Université Yale, en 1961. Stanley Milgram conduit une expérience de psychologie – considérée comme d’une importance majeure encore aujourd’hui – dans laquelle des volontaires croient qu’ils administrent des décharges électriques douloureuses à un parfait inconnu, attaché à une chaise dans une autre pièce. La victime a beau leur demander d’arrêter, la majorité des volontaires poursuivent l’expérience, en infligeant ce qu’ils croient être des décharges pourtant presque mortelles, simplement parce qu’on leur dit de le faire. Par cette expérience, Milgram souligne la propension qu’a tout homme à se soumettre à l’autorité, au moment précis où le procès du nazi Adolf Eichmann est diffusé à la télévision à travers toute l’Amérique. L’opinion populaire comme la communauté scientifique en sont bouleversées. Célébré dans certains cercles ou accusé d’être un monstre manipulateur dans certains autres, Milgram parvient pourtant à traverser les épreuves grâce au soutien de son épouse Sasha.
L’histoire est vraie et les recherches du Docteur Milgram sont étudiées à l’université. J’y suis allée vierge de toutes connaissances, me prenant une belle petite gifle de fascination face au travail de Stanley Milgram. Cela dit, le génie ne vient pas seulement du psychologue, mais également de Michael Almereyda, le réalisateur et des acteurs. L’histoire, aussi passionnante soit-elle, mal retranscrite/interprétée/écrite ne fera pas un bon film, et ici, à par quelques petits détails qui m’ont gênée, je n’ai rien à redire sur le nouveau film d’Almereyda.
Experimenter est, à mon sens, un biopic, une fiction et un documentaire. Un biopic, car il retrace une très grosse partie de la vie de Milgram, sans pour autant s’arrêter sur des morceaux futiles. Ainsi, le scénario se concentre sur le travail de fond de l’expérience majeure du psycho-sociologue, la rencontre avec sa femme, la construction de sa famille ne sont qu’une toile de fond, ramenant le docteur à l’état d’humain et non au simple rang de scientifique. Une fiction par l’élaboration de certaines séquences en fond vert accentué, l’utilisation de pastiche grotesque ou de décors théâtraux. C’est en cela que j’ai été gênée. Le souhait du réalisateur sur ces faux décors étaient d’ajouter une dimension irréelle s’apparentant au rêve et au fantasme, des événements tels que notre imaginaire souhaiterait qu’ils se passent. Heureusement, cette utilisation n’est pas exagérée. Enfin, l’assimilation au documentaire s’effectue pour moi sur les apartés face caméra de Milgram (Peter Sarsgaard), prenant le spectateur dans l’action, lui expliquant ses expériences comme s’il était un élève à part entière.
Pour ceux qui, comme moi, ne connaissaient pas du tout cette expérience, je pense que vous serez autant surpris par cette découverte, du moins, ce comportement pointé du doigt, remettant en cause votre propre rapport à l’autorité et à l’obéissance. Almereyda a également ajouté quelques autres petites expériences du Docteur, simples, qui vous feront sourire, car vraies, voire probablement déjà vécues. Peter Sarsgaard est vraiment très bon dans le rôle de Milgram, accordant une certaine froideur émotive, tout en gardant une ligne directrice pour ses recherches (son objectif), analysant au fond tous les comportements humains qui se présentent à lui. Winona Ryder interprète sa femme, lisse, et une pléiade d’acteurs que vous avez tous déjà vus (Dennis Haysbert, Anthony Edwards, Kellan Lutz, John Leguizamo) offrent de très beaux petits rôles.
Une réalisation fine rappelant les films à suspense des années 60, un sujet fascinant sur la psychologie sociale et une prise de conscience qui fait froid dans le dos. Une superbe réussite.
Sortie en salles le 18 novembre 2015.
Scénariste: Michael Almereyda
Acteurs: Taryn Manning, Winona Ryder, Peter Sarsgaard