Après avoir découvert le film à Deauville, @JM_Siousarram voulait vous parler du nouveau et sympathique film d’espionnage vintage de Guy Ritchie, Agents très Spéciaux ! Voilà son verdict.
Une chose est d’ors et déjà acquise pour commencer cette critique sur Agents très spéciaux, il ne s’agira surtout pas du film qui réconciliera admirateurs et détracteurs de Guy Ritchie, et encore moins celui qui servira de conciliabule entre fan de la première heure du Britannique et novices post Sherlock-FX à gogo. Affublé de son complice sur Sherlock Holmes, Lionel Wigram au scénario, l’ex-mari de Madonna semble ne plus que se concentrer sur le rythme du récit, la mise en scène et la plastique générale de son oeuvre. Ce qui se ressent fortement sur ses scénarios de plus en plus faciles, alors que, faut-il le rappeler, Guy Ritchie a entièrement signé les récits d’Arnaques, crimes & botanique et de Snatch, ses deux premiers films qui restent sans aucun doute possible ses deux Madeleines de Proust. Non pas que cette relecture d’une efficace série d’espionnage US née en 1964, Man from UNCLE, soit décevante, loin de là, mais on est quand même très éloigné de l’univers ciselé de ses débuts, truffé de personnages haut en couleur possédant tous un phrasé ultra typique et aux punchlines dévastatrices.
Dans cette relecture moderne de la classique guerre froide, pas le temps de prendre de gant. Dans le Berlin post seconde guerre mondiale coupé en deux, l’agent Napoleon Solo, impeccable de classe américaine, croise le chemin de l’agent Illya Kuryakin, aussi rustre qu’un ours soviétique mal dégrossi, lorsqu’il doit exfiltrer la séduisante Gaby Teller, le tout pour une nouvelle histoire centrée sur l’arme nucléaire. Facile. Et déjà vu. Encore plus quand on prend le temps d’admirer cette mise en place dans la nuit berlinoise faite de gros plans sur les visages carrés d’Henry Cavill et Armie Hammer et de jeux d’ombres et de lumières lors de cette première poursuite labyrinthique.
On pense aux meilleurs James Bond, tendance Bons baisers de Russie, puis soudain tout s’accélère lors d’une embardée déjantée teintée d’humour et d’action comme Guy Ritchie aime si bien les dessiner. Musique assourdissante, plans carrés, montage au cordeau, scénario faisant dans l’efficacité : ces premières minutes donnent parfaitement le LA de ce que sera le reste des aventures de ces Agents très spéciaux, un divertissement de haute volée dans la droite lignée des films d’espionnage récents, Kingsman et Mission:Impossible Rogue nation.
Ce sentiment de voir passer deux heures à vitesse grand V est essentiellement dû à un casting principal totalement inspiré et incarné. Henry Cavill entre comme un gant dans ce personnage d’espion tombeur aux mimiques pince-sans-rires qui redonnent ses lettres de noblesses à l’expression flegme britannique. Face à lui, l’armoire blonde Armie Hammer joue parfaitement au yang soviétique de ce duo finalement pas si mal assorti que ça si ce n’est par son accent russe ultra stéréotypé. La très jolie Suédoise Alicia Vikander joue au diadème à plusieurs faces devant ces deux étalons en rute qui roulent des mécaniques. On pense souvent au meilleur des buddy movies lors de leur diverses joutes verbales et la mise en scène léché de Guy Ritchie ne fait que renforcer cette impression d’une accentuation voulue sur ce duo.
A la manière du récent Mission:Impossible 5, dont il partage la centralisation du personnage féminin, l’intrigue à double tiroir où l’humain est plus important que l’enjeu, ici aussi, le côté anti-spectaculaire du film d’espionnage est absolument recherché. Dans cet optique, il est à signaler l’extraordinaire travail de cadre effectué par John Mathieson qui a su placer les personnages au centre du récit et insuffler un souffle romanesque digne des meilleurs films des 60’s.
Si on a un bémol à concéder niveau plastique à ce joli bonbon savamment emballé, ce serait le débordement de musique kitsch sur certaines scènes comme lors de la course automobile en Italie. Si on continue d’attendre une nouvelle oeuvre forte plus personnelle de la part de Guy Ritchie, force est de constater que le bonhomme demeure l’un des meilleurs plasticiens actuels du 7e art, capable de nous concocter un nouveau film d’espionnage frais et réjouissant à la photo inspirée et porté par la fine fleur des acteurs montants à Hollywood. De là à voir la naissance d’une potentielle franchise, on restera plus mesuré dessus. Même si la gente féminine en redemandera surement encore.