Thanatomorphose (Destruction anatomique)

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Genre : horreur, gore, trash (interdit aux - 16 ans)
Année : 2012
Durée : 1h40

L'histoire : Après une nuit d'amour avec son petit ami, Laura se réveille avec d'étranges marques sur le corps Au début, elle n'y prête guère attention, mais son état va rapidement empirer. Sa peau commence à se nécroser, ses ongles à tomber et son corps dégage une forte odeur de décomposition. Rien ne semble pouvoir arrêter ce processus qui, peu à peu, va faire basculer Laura dans une véritable folie meurtrière. 

La critique :

Il y a peu, nous nous étions intéressés à un court-métrage nommé Crépuscule, réalisé par le canadien Eric Falardeau en 2011. Ce curieux petit film en pâte à modeler présentait un univers singulier mêlant violence et mysticisme. Un an plus tard, Falardeau réalise son premier long-métrage, Thanatomorphose, un film qui créa une certaine polémique dès sa sortie. Ovationné ou conspué selon les festivals où il fut présenté, Thanatomorphose est une oeuvre qui est loin de faire l'unanimité, mais qui a le mérite de créer le débat. Auteur du mémoire "Vers une exposition de la haine : gore, pornographie et fluides corporels", le réalisateur québécois affiche clairement la couleur, son cinéma ne fait pas dans la dentelle.
Avec ce titre qui mélange "Thanatos" et "métamorphose", on comprend que le sujet de son film sera essentiellement basé sur l'antinomie existant entre le désir de vie (Eros, la libido) et les pulsions de mort, désignées par le mot "Thanatos" en psychanalyse. A cela, il faudrait ajouter un propos à forte connotation religieuse représenté par le châtiment qui s'abat sur le pêcheur (la pécheresse, ici en l'occurrence) ayant commis l'acte de chair hors mariage (infraction au neuvième commandement du Décalogue).

On voit donc que les thèmes abordés sont très ambitieux. Le plus difficile pour Falardeau étant de les éclaircir et d'adapter ce mélange de psychologie et de métaphysique au travers d'un film d'horreur. Film d'horreur mais pas que. Puisqu'à cette histoire de pourrissement corporel, le réalisateur incorpore de nombreux éléments mystiques et métaphoriques. Ce corps de Laura qui lentement se putréfie, n'est rien d'autre qu'une prison anatomique d'où elle ne peut s'échapper, confrontée à elle-même et à l'abîme de sa situation. Ce corps qui n'est en fait que le miroir d'une âme gangrénée et qui tombe en lambeaux à l'instar de cette chair qui se désagrège peu à peu.
Thanatomorphose joue donc sur les deux côtés de l'humain, le corporel et le spirituel. Attention, SPOILERS ! Après avoir passé une nuit d'amour avec son petit ami, Laura, jeune et jolie sculptrice, se lève avec un léger bleu sur le visage. Alors qu'elle prend sa douche, elle constate sans y prêter attention outre mesure qu'un ongle de sa main s'est détaché.

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Dès la nuit suivante, réveillée par un cauchemar morbide, elle est prise de vomissements et s'aperçoit que son corps est recouvert d'ecchymoses. Elle prend quelques médicaments puis perd connaissance. Assaillie par d'horribles hallucinations et voyant son corps tout entier se décomposer, elle commence à perdre la raison. Inquiets de ne plus avoir de ses nouvelles, son petit ami et un autre copain passeront à son appartement, mais elle les tuera tous les deux à l'arme blanche.
L'agonie de Laura durera plusieurs jours durant lesquels son intégrité physique se délitera au point de se transformer en monstre difforme et de finir en amas de chairs disloquées. Bien sûr, la fin du film fait inévitablement penser au triste sort de Seth Brundle, héros malheureux de La Mouche. Il y a en effet ce point commun avec le classique de David Cronenberg, cet attrait pour l'horreur viscérale et organique, qui caractérisait les films de la première période du réalisateur canadien (anglophone). NB : Je précise anglophone puisque Falardeau, lui, est québécois.

Mais c'est bien la seule comparaison que l'on pourra établir entre les deux oeuvres. En premier lieu, Thanatomorphose va beaucoup plus loin dans les scènes glauques et peu ragoûtantes : vomissements à répétition, gros plans de putréfaction, membres arrachés, décomposition des chairs... Niveau effets spéciaux, rien à dire. Quant à l'interprétation, elle reste de bonne facture (il faut noter qu'il y a très peu de protagonistes), l'actrice principale Kayden Rose fournissant même une remarquable composition dans le rôle d'une femme physiquement aux abois.
Bon ça, c'était pour les points positifs. Mais pour le reste, le film souffre quand même de nombreux défauts rédhibitoires. En premier lieu, l'action est d'une lenteur soporifique et se cantonne dans le huis clos oppressant de l'appartement de la principale protagoniste. Falardeau se concentre d'ailleurs tellement sur cette dernière qu'il ne prend guère (pas du tout) la peine de s'attarder sur les autres personnages, pourtant peu nombreux, de l'histoire. Au point que l'on ne saura jamais le nom du petit ami de Laura.

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On pourra trouver aussi des imperfections au niveau de la réalisation en elle-même, Falardeau abusant des zooms et de fondus enchaînés, tout en multipliant les cadrages approximatifs. Mauvais point également à la lumière ou plutôt au manque de lumière la transformation physique de Laura s'effectuant dans une quasi obscurité, ce qui est assez frustrant pour apprécier les effets spéciaux, pourtant excellents, je le répète. Dégénérescence physique et délitement psychique sont donc au programme de ce métrage horrifique qui, depuis sa sortie en 2012, traîne une répultation sulfureuse et controversée.
Chef d'oeuvre pour les uns, infame navet pour les autres. Je dois avouer que même après deux visionnages, j'ai bien du mal à me positionner même si j'ai pu trouver de nouveaux atouts au film lors de la seconde projection. Falardeau signe ici une oeuvre intéressante et non dénuée de qualités. Mais les thèmes qu'il aborde ne sont-ils pas trop ambitieux pour lui ?
Difficile d'accès, Thanatomorphose nécessite plusieurs visionnages pour mieux explorer son univers à la fois spirituel et viscéral. Au final, entre fascination et répulsion, Eric Falardeau a accouché d'une oeuvre qui, malgré quelques défauts notoires, a le mérite de ne laisser personne indifférent.

Note : 11/20

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