[Avant-première] Souschinski : la vérité sur la guerre ou l’autre Capa

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Pour immortaliser la seconde guerre mondiale, nous avions Robert Capa et cela nous suffisait jusqu’à présent. Grâce au 3ème festival du film russe à Nice, qui a débuté lundi 21 septembre avec une conférence d’Alexandre Sokourov, nous connaissons maintenant Vladimir Souschinski, reporter de guerre soviétique qui fit connaître à l’arrière, par son travail exceptionnel, l’avancée des troupes communistes vers la victoire contre l’Allemagne nazie. En présence de la réalisatrice, Anna Dorob, nous avons assisté à l’avant-première mondiale de Souschinski : la vérité sur la guerre, qui retrace la carrière courte et intense du cameraman devenu une idole dans son pays. A l’heure où, sans honte, les dirigeants occidentaux n’ont pas daigné convier la Russie aux commémorations des 70 ans de la capitulation allemande, il est plus que nécessaire de rappeler le rôle glorieux de l’Armée Rouge dans la libération de l’Europe.

Vladimir Souschinski était un idéaliste, un rêveur et un poète. Depuis sa tendre enfance, il caressait un rêve, celui de devenir cinéaste pour servir la révolution. Intégrant la prestigieuse VGIK, qui fut en son temps, la première école de cinéma à ouvrir ses portes dans le monde, il prit conscience qu’il devenait réalité. Malheureusement, à peine lui donna-t-on sa première caméra qu’il fut mobilisé. Après un an passer à l’arrière dans le ravitaillement, après plusieurs demandes sans réponse, on lui accorda de rejoindre le front pour mettre ses talents de cinéastes au service de la cause. D’un courage hors-normes, sans autre armes que sa caméra, l’homme pris l’habitude de frôler la mort en filmant les combats au cœur même de l’action. Il su, également, ce qui rend son œuvre très émouvante, saisirent le désarroi et la détresse des populations civiles. Mort, âgé d’un trentaine d’année, à cause d’un éclat d’obus, en 1945, il eut pour dernières paroles de demander aux soldats présents de sauver sa caméra.

Souschinski : la vérité sur la guerre possède un sous-titre dont l’ambition ne ment pas. Comme le raconte Boris Sokolov, un des deux-cents cameramen soviétiques ayant oeuvrés pendant la Grande Guerre Patriotique, mais aussi l’un des deux derniers vivants pouvant témoigner de cette époque, le pouvoir n’exerçait pas de censure direct sur ce qui était filmé. Bien sur, à Moscou, on coupait et on remontait les bandes gênantes mais sur le terrain, chaque reporter filmait ce qu’il voulait. En ce sens, ils rapportaient une certaine vérité sur la guerre. Sokolov raconte également comment pouvait régner une autocensure car les cinéastes ne voulaient pas démoraliser le pays avec des événements dramatiques et était donc enclin à filmer l’héroïsme, les moments dramaturgiques, plutôt que les charniers et les corps sans vie. La vision d’Anna Dorob, quant à elle, est double. D’une part, elle entend faire vivre une mémoire qui se meurt et d’autre part la faire dialoguer avec le présent. Ainsi, conclue-t-elle son film en interrogeant des enfants qui jouent, dans la ville natale du réalisateur, dans la rue qui porte son nom. Certains le voit en héros de l’aviation, d’autre font une moue étonnée. Peu savent que leur présent a été rendu possible grâce à ces hommes simples au destin extraordinaire qui ont donné leur vie contre la barbarie.

Souschinski : la vérité sur la guerre n’épargne ni votre intellect ni votre cœur. Travail d’historien réalisé par des novices n’ayant pour point d’ancrage que leur admiration pour Souschinski et un travail très documenté dans les archives de l’État russe, le documentaire réussit à allier dénonciation de la guerre, de son horreur et respect pour ceux qui ont sont mort pour mettre un terme à ce cycle d’atrocité. Comme devrait l’être tout travail de synthèse sur la seconde guerre mondiale, Souschinski : la vérité sur la guerre est avant tout une œuvre pacifiste. Souschinski, dans ses carnets, tracer des plans sur la comète. Il s’agit pour nous de lui rendre hommage en réalisant les notre.

Boeringer Rémy