La Bête (La Belle et la Bête version hardcore)

Genre : érotico-hard, trash, fantastique (interdit aux - 18 ans à sa sortie puis aux - 16 ans)
Année : 1975
Durée : 1h44

L'histoire : Pour renflouer sa fortune, le marquis de l'Espérance décide de marier on fils Mathurin avec Lucy, une riche héritière anglaise. Quand elle arrive au château, celle-ci reste fascinée âr un tableau représentant Romilda, une aïeule de Mathurin. Dès la première nuit, Lucy est subjuguée par des rêves érotiques mettant en scène Romilda avec une bête amoureuse. 

La critique :

Voilà une oeuvre qui sort de l'ordinaire. La Bête, réalisé par Walerian Borowczyk en 1975, est un film érotico-hard qui mélange allègrement le pur fantastique avec un flot d'images très coquines voire carrément perverses. Curieux film en vérité qui, malgré un style académique, un scénario improbable et des acteurs "grand public", s'autorise des audaces visuelles extrêmement licencieuses à la limite d'une pornographie soft. Décidément, les moeurs indécents de ce fameuses années 1970 nous auront permis d'assister à la sortie de petits bijoux libertaires. Sans revenir sur le phénomène Emmanuelle, souvenez-vous par exemple de La Philosophie dans le Boudoir, chroniqué ici même il y a quelques mois.
La Bête fait également partie de ces oeuvres à la tonalité sulfureuse qui osaient afficher sans complexe une sexualité exacerbée. C'est tout naturellement que le réalisateur franco-polonais Walerian Borowczyk fit de cet érotisme à la mode son domaine de prédilection et qu'il connut ses plus grands succès lors de cette décennie provocatrice.

Avant de sévir dans le cinéma, Borowczyk fut pendant longtemps l'un des maîtres du film d'animation. Il est à noter que ses oeuvres ont largement influencé de futures références telles que les frères Quay ou encore Terry Gilliam. Après quelques oeuvres plus ou moins anecdotiques, Borowczyk tourne en 1974 le film à sketches Les Contes Immoraux, qui rencontrera un gros succès commercial en France avec plus d'un million de spectateurs. Décrivant cette oeuvre, le réalisateur déclare : "C'est un sanctuaire de liberté, une île sans interdits". Pendant l'écritude des Contes ImmorauxBorowczyk concocte un petit scénario intitulé L'Ours, qu'il hésitait à incorporer au montage final.
En définitive, L'Ours deviendra La Bête et le cinéaste en fera un long-métrage. Sous des dehors stylistiques surannés et affublé d'un scénario assez farfelu, La Bête reste pourtant une oeuvre d'une redoutable efficacité. Critique sociale d'une bourgeoisie rétrograde et frelatée, le film se suit quasiment comme une comédie noire, le réalisateur n'hésitant pas à condamner des us et coutumes hypocrites et dépassés.

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L'érotisme de Borowczyk reste avant tout vecteur de recherches sociologiques. Attention, SPOILERS ! Le marquis de l'Espérance est ruiné. Pour renflouer sa fortune, il compte beaucoup sur le mariage qu'il a arrangé entre son fils Mathurin, jeune homme repoussant et timide, et Lucy Broadhurst, une riche héritière anglaise. Lorque celle-ci arrive au château en compagnie de sa tante, elle est immédiatement fascinée par le portrait d'une aïeule de Mathurin, la belle Romilda de l'Espérance.
Selon la légende, Romilda aurait rencontré et aimé, deux cents auparavant, une bête monstrueuse qui erre dans les bois aux alentours du château. Dès la première nuit, Lucy est victime de rêves et fantasmes érotiques mettant en scène la sensuelle Romilda avec cette bête mystérieuse. Alors que les deux familles attendent l'arrivée du cardinal de Belo qui doit célébrer le mariage, Mathurin tombe malade et lorsqu'on le déshabille ; chacun, stupéfait, se rend compte que son corps est recouvert de fourrure...

Ce serait une erreur de croire que le sujet principal de La Bête est la zoophilie. Certes, le film se complaît dans une atmosphère malsaine et le réalisateur, ne s'interdisant aucune transgression, pousse assez loin le réalisme cru des relations entre la femme et la créature (dont l'apparence prête plus à l'amusement qu'à l'effroi). Mais Walerian Borowczyk se livre avant tout à une étude de moeurs. Et il dresse le constat peu flatteur d'une famille bourgeoise en pleine déliquescence où ne règnent qu'intérêts et hypocrisie. Le marquis nous est présenté comme un être cupide et arriviste. 
Prêt à tout pour sauver l'honneur de la famille et retrouver son rang dans la société, il n'hésite pas à mettre en oeuvre une pratique d'un autre âge en arrangeant le mariage de son fils avec une jolie héritière qui ignore tout du lourd secret que cache sa future belle famille. De son côté, la fille du marquis, véritable nymphomane, passe son temps à faire l'amour avec le domestique noir.

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Quant au curé qui s'est incrusté dans l'histoire, il ne se gène nullement pour pratiquer des attouchements sur ses enfants de choeur lors d'une scène qu'il serait impossible de filmer de nos jours. Bref, le réalisateur met noblesse et clergé dans le même sac. Dans sa diatribe sur la turpitude des sentiments humains, Borowczyk ose la comparaison entre amour et bestialité lors de la scène d'ouverture, où l'on voit un étalon saillir violemment une jument, saisissante métaphore symbolisant le futur mariage de Mathurin et Lucy, puisque la jeune anglaise elle aussi, va s'offrir à un inconnu.
L'acte "d'amour" ne représente donc ni plus ni moins qu'un ensemble d'énergies et de pulsions visant à la conservation de l'espèce. A ce sujet, la vision qu'a Borowczyk du fantasme féminin tranche totalement avec cette théorie puisque le réalisateur nous montre, à de nombreuses reprises, des scènes de masturbation.

Scènes que son talent sauve sans peine de la vulgarité. Au niveau du casting, si la majorité des acteurs sont d'illustres inconnus venus de la plupart du théâtre : Guy Tréjean, complice de Louis de Funès dans plusieurs films, et Marcel Dalio, fidèle compagnon de Jean Gabin dans La Grande Illusion. Curieux de voir deux acteurs aussi populaires dans cette oeuvre aussi osée et intimiste !
Il serait dommage de passer à côté d'un film aussi singulier. L'univers baroque de Borowczyk, flirtant avec le surréalisme, s'avère foisonnant et affiche des références picturales empruntées aux oeuvres libertines classiques. A la fois kitsch et étonnement provocateur, ce film de qualité est à conseiller aux amateurs de curiosités (néanmoins avertis) et à la recherche de nouvelles expériences cinématographiques.

Note : 15/20

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