Découvrez la critique de Les Rois du Monde, 1er film de Laurent Laffargue
" Casteljaloux, village du sud-ouest de la France. Entre amitié, ivresse et plaisir du verbe, les hommes y sont Les Rois du monde. Mais quand Jeannot sort de prison, il n'a qu'une seule idée en tête : reconquérir Chantal, l'amour de sa vie, qui s'est installée en son absence avec le boucher du village. La tragédie grecque prend alors des allures de western. "
(Source : Jour2fête)
Réalisation : Laurent Laffargue
Scénario : Laurent Laffargue et Frédérique Moreau
Image : Fabrice Main
Musique originale : Joseph Doherty
Casting : Sergi López, Céline Sallette, Eric Cantona, Guillaume Gouix...
Un lapin mort sur un sol sec. C'est sur cette image à la signification forte que s'ouvre le premier long-métrage de Laurent Laffargue. Homme de théâtre avant tout, c'est par le cinéma qu'il clôt son triptyque Casteljaloux. C'est dans le sud de la France, pays où l'on parle fort, que prend place sa tragédie où deux hommes vont s'affronter pour leur belle.
Laffargue s'applique à mettre en scène à la manière d'un western son vaudeville à l'issue tragique. La précision de ses cadres est la principale qualité du film, et l'entrée dans le film réussi à accrocher le spectateur. On y découvre deux hommes, abrutis par la chaleur en route pour la maison de Jeannot (Sergi Lopez) tout juste sorti de prison prêt à reconquérir Chantal (Céline Sallette) en couple à présent avec Jacky (Eric Cantona). Les deux fonctionnaires viennent littéralement exciter l'homme violent et possessif, tel un taureau prêt à en affronter un autre dans cette terrible corrida. L'on vient à penser dans ces dix premières minutes à l'ambiance rurale profonde des films de Jeff Nichols transposée en France. Malheureusement on s'éloigne assez rapidement de cette imagerie du western, que l'on ne retrouvera que dans la scène finale tant attendue, pour se diriger vers l'archétype du triangle amoureux en lutte.
Si les partis pris esthétiques de par leur rareté dans le paysage cinématographique français sont à saluer, le film pèche en revanche dans son écriture. Pas de réelle place ici pour la demi-mesure. Le film, sanguin, montre des hommes plein de testostérone, et offre une vision des habitants du sud un peu limitée. On s'étonne même de la naïveté du personnage de Guillaume Gouix, essayant d'aller à l'encontre des clichés, mais qui ne fait que combler par sa présence le vide du village où se déroule l'action. Il survient parfois un questionnement sur l'abandon face à la fatalité de la vie, les personnages aimant à se retirer pour se perdre et au final ne pas se retrouver. La tension ne parvient pas toujours à naître lorsqu'elle le devrait. La faute également à des dialogues trop convenus. Même si proche des comptoirs où le monde se défait, et les questionnements se font, et bien que Laffargue filme avec ferveur les petites gens qu'il aime tant, le film aurait mérité une plus grande envergure, ce qui aurait offert plus de puissance encore à son final.
C'est évidemment par le théâtre que l'issue du film est la plus intéressante. Chantal n'y est plus un objet de désir pour les hommes, elle y est vivante, un véritable exutoire. Pas totalement réussi pas totalement raté, Les Rois du Monde prend une place à part dans le cinéma français actuel, et rien que pour cela il mérite d'être salué. Ne réussissant pas à éviter certains stéréotypes Laurent Laffargue nous offre un premier film grandiloquent mais singulièrement personnel.