genre: drame, road movie
année: 1969
durée: 1h34
l'histoire : Deux motards traversent les États-Unis pour en découvrir les charmes cachés... Les côtés pile et face de l'Amérique.
La critique :
Film culte s'il en est. J'ai nommé Easy Rider, réalisé par Dennis Hopper en 1969. On peut même parler d'un film générationnel, non seulement pour les motards en herbe, mais aussi pour la génération hippie et post-soixante-huitarde en France. Easy Rider marque également la naissance du Nouvel Hollywood qui apparaît à la fin des années 1960 avec des films chocs et polémiques, entre autres, Le Lauréat et Bonnie and Clyde. Au moment de sa sortie, Easy Rider rompt avec toutes ces productions rôdées et formatées par le système hollywoodien. En ce sens, le film s'inscrit dans une certaine contre-culture.
En effet, le long-métrage se focalise sur des personnages en marge de la société et s'inscrit dans un nouveau paradigme : l'éloge de la liberté.
Easy Rider fait partie de cette nouvelle vague qui va inspirer le Néoréalisme en Italie et le cinéma de la Nouvelle Vague en France. A juste titre, Easy Rider est classé aujourd'hui parmi les grands classiques du Noble Septième Art. Au niveau de la distribution, le long-métrage réunit Peter Fonda, Dennis Hopper (qui réalise et joue à la fois dans le film), Jack Nicholson, Phil Spector et Karen Black.
A l'origine, pour l'écriture du scénario, Peter Fonda et Dennis Hopper s'inspirent d'un film italien, Le Fanfaron, réalisé par Dino Risi en 1962. Pour la petite anecdote, durant la scène de la veillée nocturne autour du feu, Peter Fonda, Dennis Hopper et Jack Nicholson fument réellement de la marijuana. Attention, SPOILERS !
Le film raconte le périple de deux jeunes motards, Wyatt et Billy, qui, après avoir vendu une grosse quantité de drogue, décident de quitter Los Angeles et d'aller participer à la célébration du carnaval de la Nouvelle-Orléans avec l'argent gagné. Durant leur traversée des États-Unis sur leurs choppers, les protagonistes rencontrent et découvrent le mode de vie d'une communauté hippie.
Accusés à tort de participer illégalement à un défilé, ils sont jetés en prison. Là ils sympathisent avec George Hanson, un avocat défenseur des droits civiques qui se joint à eux pour la suite du périple. Les trois compères se confrontent à l'Amérique profonde, raciste et conservatrice, qui refuse l'évolution des années 1960.
Born to be wild... Telle est la complainte rock'n'roll et mythique du groupe Steppenwolf qui est aussi l'hymne porté par Easy Rider. Un film polémique incontestablement et à double sens. Certes, il est question ici d'une Amérique conservatrice et xénophobe. Dennis Hopper ne se prive pas d'égratigner l'Amérique des pecnos et des culs-terreux. Sur ce dernier point, le réalisateur nous livre une succession de clichés et de caricatures. Ces américains fascistes sont laids, arborent une bouche édentée, vocifèrent de nombreuses avanies et pestent contre ces héros motards, vêtus d'oripeaux de loubards.
Ils abhorrent une tenue noire et provocante. Ils attirent les regards énamourés des jeunes femmes. Ils sont à la fois indociles et sympathiques. Leur attitude et leur look de mauvais garçon dérangent.
Comme une évidence, ces trois garçons "dans le vent" doivent être annihilés et éliminés. Quant à leurs contempteurs, ces "ploucs", véritables caricatures de la malséance et de la vulgarité, ils sont les symboles même de la vulgate nationaliste et patriotique. Ils exécrent ces jeunes motards parce qu'ils préfigurent une Amérique libertaire. Ils se droguent, glosent, dissertent, ratiocinent et vilipendent contre le drapeau étoilé. Ces trois jeunes hommes sont décrits comme des rebelles iconoclastes.
Ils pensent qu'ils sont à contre-courant des préceptes de cette société passéiste. Ils l'ignorent encore, mais ils ne sont que les instruments, les idiots utiles d'un consumérisme de plus en plus hédoniste. Peter Fonda et ses congénères ne le savent pas encore. Mais bientôt, ils deviendront les caricatures, les égéries et les porte-paroles d'une nouvelle forme de super consommateur : l'individu roi, cet homme ou cette femme qui n'a plus de limite ni de contrainte.
C'est le nouvel objectif d'un capitalisme prêt à s'emparer de cette pseudo révolution à des fins de plus en plus consuméristes. Contrairement à ce qu'ils pensent, Peter Fonda et ses comparses ne sont pas ostracisés pour leur tenue provocante et leur chevelure hirsute, mais parce qu'ils symbolisent ce même hédonisme. Comme un symbole, Dennis Hopper semble avoir lui-même conscience des caricatures qu'il expose et projette dans son film. C'est sûrement pour cette raison que l'acteur-réalisateur sacrifie ses jeunes héros sur la route. Comme si, ces individus rois, épris de liberté, étaient condamnés à mourir.
Nouveau symbole. L'individu roi ne peut régner éternellement sur l'Amérique et plus largement sur le monde. Il est destiné à mourir de son propre égoïsme et nombrilisme. Il existe dans Easy Rider une vraie mélancolie. Dennis Hopper semble lui aussi amer et désemparé, ne cherchant pas à prendre position entre ces bibendums homophobes et ces motards rétifs et un brin condescendants.
Easy Rider balade non seulement ces héros mais aussi le spectateur sur des routes désertiques, à la destinée funeste et chaotique. A l'image de cette séquence presque expérimentale et surtout sous acides se déroulant dans un cimetière de la Nouvelle Orléans. Easy Rider, c'est aussi le voyage de Candide, à savoir cette quête désespérée et illusoire d'un Eden, d'un Empyrée terrestre ou d'un Eldorado chimérique. Si le film a tout de même souffert du poids des années, il reste néanmoins le témoignage sincère et touchant d'une époque, mais aussi d'une nouvelle doxa dominante.
Note : 16/20