TANGERINE (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit
SYNOPSIS: Vingt-quatre heures dans la vie d'une drôle de Cendrillon, qui traverse la Cité des anges à la recherche de sa rivale.

Tangerine était sans doute l'un des longs-métrages de la compétition du festival de Deauville 2015 les plus attendus. Intégralement filmé avec trois smartphones équipés de lentilles anamorphiques, ce petit film indé, produit par les frères Duplass, deux piliers du mumblecore (cinéma fauché et bavard, plus ou moins improvisé), avait été accueilli chaudement lors de son passage à Sundance en janvier dernier. Secundo, cette cinquième réalisation de Sean Baker a fait parler d'elle grâce à son sujet, traité de manière assez originale : l'odyssée déjantée de deux femmes transgenres, Sin-Dee Rella ( Kitana Kiki Rodriguez) et Alexandra ( Mya Taylor), prostituées sur Sunset Boulevard le soir d'un réveillon de Noël chaud et ensoleillé. À l'arrivée, Tangerine est un film éminemment sympathique et audacieux, quoique peut-être pas tout à fait à hauteur de sa formidable réputation. Départ en trombe avec une discussion endiablée entre deux personnages haut en couleurs, Sin-Dee et Alexandra, dans un fast-food, échange au cours duquel la première apprend de la seconde que son amant, un proxénète nommé Chester, l'aurait trompé alors qu'elle croupissait en prison. Déterminée, Sin-Dee parcourt dès lors les rues de L.A. en vue de confronter les infidèles. Parallèlement, Sean Baker propose de suivre la journée de Razmik, un chauffeur de taxi arménien et père de famille, avide de relations sexuelles extra-conjugales sur ses heures de boulot. Inévitablement lié aux deux prostituées, le destin de cet homme basculera au cours d'une rencontre riche d'émotions.

La force de Tangerine réside indéniablement dans ses personnages, attachants, pleins de vie et d'énergie. Bon point également, le récit est bercé d'authenticité, de drôleries et de véracité, sans jamais sacrifier aux éternels clichés ou au misérabilisme (défaut récurrent avec ce type de productions). Et si l'histoire recèle une profonde générosité et sincérité (point de cynisme ici), elle est obtenue en très grande partie grâce au décor choisi (le cadre rarement vu au cinéma des bas fonds de Los Angeles, loin de l'American Dream) et aux jeux spontanés des comédiennes principales, les excellentes Kitana Kiki Rodriguez et Mya Taylor, embauchées à la volée dans les rues de la cité des anges, où réside Sean Baker.Ce dernier les filme tout naturellement, avec une approche quasi documentaire, proche du cinéma-guérilla, pour capturer l'essence même de la street life. C 'est ainsi qu'il justifie d'ailleurs l'utilisation du procédé de mise en scène choisi, et c'est tout à son honneur. Le cinéaste, porté par un désir de justesse poussé à son paroxysme, a recours à de nombreux effets tapageurs pour retranscrire la vie mouvementée de ses héroïnes. Avec sa BO tonitruante, présente lors de chaque déplacement des personnages, ses dialogues hystériques, son rythme survolté, ses images sursaturées et séquences accélérées (on se croirait presque chez Tony Scott période Domino par moments) et sa mise en scène qui décoiffe, Tangerine n'est peut-être pas très subtil mais marque indéniablement les esprits. Notamment lors du point culminant du film - un climax singulier et décalé dans un Donuts Time - qui fait apparaître à l'écran le très bon James Ransone (acteur à suivre) dans la peau du mac. La séquence est hilarante et justifie à elle seule le détour. Plongée vivifiante et drôle dans le quotidien de deux prostituées à LA, Tangerine n'est pas le meilleur film de l'année mais possède un charme et une énergie folle, qui légitiment amplement sa présence en compétition officielle du 41è festival de Deauville. Sean Baker, nom à retenir !

Titre Original: TANGERINE

Réalisé par: Sean Baker

Casting: Kitana Kiki Rodriguez, Mya Taylor, Karren Karagulian,

Mickey O'Hagan, James Ransone, Arsen Grigoryan ...

Genre: Drame, Comédie

Sortie le: 30 décembre 2015

Distribué par: ARP Sélection

TRÈS BIEN