’on appelait le Brat Pack. Au final, l’histoire ne fait que se répéter, le genre du teen-movie n’échappe pas à la règle, avec ses qualités et ses défauts, mais il persiste dans sa volonté de témoigner du quotidien de ces jeunes adolescents.
Le teen-movie aujourd’hui perpétue l’héritage du genre, en s’affirmant dans cette gigantesque famille, par ses choix de modernité et en s’inscrivant dans l’ère d’aujourd’hui. La sienne. Celle de ses personnages. La nôtre. Et c’est en cela, qu’il s’agit d’une réussite.