PRÉMONITIONS : Être ou ne pas être Dieu, telle est la question… ★★★★☆

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Un thriller palpitant au pari réussi.

Après avoir joué les psychopathes dans Le Silence des Agneaux et après avoir interprété récemment des rôles un peu plus secondaires comme dans Thor, Anthony Hopkins nous revient cette fois-ci dans un thriller au scénario relativement classique mais qui parvient par le jeu des acteurs et sa mise en scène à renouveler le genre. La tension dans le film est quasi-insoutenable, oppressante, aussi bien pour les spectateurs en haleine que les personnages, constamment coincés dans un cadrage au niveau de la taille ou du visage. Très rares sont les séquences où ils se retrouvent dans des espaces ouverts. Leurs destins inextricablement liés est accompagné d’un rythme d’action relativement lent qui s’accélère au fur et à mesure que leur enquête avance, tandis que le tueur en série les mène par le bout du nez. En plus d’être coincés aussi bien dans leur propre enquête que dans le cadre imposé par le réalisateur, John Clancy (Anthony Hopkins), Joe Merriwether (Jeffrey Dean Morgan) et Katherine Cowles (Abbie Cornish) cherchent tous à faire bonne figure. Une certaine dualité s’installe de cette manière entre les trois protagonistes, soulignée par les divers jeux de miroirs présents dans chacune des scènes du film. Mensonge et vérité se confondent alors. Toutefois, c’est à l’aide de ces mêmes miroirs que les masques tombent, notamment lors de la confrontation très marquante entre John Clancy et Katherine Cowles, interprétée avec brio par les deux acteurs. Cependant, l’emploi très important des reflets dans la plupart des plans surcharge le propos du film.

Dans ce thriller, c’est le rôle du médium qui importe. Après avoir perdu sa fille d’une leucémie, John Clancy est devenu un homme désabusé mais rempli de sagesse face à ces pouvoirs qui l’assaillent constamment, ce qui est formidablement retranscrit par Hopkins. C’est totalement l’inverse pour le serial killer : il ne peut prendre du recul face à ses visions qui le poussent à passer à l’acte, mais lui permettent également d’avoir plusieurs coups d’avance sur la police. Du point de vue de la mise en scène, le pari est réussi pour Alfonso Poyart. Il est parvenu à donner un résultat très sensoriel aux visions, ce qui se rapproche de ce que peut ressentir le médium. Toute la symbolique religieuse autour du serial killer, ainsi que l’usage de plans rotatifs renforce cet aspect. Au final, un jeu de piste se met en place avec le spectateur au fur et à mesure que les différents indices fournis par les visions se multiplient. Le spectateur se doit alors de rassembler les pièces du puzzle pour pouvoir trouver la solution à l’intrigue posée.

De par ces choix de mise en scène et de scénario, la question qui se pose au spectateur est la suivante : pouvons-nous nous considérer comme des dieux régissant la vie des autres humains ? C’est ce qu’implique la possibilité de voir l’avenir pour les deux antagonistes principaux (Hopkins et Colin Farell), et ce qui constitue la base même de leur confrontation, sous-tendue par la thématique de l’euthanasie. Pourtant, aucun des deux ne semble se considérer comme tel. Malgré leurs pouvoirs, ils possèdent une fragilité qui leur est propre. Le jeu de Colin Farell est notamment à saluer puisqu’il parvient à se détacher de l’image classique du serial killer (qu’il avait déjà interprété dans certains films comme le remake de Fright Night) pour le rendre plus empathique, humain et donc fragile. Sa confrontation avec John Clancy forme ainsi le point culminant de l’intrigue, renversant toutes les idées que le spectateur pouvait se faire sur toute l’histoire. En sortant de la salle de cinéma, ce film, par ses abords très classiques et par sa mise en scène qui peut sembler parfois surchargée, arrive à nous faire réfléchir et à questionner notre vision de la justice. Prémonitions (de son titre anglais Solace) ne donne pas forcément une puissance nouvelle au spectateur mais reste une bonne surprise. A voir d’urgence !