Archetypes de melanie anne phillips – part 1

Par William Potillion @scenarmag

LES ARCHETYPES – PERSONNAGES, HISTOIRE ET ESPRIT
de Melanie Anne Phillips.
Traduction du chapitre 1, du chapitre 2 et du chapitre 3.

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

Les archétypes ne sont pas des inventions, mais des représentations de qualités humaines élémentaires. En fait, chacun d’entre eux incarne une famille de qualités un peu comme le tableau périodique des éléments. C’est comme si nous mettions toutes les terres rares dans un personnage et tous les gaz rares dans un autre.

Cela signifie que bien que chaque archétype soit composé de nombreuses pièces, elles travaillent toutes en harmonie pour créer un personnage à l’identité singulière que nous reconnaissons comme une facette de nous-mêmes, rendue tangible, de sorte que nous puissions reconnaître cet aspect de notre vie intérieure.

Jusqu’ici, les étudiants en littérature ont identifié une multitude de personnages basés sur des types de personnalité qu’ils ont étiquetés comme archétypes. Aussi utile que cela puisse être pour la création de personnages fondée sur les relations ou le thème, les vrais archétypes n’ont pas de personnalité. Ils sont plutôt les processus fondamentaux de notre propre sensibilité manifestée, incarnée comme fonctions à l’intérieur d’un récit tout comme ils sont des fonctions à l’intérieur de nous.

Il y a par exemple l’archétype de la raison qui illustre comment notre intellect aborde le problème au cœur d’une histoire. Et à l’opposé, il y a l’archétype de l’émotion pour exemplifier comment nos passions viennent appuyer sur notre perception immédiate du problème. En tout, il y a 8 archétypes, chacun composé de 8 éléments individuels, travaillant de concert pour illustrer l’essentiel des couleurs primaires de nos psychés.

Ce livre est une collection d’essais qui esquissent un cadre d’archétypes, basé sur leurs fondations psychologiques sous-jacentes.

CHAPITRE 2 : L’ORIGINE DES ARCHETYPES

Si les archétypes représentent des qualités humaines fondamentales, chacune d’entre elles assignée à un personnage différent, alors comment une telle convention de la structure des histoires est-elle possible ? La réponse réside dans la manière que les gens eux-mêmes s’organisent dans le monde réel que la fiction cherche et espère comprendre et expliquer.

En tant qu’individu, lorsque nous essayons de résoudre un problème, nous faisons appel à tous nos outils mentaux pour s’en occuper. Chacun d’entre eux fournit un point de vue différent, donnant sa propre évaluation du problème. De cette façon, nous recherchons une solution sous tous les angles qu’il nous est possible d’avoir et ainsi comprenons la situation aussi complètement que nous le pouvons.

Lorsque nous nous réunissons en groupe pour résoudre un problème d’une préoccupation commune, nous commençons comme un groupe d’individus, chacun essayant d’explorer le problème sous tous les angles, comme nous le faisons pour nous-mêmes. Très rapidement, cependant, nous commençons à nous spécialiser, chacun d’entre nous se concentrant sur une approche différente du problème qui représente juste une  de nos qualités humaines fondamentales.

Par exemple, l’une des personnes deviendra la voie de la raison pour le groupe, tandis qu’une autre deviendra le sceptique du groupe. De cette manière, le groupe comme un tout est capable d’acquérir une compréhention plus profonde du problème parce que chaque spécialiste est capable de consacrer toute son attention à juste un des aspects du problème.

Des centaines de générations de conteurs ont cherché à discerner la manière dont les gens interragissent entre eux et les rôles qu’ils adoptent. Ils ont observés comment chaque spécialité s’organisait naturellement si souvent qu’ils en ont codifié les rôles parmi les conventions de la structure des histoires comme les archétypes que nous connaissons aujourd’hui.

Ainsi, sans jamais personne ne l’essayant intentionnellement, ni ne le réalisant jamais, les personnages archétypaux d’une fiction s’avèrent peut-être être la représentation la plus précise des processus essentiels de résolution de problèmes que nous possédons tous, manifestée dans une représentation extériorisée de notre propre esprit.

CHAPITRE 3 : INTERPRETES ET PERSONNAGES

Avant d’approfondir la nature et la fonction de ces archétypes représentatifs, commençons par prendre un peu de recul et posons-nous une très simple mais pourtant importante question : qu’est-ce qu’un personnage ?

Ce n’est pas aussi facile d’y répondre comme il semblerait de prime abord. Comme beaucoup de concepts dramatiques, cela dépends de votre interlocuteur. Certains diront que les personnages sont juste des gens ordinaires dans des situations extraordinaires. D’autres diront que les personnages sont des types de personnalité. Et puis il y a ceux qui voient tous les personnages comme personnifiant des idéaux.

Aussi variées que ces descriptions puissent être, elles partagent toutes une chose en commun : elles voient les personnages à-travers le voile de la narration – la situation initiale, la manière de s’exprimer ou le sujet. Lorsque nous les dépouillons de tout cela, nous commençons à voir en-dessous la véritable nature structurale des personnages : au-delà de leurs personnalités et dans leurs psychologies sous-jacentes.

Mais, avant d’approfondir cette structure fondamentale des personnages, donnons au diable son dû et prenons un moment pour considérer leurs personnalités, comme c’est ce qui les rend fascinants, touchants, charismatiques et inoubliables.

Dans une histoire, toutes choses peuvent avoir une personnalité : une personne, un animal, un arbre, la mer, une étoile, même un virus. Cela est logique puisque dans notre vie de tous les jours, nous imprégnons des objets inanimés avec des qualités humaines quand nous nommons nos bateaux ou nous réferrons aux pays de nos pères, à la Mère Russie ou à Lady Liberty. Comme définition préliminaire, nous pouvons appeler cette entité qui présente une personnalité, une interprète (player).

Certains interprètes sont juste une partie du contexte comme les figurants dans un film. D’autres sont des outils uniquement pratiques que l’auteur utilise pour communiquer une information ou résoudre une difficulté logique de l’intrigue. Et encore d’autres ne sont rien d’autres qu’une façade – de simples éléments de divertissement qui ne sont que de pures dispositifs dramatiques.

Mais un interprète peut aussi accomplir une autre tâche dramatique : Il peut fonctionner comme un rouage de l’argument de l’histoire. C’est-à-dire qu’il contribue au processus de résolution du problème pour illustrer quelle approche convient le mieux dans cette situation particulière.

Lorsqu’il fait directement avancer l’argument de l’histoire, l’interprète devient un personnage. Pour être un personnage, donc, l’interprète  doit (à travers ses attitudes et/ou ses actions) illustrer une des manières possibles pour que le problème central de l’histoire soit résolu. Et ainsi, par cette définition, toutes les présences dans une histoire ne sont pas des personnages. Autrement dit, tandis que tous les personnages sont des interprètes, tous les interprètes ne sont pas des personnages.

Pour clarifier un peu plus, considérez cet extrait d’un de mes autres livres sur la fonction des personnages :
Les personnages ont besoin d’accomplir une double tâche dans une histoire. D’abord, ils doivent dépeindre dans l’histoire des personnes pleinement développées  de façon que les lecteurs ou le public puissent s’identifier avec elles et devenir ainsi personnellement impliqués dans le divertissement et peut-être, intérioriser le message.
Ensuite, chaque personnage doit idéaliser une facette différente de nos motivations conflictuelles, rendues tangibles, incarnées, afin que nous (les lecteurs ou le public) puissions observer directement le mécanisme de notre propre esprit, d’en voir de l’extérieur le dedans et ainsi acquérir une meilleure compréhension de comment résoudre des problèmes similaires dans nos vies.

Ainsi, nous voyons deux sortes de fonctions différentes dans chaque interprète lorsqu’il agit aussi comme un personnage : l’aspect pleinement développé qui fait de lui une personne réelle et le petit fragment de notre propre psychologie qui en fait un élément de l’argument de l’histoire.

Note de traduction :
A Scenar Mag, nous avons quelques difficultés à considérer qu'un personnage de fiction puisse être une personne réelle. En effet, nous considérons qu'en tant que création de l'homme, nous ne pouvons accorder d'existence aux personnages de fiction. Nous préférons mettre en avant leur irréalité car c'est justement celle-ci qui, nous le croyons, nous permet de pleinement développer nos personnages (et ceci, sans remettre en cause la théorie de Melanie Anne Phillips).

 En fin de compte, au fil du déroulement de l’histoire, tous ces petits fragments (donc les interprètes agissant comme des personnages) s’assemblent par le jeu des interactions entre les personnages comme des pièces d’un puzzle pour créer le message global de l’histoire.

Muni de cette compréhension de la différence entre interprètes et personnages et des deux jobs essentiels de chaque personnage, concentrons-nous juste sur le côté structurel et fonctionnel où réside les archétypes.