On a besoin d’histoires – part 1

Nous sommes avides d’histoires. On écrit et on est à l’écoute de toutes les histoires d’où qu’elles viennent. On a besoin d’une gamme complète d’histoires et non seulement des films mais aussi des journaux, des blagues ou ces contes de fée modernes que sont les légendes urbaines. De plus, avec les moyens dont on dispose aujourd’hui, l’accès à toutes ces histoires est très facilité aussi bien dans l’écriture que dans l’écoute.
Mais pourquoi cette passion pour les histoires ? parce qu’elles ont permis de nous expliquer le monde, celui d’hier, celui d’aujourd’hui pour nous permettre de trouver la voie vers notre futur. N’était-ce pas déjà le rôle des mythologies, des croyances ? des religions ?

Mais en plus ou peut-être au-delà de ce besoin de comprendre, il y a la nécessité pour un artiste, un écrivain, un scénariste de communiquer quelque chose.
Pendant le temps d’un court-métrage par exemple, il y a ce lien unique qui se crée entre un auteur et son public. Ce n’est pas un pipeline qui engloberait tout le monde car l’auteur crée un lien ténu et fragile avec chacun des membres de ceux qui le lise (ou le voit si le court-métrage est réalisé). C’est donc bien d’une communauté dont nous parlons ici, d’un rapport privilégié entre un auteur et son lecteur, un privilège rare pour lequel l’auteur devrait faire montre du plus grand respect.

La transmission du savoir au sein de la communauté n’a pas été le seul rôle des histoires. Celles-ci ont fourni à l’humanité un accès légitime à l’univers de nos rêves et de nos peurs. Elles en ont fourni un exutoire pour ces expériences psychiques toujours troublantes. Le but d’une histoire est d’incorporer ces dimensions particulières de nos vies à notre conscience. Nos rêves et nos peurs sont des éléments importants des histoires.

Quelles qualités devrait-on trouver dans une histoire ?

Toutes les histoires devrait engager la curiosité du lecteur. L’auteur doit construire sur cette curiosité en tentant d’impliquer le lecteur dans la situation d’un personnage et aboutir finalement à ce que le lecteur s’identifie et au personnage et/ou à la situation.
L’identification est un terme général qui consiste essentiellement à faire reconnaître chez le lecteur des expériences proches de celles qu’il a pu vivre ou aimerait vivre. Votre personnage a des rêves. Les rêves que vous décrivez peuvent trouver un écho même faible chez votre lecteur et le processus magique de l’identification se met en branle. Cette reconnaissance est l’objectif que devrait atteindre un auteur.

L’auteur va donc utiliser des dispositifs, des principes ou des techniques dramatiques pour atteindre ce but, c’est-à-dire déplacer le lecteur d’une simple curiosité vers un état plus émotionnel. Si cela fonctionne, les résultats peuvent varier de l’amusement à un véritable sentiment tragique. L’histoire marque de son empreinte l’esprit d’un lecteur.
Maintenir l’attention des lecteurs est donc une des qualités que l’on devrait trouver dans une histoire.

On distingue deux types de qualités dans les histoires : celles relatives au personnage et celles relatives à l’intrigue.
Concernant le personnage, la qualité principale d’une histoire est de parvenir à trouver chez le lecteur une identification avec le personnage principal pour permettre au lecteur de s’engager dans l’histoire. Pour accrocher et maintenir l’attention du lecteur (donc l’engager dans l’histoire), il doit être concerné par le dilemne de votre héros et s’intéresser à ce qu’il lui arrive et à ce qu’il va devenir (lui donner donc l’envie de tourner la page).

Afin de faciliter cette identification, nous avons besoin de savoir qui est ce personnage et de comprendre la situation dans laquelle il se trouve lorsque débute l’histoire. Votre personnage principal pourrait être actif ou passif, jeune ou vieux, un garçon ou une fille mais ces attributs doivent être cohérents avec votre histoire. Vous ne pourriez décrire un athlète de haut niveau comme un personnage passif parce qu’instinctivement, l’on sait qu’un tel personnage doit être énergique et avoir une volonté indéfectible pour réussir de tels exploits.
Ainsi, des détails ou des indices même en passant peuvent aider à cette reconnaissance par le lecteur. Quels sont les objectifs du personnage ? Quels sont ses espoirs, ses peurs et ses rêves ? Ces informations peuvent aider à identifier un personnage et préparer chez le lecteur un futur intérêt envers lui, comme quelqu’un sur lequel vous vous seriez retourné soudain, attiré par un détail, un trait étrange que vous ne sauriez expliqué.

Cette attirance soudaine est la porte d’accès à cette identification recherchée par l’auteur. Si le lecteur reconnaît quelque chose chez le personnage ou dans sa situation, il commencera à se rapprocher de lui, à établir avec lui un lien. Si ce lien ne s’établit pas, l’auteur perdra le lecteur (sanction brutale mais bien dans la nature humaine, pourquoi, en effet, rester avec quelqu’un qui vous ennuie ?).

Le rôle de l’antagoniste n’est pas non plus à négliger dans le processus d’identification. Cet antagoniste est à  comprendre comme une entité c’est-à-dire qu’il peut effectivement être incarné par un personnage ou bien être une montagne, une mère surprotectrice, une justice aveugle…
Souvent, le meilleur antagoniste est soi-même : nos propres faiblesses (peur, cupidité, colère, passivité) peuvent jouer le rôle de l’antagoniste et c’est alors chez lui que le lecteur établit des liens qui aident à l’immerger davantage dans l’histoire.
Plus l’antagoniste est puissant, plus le combat du protagoniste sera difficile. Si le but de votre histoire est de dépeindre un comportement héroïque, le rôle de l’antagoniste sera crucial en cela que par sa seule présence, il illuminera le héros. Ce qui compte, ce n’est pas que le héros remporte un combat par ses actions. Ce qui est important, c’est qu’il doit remporter ce combat parce que son antagoniste met à mal (et il est le seul suffisamment puissant ou habile pour le faire) des valeurs humaines ou sociales (ou n’importe quelle valeur) qui vont inciter chez le héros un comportement héroïque. Et ce sont ces valeurs précisément sur lesquelles l’antagoniste va appuyer pour faire souffrir le héros. C’est comme si ces valeurs étaient pour le protagoniste ses propres faiblesses. Ces faiblesses seront ensuite exploitées par l’auteur pour humaniser davantage son personnage provoquant par là le processus d’identification chez le lecteur.