genre: policier
année: 1958
durée: 1h34
l'histoire : A Los Robles, ville-frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, un notable meurt dans un attentat. L'enquête qui s'ensuit oppose deux policiers : Vargas, haut fonctionnaire de la police mexicaine, en voyage de noces avec sa jeune épouse américaine, Susan, et Hank Quinlan, peu amène vis-à-vis de ce fringant étranger. Dès lors, le couple est séparé : Vargas part avec les policiers pour les besoins de l'enquête et Susan est entraînée chez Grandi, un caïd local qui la menace. Les pressions exercées sur eux ne cessent d'augmenter. Vargas échappe de justesse à une projection d'acide ; Susan de retour dans sa chambre d'hôtel, est harcelée par un voyeur. Excédée, elle demande à son mari de la conduire en sécurité, dans un motel américain.
La critique :
Orson Welles. Un nom qui raisonne comme un mastodonte et qui reflète à la fois le talent et le physique replet et impressionnant de cet artiste aux multiples facettes. Réalisateur, metteur en scène, scénariste, producteur, acteur, dessinateur, écrivain et prestigitateur, Orson Welles est un touche-à-tout de génie. Avec son tout premier film derrière la caméra, l'immense Citizen Kane, Orson Welles s'impose déjà parmi les meilleurs cinéastes du noble Septième Art.
Talent qu'il confirme par la suite avec Le Criminel, La Dame de Shanghaï, MacBeth et Le Procès. Vient également s'ajouter La Soif du Mal, sorti en 1958. A l'origine, le film est l'adaptation d'un livre, Badge of Evil, de Whit Mastherson.
Au niveau de la distribution, La Soif du Mal réunit Charlton Heston, Janet Leigh, Orson Welles (donc à la fois acteur et réalisateur), Akim Tamiroff, Joseph Calleia, Valentin De Vargas, Dennis Weaver, Joseph Cotten et Marlene Dietrich. La Soif du Mal est aussi un film de commande. La société Universal n'est guère enthousiasmée par le choix d'Orson Welles derrière la caméra.
Selon certaines rumeurs, il semblerait que ce soit Charlton Heston qui ait imposé le cinéaste aux studios Universal. Néanmoins, les producteurs lui somment de boucler le film dans les plus brefs délais. Orson Welles s'attelle à la tâche. Lors du premier jour de tournage, Welles réussit l'exploit de mettre en boîte l'équivalent de quatre jours de tournage et rassure les financiers d'Universal qui vont lui laisser une grande liberté.
Pour l'anecdote, La Soif du Mal est aussi le dernier film hollywoodien d'Orson Welles. A ce jour, le long-métrage fait partie des grands classiques du cinéma américain. Il marque également la quintessence du film noir. Attention, SPOILERS ! A Los Robles, ville-frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, un notable meurt dans un attentat. L'enquête qui s'ensuit oppose deux policiers : Vargas (Charlton Heston), haut fonctionnaire de la police mexicaine, en voyage de noces avec sa jeune épouse américaine, Susan, et Hank Quinlan (Orson Welles), peu amène vis-à-vis de ce fringant étranger.
Dès lors, le couple est séparé : Vargas part avec les policiers pour les besoins de l'enquête et Susan est entraînée chez Grandi, un caïd local qui la menace.
Les pressions exercées sur eux ne cessent d'augmenter. Vargas échappe de justesse à une projection d'acide ; Susan de retour dans sa chambre d'hôtel, est harcelée par un voyeur. Excédée, elle demande à son mari de la conduire en sécurité, dans un motel américain. La Soif du Mal est aussi considéré comme un film maudit. A l'époque, Orson Welles ressort de l'échec cuisant de La Dame de Shanghaï.
Au moment de sa sortie, les studios Universal, peu convaincus par le montage final, décident de raccourcir le film de plusieurs minutes. Par la suite, il faudra donc patienter quinze longues années pour découvrir le film dans sa version intégrale. A l'époque, La Soif du Mal apparaît comme un film expérimental et novateur, un peu trop peut-être. A tel point que le long-métrage sera tancé, brocardé et morigéné par Universal.
A l'instar de ses précédents films, Orson Welles s'applique comme un expert et un véritable orfèvre derrière la caméra. Chaque plan, chaque séquence et chaque son sont minutieusement pensés, analysés, décortiqués et travaillés. Ce n'est pas un hasard si aujourd'hui La Soif du Mal est considéré comme un film culte et même comme un brévaire de référence par plusieurs générations de cinéastes.
Ainsi, Orson Welles propose une véritable réflexion sur cette dichotomie entre le bien et le mal, en opposant l'obscurité totale à une image en noir et blanc teintée de quelques clartés vespérales. Les acteurs apparaissent souvent en plans serrés, laissant découvrir des visages obombrés.
La Soif du Mal s'apparente à une sorte d'allégorie sur l'âme humaine, à l'image de la confrontation entre les deux principaux personnages, mais pas seulement. En outre, Orson Welles est l'antithèse de Charlton Heston. L'acteur-réalisateur interprète un flic désabusé, taciturne, couard, irascible, tendancieux et manipulateur. Bref, il incarne le côté le plus obscur de l'humanité dans toute son outrecuidance et sa pusillanimité. A contrario, Charlton Heston représente la droiture, la probité et la bravoure.
Néanmoins, il ne faudrait pas non plus négliger les autres personnages, à l'image de l'étonnante Marlene Dietrich, certes assez discrète et secondaire dans le film, mais incarnant cette ligne étroite et ineffable entre le bien et le mal.
D'un côté, elle dédaigne la justice expéditive et inique appliquée par Quinlan. De l'autre, elle admire aussi son charisme et sa virilité. Parallèlement à ses personnages, Orson Welles nous propose une plongée vertigineuse dans la ville, à l'image de cette introduction magnifique, véritable modèle de cinéma. D'emblée, Orson Welles délivre plusieurs plans-séquences à couper le souffle, avec de nombreuses saynettes relevant quasiment de l'onirisme et de la fantasmagorie.
Ce n'est pas un hasard si Welles est un fervent admirateur du style épuré de John Ford et de Jean Renoir. Bien des années après sa première sortie au cinéma, La Soif du Mal consacre enfin Orson Welles parmi les augustes réalisateurs du Septième Art. Une récompense bien méritée pour ce bijou infiniment noir et à découvrir de toute urgence.
Note : 18.5/20